NÈGRE Jean, Gustave, Armand

Par Fabien Conord, Jacques Girault, Gilles Morin

Né le 20 juin 1907 à Armentières (Nord), mort le 8 mai 1972 à Montluçon (Allier) ; professeur ; militant mutualiste (MGEN) ; maire socialiste SFIO de Montluçon (1959-1972), conseiller général, député (1962-1968) puis sénateur « centriste » de l’Allier (1971-1972).

Jean Nègre
Jean Nègre

Son père employé des postes, descendant d’enseignants de Lozère, mourut et Jean Nègre fut élevé par sa mère receveuse des postes en Lozère. Élève du collège de Mende (Lozère), puis du lycée de Toulouse (Haute-Garonne), il obtint le baccalauréat en 1926, une licence d’anglais (1927-1930) et un diplôme d’études supérieures (1931) à la faculté des Lettres de Toulouse. Assistant de français à Motherwell en Écosse (1928-1930), boursier d’agrégation (1931-1932), il effectua son service militaire en 1932-1933 à Marseille.

Maître d’internat au lycée de Rodez (Aveyron) en 1933-1934, Jean Nègre fut nommé professeur d’anglais à l’école nationale professionnelle d’Egletons (Corrèze) en 1934-1935. Muté comme professeur à l’école pratique de commerce et d’industrie de Bordeaux (Gironde), il y enseigna de 1935 à 1940 tout en étant chargé de cours à l’École des élèves-officiers mécaniciens de la Marine marchande. Il fut alors nommé à l’EPCI, devenue collège technique, de Montluçon de 1940 à 1947 puis au lycée de la ville de 1947 à sa retraite administrative en 1963. Il enseigna dans les classes nouvelles en 1949-1950 et ne fut pas inscrit en 1952 sur les listes d’aptitude pour devenir chef d’établissement. Quand la direction du collège de Saint-Pourçain lui fut proposée en 1954, il la refusa, expliquant que cet établissement ne comportait que des classes de premier cycle.

Il se maria en juin 1935 à Egletons avec la fille d’un hôtelier. Mobilisé en septembre 1939 comme interprète dans le corps expéditionnaire au Moyen-Orient, il fut démobilisé en juillet 1940 avec le grade de sergent-chef.

Pendant sa carrière enseignante, Jean Nègre collabora au dictionnaire français-anglais de Charmeau aux éditions Nelson en 1932 et composa un Précis de législation du travail, d’hygiène professionnelle, d’instruction civique : initiation à la vie sociale en 1947, manuel destiné aux centres d’apprentissage qui connut plusieurs rééditions. Il écrivit une préface à un ouvrage sur le Bourbonnais, des paroles de chansons et Le théâtre de Sir James Barrie, auteur notamment de Peter Pan.

A Montluçon, militant syndical, il fut élu au conseil d’administration de la section départementale de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale, le 29 novembre 1947, et renouvelé jusqu’en 1968, ayant été le vice-président de la section de 1952 à 1963. Il fut élu administrateur national de la MGEN de 1955 à 1963 et, à ce titre, fut membre des commissions des statuts et allocations journalières, de la garantie collective.

Candidat en sixième position sur la liste « d’union républicaine et socialiste pour la défense des intérêts montluçonnais » conduite par André Southon, Nègre fut élu conseiller municipal, le 26 avril 1953, en quatorzième position dans l’ordre du tableau. Franc-maçon, militant socialiste SFIO depuis 1955, secrétaire de la section de Montluçon de 1962 à 1969, après la défaite personnelle de son "concurrent" Pierre Bourgeois, aux élections municipales de mars 1959, il devint adjoint au maire, puis maire de Montluçon le 26 novembre 1959, suite au décès de Southon le 10 octobre 1959. Il fut réélu en 1965 et en 1971. Ayant foi en la science et croyant au progrès, il donna une impulsion à de nombreux travaux et à toutes les rénovations possibles dans sa ville, s’investissant dans ce but au sein de multiples organismes : bureaux du Comité d’expansion économique, de la SEB (Société d’Équipement du Bourbonnais) et de la CODER d’Auvergne. Mais au-delà de cet aspect économique, sa gestion fut aussi marquée par la construction des HLM de Fontbouillant et la création de la MJC. Il devint membre du bureau de l’Association amicale des maires de l’Allier. Au début des années 1960, il fut le promoteur de la constitution de l’Association des communes forestières de l’Allier et du Comité interdépartemental de reboisement du bassin du Cher. Administrateur de l’hôpital de Montluçon, il devint président de la fédération hospitalière du Centre et membre du bureau national de la fédération nationale des centres hospitaliers.

Élu conseiller général du canton de Montluçon-Est en décembre 1959, succédant à Southon, réélu en 1964 et en 1970, il fut vice-président du conseil général. Devenu un des ténors de l’assemblée départementale, insensiblement il se heurta au président Georges Rougeron, figure de la SFIO bourbonnaise qui dominait le conseil général depuis 1945.

Sa rivalité avec Pierre Bourgeois fut croissante jusqu’en 1962 et Jean Nègre fut investi, le 2 avril, candidat socialiste SFIO aux élections législatives par 626 mandats contre 223 pour Bourgeois. Le 25 novembre 1962, il fut élu après avoir devancé Pierre Bourgeois, candidat dissident, au premier tour (38,29 % des suffrages exprimés contre 5,43 %). Il siégea dans la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à l’Assemblée nationale dont il fut un des secrétaires en 1964. Réélu en 1967 comme candidat de la « Fédération de la gauche socialiste et démocrate », il fut battu en 1968. En effet, les rapprochements opérés à gauche depuis 1962 le mirent en difficulté à Montluçon, ce qui se confirma en juin 1968 quand, député sortant, toujours candidat FGDS, il fut devancé par le candidat communiste Henri Védrines alors qu’il ne réunissait que 15 537 voix sur 63 737 inscrits, soit près de 5 000 voix de moins qu’en 1967. Sa déclaration pour le second tour fut « ambiguë » selon la presse. Le total des voix communistes et socialistes au premier tour atteignait 34 411 voix et le candidat communiste élu au deuxième tour n’obtenait que 24 400 suffrages n’attirant que les bulletins de 36 % de l’électorat de Nègre qui avait été contraint de se retirer en vertu des accords nationaux. Cet événement contribua à l’éloigner du parti dont il était, depuis 1963, membre du Comité directeur fédéral après avoir été signataire de la motion Defferre « Pour le nouveau parti démocrate socialiste », pour le congrès national extraordinaire de décembre 1968. En 1970-1971, il se disait de la tendance Chandernagor et refusa l’Union de la gauche. Il forma son propre groupe au conseil général. Il ne rejoignit pas le PS et celui-ci présenta une liste contre lui aux élections municipales de 1971. Mais il fut réélu contre l’Union de la gauche et contre la liste de droite.

Cet éloignement s’était aussi concrétisé en mars 1970, quand Nègre, qui venait d’être réélu conseiller général, renversa Georges Rougeron en rejoignant les rangs des modérés, faisant élire Jean Cluzel à la présidence du conseil général. Jean Nègre devint, quant à lui, président de la commission départementale et vice-président du conseil général. La semaine suivante, Rougeron expédiait une lettre aux maires de l’Allier, dénonçant l’attitude de Nègre et de Pierre Boulois, autre conseiller général issu de la SFIO ; Nègre répondit par une autre lettre le 20 juin 1970.

La carrière de Jean Nègre se poursuivit dans une autre optique que celle du mouvement ouvrier, mais finalement, dans la continuité de son action municipale et de ses activités économiques et sociales. Devenu membre du Parti socialiste démocratique, réélu maire de Montluçon en mars 1971, à la tête d’une liste alliant d’anciens militants socialistes (et souvent membres de la CGT-FO) à des personnalités de la droite locale, Nègre fut élu, le 26 septembre 1971, sénateur de l’Allier sur la liste « d’Union républicaine et socialiste pour la défense des intérêts de l’Allier et des libertés communales » avec 540 voix sur 1 001 suffrages exprimés.
Son alliance avec le candidat « centriste » Cluzel fit perdre leurs sièges aux sortants socialistes, Rougeron et Pierre Gonard*. Non inscrit puis membre du groupe de l’Union centriste des démocrates de progrès, il fit partie au Sénat de la commission des affaires sociales. Comme parlementaire, ses interventions furent surtout consacrées aux questions de l’Éducation nationale. Il était aussi membre actif de l’Amicale des lozériens du Centre, département auquel il était resté très attaché.

Son nom fut donné à une allée de Montluçon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article147016, notice NÈGRE Jean, Gustave, Armand par Fabien Conord, Jacques Girault, Gilles Morin, version mise en ligne le 3 juin 2013, dernière modification le 14 août 2021.

Par Fabien Conord, Jacques Girault, Gilles Morin

Jean Nègre
Jean Nègre

ŒUVRE : Le fichier de la BNF comporte vingt-trois références, comprenant les rééditions et mises à jour de son précis de législation, dont le dernier sous le titre Précis de législation du travail, de sécurité sociale et d’instruction civique : initiation à la vie sociale (Foucher, 1978) et de deux ouvrages en collaboration, Éléments de législation familiale et sociale (J. Lanore, 1952) et Précis de droit commercial et de législation fiscale (Nevers, 1955).

SOURCES : Arch. Nat., F/7/15530 B-Z, n° 17394, 1977359/23, 19780654-59, F17/28188. — Arch. Dép. Allier 46 J 11, 46 J 40. — Arch. Mun. Montluçon, 3 C40. — Procès-verbaux du Sénat 1972 (éloge funèbre). — Arch. de l’Assemblée nationale, dossier personnel. — Site Internet de l’Assemblée Nationale. — Archives de l’OURS, dossiers Allier. — Arch. Fondation Jean Jaurès, 6EF73/1. — Bulletin socialiste, 28 septembre 1971. — Nouveau dictionnaire national des contemporains, Paris, J. Robin, 1964. — Georges Rougeron, Les administrations départementales de l’Allier : Le conseil général, tome 4 : 1958-1970, Montluçon, Grande Imprimerie Nouvelle, 1978, 167p. — La Montagne, 9 mai 1972. — Archives personnelles. — Documentation MGEN. — Notes de René Crozet et de Charlotte Siney.

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