NÉPLAZ Bernard, Lucien, Étienne

Par Jacques Girault

Né le 19 novembre 1932 à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) ; instituteur ; militant communiste dans le Jura, le Rhône puis en Haute-Savoie, maire de Sciez, conseiller général ; militant laïque.

Ses parents étaient artisans fromagers au Lyaud, village près de Thonon. Son père Alexandre Néplaz*, communiste depuis 1929, après avoir participé à la réorganisation du Parti clandestin, créa et dirigea la deuxième compagnie des Francs-tireurs-partisans dans le secteur de Sciez Douvaine. Après avoir échappé à l’arrestation par les Allemands à la fin novembre 1943, il fut muté comme chef du troisième sous-secteur FTP des deux Savoies, puis comme chef du sous-secteur FTP Nord-Isère, sous le nom de « capitaine Lenoir ». Il participa à la libération de Lyon et revint à Sciez où il fut maire communiste de 1944 à 1971.

En 1946, Bernard Néplaz créa un groupe de Vaillants à Sciez et, à ce titre, fut élu au bureau fédéral de l’Union de la jeunesse républicaine de France de Haute Savoie en 1948. Au début de 1951, il en devint secrétaire fédéral et, depuis janvier 1950, adhérait au Parti communiste français.

Élève du collège de Thonon, bachelier en 1951, il commença des études à la faculté des Sciences de Besançon. Résidant à Dôle, il participa à la réorganisation de la fédération UJRF du Jura et au début de 1952, fut élu au comité fédéral du PCF du Jura. A l’automne 1952, alors que plusieurs dirigeants de l’UJRF étaient emprisonnés, il fut sollicité pour devenir permanent au bureau national. Il refusa car, venant de s’inscrire à la Faculté de droit à Lyon, il voulait militer également en Haute Savoie. Il fut coopté au comité national de l’UJRF puis élu en 1953, tout en participant aussi à la direction de la fédération UJRF du Rhône. En 1954 il reprit la direction de la fédération de l’UJRF qui devint Union de la Jeunesse Communiste de France dont il fut membre du conseil national.

Bernard Néplaz se maria en août 1955 à Margencel (Haute-Savoie) avec Jacqueline Bouvet, fille de Marius Bouvet, militant communiste, résistant FTP en Chablais, condamné à mort par la Cour martiale milicienne et fusillé à Thonon le 26 février 1944. Responsable du groupe de Vaillants de Sciez, membre du PCF depuis 1952, elle devint secrétaire départementale de l’Union des jeunes files de France à partir de 1960. Le couple eut un garçon et une fille.

Arrêtant ses études supérieures, après un stage de cinq mois à l’École normale d’instituteurs de Bonneville, à la rentrée scolaire de 1954, il assura des remplacements d’instituteur à Vallières et Chamonix (Argentière) et devint membre de la section du Syndicat national des instituteurs. A la rentrée de 1955, il fut nommé pour un an à Combloux (La Côte), puis à Vacheresse (1956-1958), à Sciez-Chavannex (1959-1960), à Loisin (1966-1961) puis à Sciez (1961-1991) tout en étant détaché à mi-temps à la Fédération des œuvres laïques.

Bernard Néplaz faisait partie du bureau de la section communiste de Sallanches et entra au comité de la fédération communiste de Haute-Savoie en 1956. Il prit part aux manifestations pour empêcher le départ des trains de soldats rappelés pendant la guerre d’Algérie. Il ne fut pas réélu par la conférence fédérale de 1959 car il accomplissait son service militaire (avril 1958-octobre 1959). La décision fut prise de le réélire sans que son nom soit diffusé dans la presse.

En 1957, signataire de la lettre de 150 jeunes Français refusant d’effectuer leur service militaire sous les ordres du général allemand Speidel, emprisonné une première fois durant trois jours en octobre 1957 alors qu’il était instituteur à Vacheresse, Néplaz fut à nouveau arrêté, au début de son service militaire, le 11 avril 1958, et transféré à la base aérienne de Marrakech et y resta jusqu’à la fin de son service. Son arrestation, comme celle de tous ses camarades arrêtés avant lui en France, suscita un grand mouvement de protestation dans le milieu des anciens Résistants et dans la presse communiste. A la suite d’un compromis entre les avocats des emprisonnés et le Ministre de la Défense nationale, Jacques Chaban-Delmas, la vingtaine de jeunes emprisonnés furent transférés outre-mer. Néplaz effectua son service militaire au Maroc.

Dès son retour du service militaire, Néplaz quitta ses fonctions à la JC et milita à la section de Thonon du PCF. Mais en 1960 on lui demanda de participer à la direction nationale de la nouvelle organisation du Mouvement de la Jeunesse communiste, l’Union de la Jeunesse agricole de France ; il fut élu au bureau national qu’il quitta sur sa demande en 1963. Il fut alors élu au bureau de la fédération du PCF de Haute-Savoie, chargé de la jeunesse. Mais en février 1968, il refusa sa réélection au bureau fédéral lorsque la majorité du comité fédéral s’opposa à la réélection d’un autre instituteur communiste, Robert Amoudruz*, qui avait mis en cause le fonctionnement du centralisme démocratique tel qu’il était pratiqué dans la fédération. Bernard Néplaz entendait aussi, en matière de promotion des cadres, s’élever contre l’attitude du secrétariat fédéral qui avait estimé qu’un enseignant ne pouvait être à la direction fédérale. Il fut à nouveau membre du bureau fédéral à partir de 1971 et jusqu’en 1992 où il démissionna pour protester contre l’élection de la nouvelle secrétaire fédérale Manuella Gomez et surtout les conditions qu’il jugeait scandaleuses de cette élection par 13 voix contre 11, et 9 abstentions. La moitié des membres élus en 1991 quittèrent alors le comité fédéral, provoquant une longue crise dans la fédération. Pour diverses raisons, il ne participa à aucune école centrale du Parti. Au bureau fédéral, il fut successivement responsable des enseignants puis des intellectuels communistes à la fin des années 1970. Secrétaire de la section communiste de Thonon, en I972, il fut secrétaire du Comité départemental pour la Paix et la Victoire du peuple vietnamien. Son épouse, à la fin des années 1960, fut élue au comité fédéral au titre comme son époux de membre de la section PCF du Bas-Chablais.

Aux élections législatives de 1962, Bernard Néplaz fut candidat dans la deuxième circonscription (Thonon), succédant à l’ancien député Albert Boccagny. Il arriva en troisième position avec 4 569 voix sur 47 130 inscrits. Mais le député de droite sortant, maire de Thonon, Georges Planta, républicain-indépendant, fut réélu dès le premier tour. Le même scénario se reproduisant par la suite. En 1967, candidat communiste, il progressait et obtenait 5 702 voix sur 49 669 voix mais le député sortant retrouvait son siège dès le premier tour. En 1968, sa progression continuait (6 262 vois sur 49 722 inscrits, mêmes résultats). En 1973, il arrivait cette fois en deuxième position avec un plus grand nombre de voix (7 183 vois sur 53 845 inscrits). En 1978, sa légère progression en total de voix s’accompagnait d’un recul de près de quatre points par rapport aux suffrages exprimés de 1973 (7 228 voix sur 63 933 inscrits), précédé cette fois par le candidat socialiste qu’il devançait dans les scrutins précédents. Il fut à nouveau candidat en 1981. En 1986, au scrutin proportionnel départemental, il figurait en troisième position sur la liste du PCF qui obtint 4 % des suffrages exprimés. En 1997, devenu maire de Sciez, à nouveau candidat dans la même circonscription, grâce à sa notoriété, il fit passer l’électorat communiste de 5 à 10 % des voix.

Aux élections régionales de 1992, Bernard Néplaz conduisait la liste communiste dans le département qui obtint 3,92 % des voix et aucun élu.

En 1995, à la suite de la démission du conseiller général du canton, maire de Thonon, battu aux élections municipales, une élection cantonale partielle a lieu en octobre. Bernard Néplaz qui avait déjà été candidat en 1967 en obtenant 15 % des voix, fut à nouveau candidat communiste. Sur les sept candidats, le communiste, avec 15 % des voix, arriva de justesse en deuxième position, loin derrière le maire de Thonon. Au second tour, Jean Denais, nouveau maire de Thonon, ancien attaché parlementaire du Président du Conseil régional Charles Million, fut élu, alors que Bernard Néplaz, avec 33 % des voix, dépassait largement le total des voix de gauche, avec 75 % dans sa commune. En 1998, le canton de Thonon fut coupé en deux, Thonon-Est et Thonon-Ouest. Les sections locales du Parti socialiste et du PCF, contre l’avis de leurs directions fédérales respectives, se mirent d’accord pour présenter un seul candidat dans chaque canton, PS à Thonon-Est, PCF à Thonon-Ouest. Jean Denais, conseiller général et maire de Thonon suscitait beaucoup de mécontentement dans sa ville. De plus, la région Rhône-Alpes était secouée par la réélection de Charles Million, dont Denais avait été l’attaché parlementaire, à la tête de l’exécutif régional avec les voix du Front National. D’autre part, à partir de 1981, la gauche gouvernait le pays. Denais choisit de se représenter dans le canton Thonon-Ouest qui lui était plus favorable. Candidat unique PCF-PS, Néplaz, avec 24 % des voix au premier tour, frôla la victoire avec 49,6 % au second tour. Le candidat PS était élu à Thonon-Est. Mais en juillet, les comptes de campagne de Denais furent rejetés et il démissionna. Pour préparer les nouvelles élections du 11 octobre, le Front National organisa une réunion à Thonon, avec Bruno Mégret. Lors de la contre-manifestation, Jacqueline Bouvet-Néplaz, parlant au nom des familles de fusillés, dénonça « le Parti de la haine ». Le soir du premier tour, Bernard Néplaz, candidat unique de la gauche, arrivait en tête avec 42 % des voix, devançant de vingt points le nouveau candidat soutenu par le RPR, maire-adjoint de Thonon. Au second tour, Bernard Néplaz l’emporta, le 18 octobre 1998, avec 56 % des voix, de nombreux élus de droite lui apportant leur soutien par rejet du maire de Thonon. Il siégea jusqu’en 2004. Il avait été membre dans l’assemblée départementale des commissions du tourisme et des sports, de la culture, des affaires sociales. Membre du bureau du Syndicat départemental d’incendie et de secours dès sa formation, en tant que délégué du Syndicat de secours du canton de Thonon, il conserva cette fonction en tant que conseiller général. Délégué du président du Conseil général à la Mémoire du monde combattant, chargé particulièrement de la réalisation du CDRom sur la Résistance en Haute Savoie, il bénéficia d’une prolongation durant quatre années après la fin de son mandat de conseiller général afin de poursuivre le travail de mémoire au sein du Service Mémoire et Citoyenneté.

Sur le plan municipal, à Sciez, sous l’impulsion d’Alexandre Néplaz, comme à Cervens où Albert Boccagny était maire communiste depuis 1926, la tradition était de constituer des listes à majorité communiste mais en cédant à des représentants de la droite qui ont soutenu ou participé à la Résistance un certain nombre de sièges. En 1977, la composition sociologique de la commune ayant fortement évolué, le PCF devancé par le PS, la majorité était très nettement à droite. Néplaz proposa au maire sortant que chacune des deux listes en présence ne présenteraient que 12 sièges au lieu de 17, pour permettre à la liste minoritaire d’avoir au moins cinq sièges. En page régionale, Le Dauphiné libéré titra : « Sciez réinvente la proportionnelle ». La direction fédérale du PCF demanda à Néplaz de rompre cet accord, ce qu’il refusa. La droite fut largement majoritaire, mais la gauche eut cinq élus dont deux communistes, Néplaz étant élu en dernière position. En 1983, il fut battu dans des conditions à peu près identiques, mais deux ans plus tard, à la suite de la démission de cinq élus de droite, il fit son retour au conseil municipal dès le premier tour. En 1989, deux jeunes militants chrétiens, l’un socialiste, l’autre gaulliste, lui proposèrent de constituer une liste d’union de large rassemblement pour faire face aux appétits des promoteurs immobiliers dans la commune. La liste fut élue en entier (23 sièges) et Néplaz devint maire, avec comme premier adjoint un militant RPR. Cette liste fut largement réélue en 1995 et 2001. Néplaz, depuis 1995, présidait le SIVOM du Bas Chablais (25 000 habitants).

Militant actif dans les associations laïques, Néplaz créa à Sciez une association d’éducation populaire, le Foyer culturel de Sciez, devenue une institution rayonnant sur des communes voisines, assurant la gestion associative de la restauration scolaire, de la bibliothèque municipale et des sections sportives et culturelles. En raison de ce travail, il fut élu au conseil fédéral des œuvres laïques en 1967. Vice-président en 1968, élu président de la FOL en 1975, à la suite d’une tension interne aux dirigeants sortants socialistes, il le resta jusqu’en 2006. En 1981, élu au Conseil National de la Ligue Française de l’Enseignement, il devint pendant une dizaine d’années vice-président national, chargé du tourisme social jusqu’en 1999, date à laquelle il ne renouvela pas sa candidature en raison de ses multiples charges électives, mais également en désaccord avec les orientations de la Ligue dans le secteur dont il avait la responsabilité. Il resta membre du collège des personnalités de la Jeunesse au plein air dont il fut pendant trois ans membre du bureau national.

A la fin des années 1990, Bernard Néplaz décida de mettre progressivement un terme à ses multiples mandats politiques et associatifs. En juin 1999, il abandonna son mandat de vice-président de la Ligue de l’Enseignement. En 2001, il ne sollicita pas le renouvellement de son poste de Président du SIVOM du Bas-Chablais. En 2003, il mit un terme à son mandat de maire tout en restant membre du conseil municipal et maire honoraire. Son choix de passer le relais à son adjoint, membre du RPR, qui l’avait soutenu lors de ses candidatures au Conseil général, fut contesté par des militants communistes. Il s’agissait, selon lui, de continuer à juguler la spéculation immobilière par une attitude unitaire, le nouveau maire assurant à des militants communistes des délégations d’adjoints. En 2004, il ne sollicita pas un nouveau mandat de conseiller général. En 2006, il quitta ses fonctions de président de la Fédération des Œuvres laïques tout en restant membre du bureau départemental et jusqu’en 2013 président du comité départemental UFOLEP.

Durant cette période, il devint un membre actif de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance dont il fut pendant plusieurs années le vice-président départemental chargé du travail de mémoire et depuis 2010 membre du conseil national. Il animait un groupe de travail d’une dizaine de militants de la mémoire du secteur du Chablais qui réalisa plusieurs ouvrages sur la Résistance, notamment FTP, de ce secteur de la Haute Savoie. Un premier livre, 1939-1945 Le Chablais dans la tourmente, parut en décembre 2012, un second en mars 2013. Il présida l’association Frank Boujard qui depuis les années 1980 entretenait la mémoire de la guerre d’Espagne et de la Résistance. Depuis 1998, son épouse Jacqueline Bouvet-néplaz prenait une part active à l’action des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation dont elle était la présidente départementale depuis 2001 tout en étant membre du bureau national de l’association des Familles de Fusillés.

Depuis son départ à la retraite, Bernard Néplaz restait membre du SNUIPP et de la Fédération syndicale unitaire.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article147021, notice NÉPLAZ Bernard, Lucien, Étienne par Jacques Girault, version mise en ligne le 3 juin 2013, dernière modification le 27 novembre 2022.

Par Jacques Girault

SOURCES : Archives du comité national du PCF. — Renseignements fournis par l’intéressé. — Divers sites Internet. — Presse.

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