DEMARRÉ ou DEMARREZ Julius, Céleste, Auguste, Marie-Joseph.

Par Jean-Paul Mahoux

Gotem (aujourd’hui commune de Looz, pr. Limbourg, arr. Tongres - Tongeren), 26 février 1884 – janvier 1951. Militant daensiste, activiste flamand, militant socialiste dans l’entre-deux-guerres, dirigeant socialiste local, conseiller provincial du Limbourg, conseiller communal et échevin de Borgloon (pr. Limbourg, arr. Hasselt), conseiller provincial socialiste élu sur une liste dissidente après 1945, conseiller communal libéral et échevin de Borgloon à partir de 1947.

Julius Demarré ou Demarrez, fils d’Euphrasie Sproelants et d’Auguste Demarre, directeur d’une sucrerie, grandit à Looz dans le canton de Borgloon, où son père devient propriétaire de la scierie locale et est loueur de machines agricoles. Après une scolarité primaire passée à l’école communale, il poursuit ses humanités gréco-latines au Petit Séminaire de Saint-Trond (Sint-Truiden, pr. Limbourg, arr. Hasselt), à l’exception de la dernière année qu’il suit à l’Athénée royal de Tongres.

Julius Demarré débute son action militante dans le mouvement flamand lors de son inscription à la Faculté de philosophie et lettres de de l’Université catholique Louvain (Leuven, aujourd’hui pr. Brabant flamand, arr. Louvain), dans la section « Littérature flamande ». Membre de l’association, Met tijd en vlijt (littéralement : avec temps et application), créée afin de promouvoir les lettres flamandes, il préside plusieurs conférences pour la flamandisation de l’université de Louvain. Ayant obtenu sa candidature en 1908, il entreprend avec succès une première année de droit. Pour une raison inconnue, son parcours universitaire s’interrompt jusqu’en 1916. C’est à cette époque qu’il s’engage dans le mouvement démocrate-chrétien dissident, les daensistes, alors en perte de vitesse.

Membre du cercle de propagande daensiste de Borgloon, De Waarheid (la vérité), et président de plusieurs ligues limbourgeoises du même type, Julius Demarré dirige en 1911 la rédaction du mensuel démocrate-chrétien, Ons Volk (notre peuple). Ce journal, distribué dans tout le Limbourg, devient en 1912 Het Vlaamsche volk (le peuple flamand). Il permet à Demarré de développer son opposition au courant anti-daensiste issu du monde catholique, représenté par le journal, Het Land van Loon (le pays de Loon). Certains de ses textes dont le style est proche de celui de Hector Plancquaert*, rédacteur à Het Rechts, sont publiés dans la presse daensiste, notamment dans De Volkeeuw.

Julius Demarré écrit une brochure Alleen’heersching en republiek (autocratie et république), préfacée par Pieter Daens* et diffusée en 1910, dans laquelle il critique vivement la politique dépensière de feu Léopold II et l’usage exclusif du français à la Cour.

L’idée de faire participer Julius Demarré aux élections législatives de 1914 est émise par le Comité central, mis en place pour reconstituer l’unité du daensisme, en proie aux dissensions entre cléricaux menés par Pieter Daens et anticléricaux conduits par H. Plancquaert. Demarré, estimant le moment encore inopportun, rejette cette proposition.

Le retour à l’université que Julius Demarré effectue au cours de la Première Guerre mondiale modifie profondément son parcours politique et accentue son engagement pour une Flandre autonome. En effet, réinscrit à la Faculté de droit de l’Université de Gand (Gent, pr. Flandre orientale, arr. Gand) en octobre 1916, Demarré s’engage dans l’activisme. Il est membre du Genschte studentencorps hou ende trou (littéralement : le corps étudiant gantois attaché et fidèle) qui reconnaît le récent Conseil des Flandres comme le plus haut organe de pouvoir du peuple flamand. Il est également premier secrétaire de la Politieke studentcommissie (commission étudiante politique) qui milite pour la libération politique et administrative de la Flandre. Julius Demarré rencontre alors les leaders de la jeunesse activiste : les anversois, Lode Craeybeckx* et Herman Vos*, qui y représentent la tendance progressiste et socialisante. Ce dernier élément et les contacts qu’il noue avec la Fédération socialiste anversoise ne sont pas étrangers à son évolution politique d’après-guerre.

Après l’Armistice de 1918, les activités de Julius Demarré durant la guerre lui valent d’être accusé de trahison et incarcéré à la prison d’Anvers (Antwerpen, pr. et arr. Anvers). Faute de preuves, il est relaxé au bout de quelques mois. Il rentre alors dans « le rang ».

Définitivement installé à Looz, Julius Demarré reprend le travail exercé par son père et y ajoute une activité de grossiste en fruits. En 1923, il se marie à Liège avec Ernestine Daris, native de Borgloon, dont il aura un fils en 1926.

En 1923, Julius Demarré s’affilie au Belgische werklieden partij ( BWP - Parti ouvrier belge) de Borgloon, pratiquement à la même période que ses deux mentors, futurs mandataires et ministres socialistes, L. Craeybeckx et H. Vos. C’est aussi dans les années 1920 qu’il abandonne la religion catholique pour devenir protestant.

Conseiller provincial en 1925 et nommé échevin de l’Enseignement de Borgloon suite aux élections communales de 1926, Julius Demarré est plusieurs fois tête de liste à la Chambre en 1929 pour l’arrondissement d’Hasselt et au Sénat en 1932 et en 1936 pour les arrondissements d’Hasselt et de Tongres-Maeseik. Il est élu, avec 15 % des voix, sénateur en mai 1936.
Depuis 1933, Julius Demarré est secrétaire du Bureau du BWP limbourgeois. Son mandat communal l’amène à siéger dans plusieurs commissions : il est président de la Commission d’assistance publique de Borgloon de 1926 à 1936, président du Ziekenfonds (fonds de maladie), membre de Het Fonds van de meestbegaafden van Maaseik (fonds des mieux doués) de 1930 à 1936.

Julius Demarré poursuit ses activités journalistiques dans la presse socialiste provinciale en tant que rédacteur puis rédacteur en chef du journal de la Commission syndicale du Limbourg, De Volkswil, et de l’édition limbourgeoise de Voor allen (pour tous).

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Julius Demarré s’oppose à l’occupant allemand, ce qui lui vaut d’être arrêté et incarcéré comme prisonnier politique à deux reprises : du 27 septembre 1941 au 29 septembre 1942 dans les prisons de Saint-Gilles, Hasselt, Forest et Merkplas, et du 17 juillet au 9 septembre 1944 à la prison de Liège où il est libéré par la progression des Alliés.

L’après-guerre marque un nouveau tournant dans le parcours politique de Julius Demarré. Il rompt avec le BWP, devenu en 1945 le Belgische socialistische partij (BSP - Parti socialiste belge). Ses adversaires, les tongriens, J. Rijkals*, conseiller provincial, et Pieter Diriken*, député, mutualiste et syndicaliste de premier plan du Limbourg, lui reprochent son emprise financière sur le mensuel, De Volkswil, dont il est de plus le rédacteur en chef. Lors du Congrès socialiste limbourgeois du 28 février 1945, Demarré exige un siège de sénateur coopté, l’indépendance de décision au Volkswil et la mise à l’écart de Rijkals, le tout assorti d’une menace de démission. L’assemblée rejette cette mise en demeure et élit Rijkals au secrétariat du parti provincial.

Julius Demarré fonde alors avec L. Pletsers, autre socialiste démissionnaire de Saint-Trond, une liste socialiste indépendante. Cette dernière limite sérieusement les résultats de la liste socialiste pour le Sénat, menée par Diriken. En 1946, Demarré est réélu au Conseil provincial du Limbourg où il siégera jusqu’en juin 1950.

Sur le plan communal, Julius Demarré figure sur la liste libérale de Borgloon lors des élections d’octobre 1946. C’est un succès. Il devient premier échevin en janvier 1947 et le restera jusqu’à son décès en janvier 1951. Son adhésion au Parti libéral se confirme lors de sa candidature infructueuse à la Chambre en juin 1949. Mais dans une interview donnée à la Volksgazet (la gazette du peuple) en 1950, il reconnaît s’être engagé dans une mauvaise voie, en s’éloignant du socialisme.

La principale constante du parcours politique mouvementé de Julius Demarré est son combat en faveur du mouvement flamand. Mandataire communal désireux de flamandiser entièrement la vie administrative du Limbourg, il décrète le 11 juillet (fête de la Bataille des éperons d’or), jour férié pour le personnel communal. Il refuse toute correspondance bilingue entre la Commission d’assistance publique locale et Bruxelles et s’indigne du fait que la centrale téléphonique qui gère les lignes du canton soit située sur le territoire wallon.

Mandataire provincial et sénateur, Julius Demarré est partisan de la suspension de l’enseignement de la langue française dans les écoles primaires de la province. Le 11 décembre 1925, il fait adopter par le Conseil provincial limbourgeois une motion demandant l’amnistie pour l’activiste anversois, A. Borms. Ses centres d’intérêt vont également à l’enseignement officiel, notamment à l’École normale d’Hasselt, qu’il soutient et aux questions agricoles.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article146963, notice DEMARRÉ ou DEMARREZ Julius, Céleste, Auguste, Marie-Joseph. par Jean-Paul Mahoux, version mise en ligne le 30 mai 2013, dernière modification le 10 décembre 2019.

Par Jean-Paul Mahoux

ŒUVRE : Allen’heersching en republiek, Aalst, 1910.

SOURCES : VAN ISACKER K., Het Daensisme. De telegeurgang van een onafhankelijke, christelijke arbeidersbeweging in Vlaanderen 1893-1914, Antwerpen, 1959 – MASSIN W., De Belgische werklieden partij in Limburg 1918-1940, Brussel-Gent, 1981, p. 143 – VAN CAMPENHOUT F., Prominenten uit de daensistische beweging, Bilbeek, 1989 – Nationaal biografisch woordenboek, vol. 13, Brussel, 1990, col. 195 – DE VULDERE R., Biografisch repertorium der belgische parlementairen, senatorem, en volksvertegenwoordigers, 1830-1965, Gent, RUG, 1965, p. 621 – Voor allen, juni-juli 1934 – De Volkswil, juni-juli 1934.

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