NOURY Marcel, Sébastien, Alexandre

Par André Balent

Né le 7 février 1903 à Montescot (Pyrénées-Orientales), mort le 15 avril 1989 à Passa (Pyrénées-Orientales) ; vigneron propriétaire à Passa et à Saint-Jean-Lasseille (Pyrénées-Orientales) ; coopérateur ; mutualiste ; radical-socialiste (avant 1939), socialiste SFIO puis socialiste (1945-1989) ; résistant (Libération-Sud, MUR, AS) ; conseiller municipal (1928-1935), premier adjoint (1935-1944) puis maire (19 août 1944-15 mai 1945) de Passa.

Marcel Noury, années 1930
Marcel Noury, années 1930
Archives familiales Gilbert Noury, reproduction et recadrage André Balent

Le père de Marcel Noury, âgé de vingt-cinq ans en 1903, exerçait à cette date la profession de granger à Montescot. Sa mère Thérèse Quinta, ménagère, avait vingt-deux ans. Ses parents étaient établis plus tard à Saint-Jean-Lasseille (Pyrénées-Orientales). Son père, propriétaire, y était vigneron. Marcel Noury se maria à Passa le 19 avril 1927 avec Marie, Thérèse, Cécile Dagues, fille de Pierre Dagues, cultivateur et de Cécile Santenach, née à Passa le 22 avril 1906. Le couple eut deux fils : Guy, né en 1928, notaire à Leuc (Aude) et Gilbert, né en 1931, qui reprit l’exploitation familiale. Il vécut désormais à Passa, exploitant aussi les propriétés viticoles de Saint-Jean-Lasseille. Il fut incorporé le 13 mai 1923 au 35e régiment d’aviation à Lyon-Bron (Rhône) puis affecté, le 1er janvier 1924, à la 12e section d’ouvriers d’aviation. Libéré de ses obligations militaires, il revint s’installer à Saint-Jean-Lasseille. Le 29 avril 1929, il s’installa définitivement à Passa, rue David.

Il fut élu conseiller municipal de Passa en 1928 et premier adjoint en 1935. Le 5 mai 1935, la liste entière fut élue au premier tour. Le conseil municipal se composait de huit radicaux-socialistes et deux socialistes SFIO. Avec 70 voix, Marcel Noury, fut, avec Assiscle Santenach, l’un des deux candidats les mieux élus de la commune. Avant 1939, Marcel Noury adhérait au parti radical-socialiste.

Marcel Noury fut mobilisé le 27 août 1939 et affecté au 2e bataillon de chasseurs pyrénéens (l’un des dix bataillons de chasseurs pyrénéens (BCPyr.), unités de réserve, mis en place le long des Pyrénées pour faire face à l’armée espagnole dans l’éventualité d’une participation de l’Espagne franquiste, alliée aux puissances de l’Axe à un conflit européen) formé à Céret et aux Cluses. Appartenant, avec le premier BCPyr. à la 1er demi brigade de chasseurs pyrénéens, le 2e BCPyr. fut ensuite transféré dans le secteur fortifié du Jura puis dans les Vosges, massif où il participa à la bataille de France en juin 1940 autour du ballon de Servance à la limite entre les départements des Vosges et de la Haute-Saône), dans des combats autour de la ligne Maginot. Noury, après un passage au 163e dépôt d’infanterie (Narbonne, Aude), alla donc au front dans ce secteur le 19 juin 1940 et y resta jusqu’au 26 juin, quatre jours après la signature de l’armistice. Il fut démobilisé le 14 juillet 1940 et revint à Passa.

Marcel Noury fut un résistant actif dès 1941, peut-être plus tôt. Il participait à l’activité de plusieurs réseaux de renseignements et de passages d’aviateurs alliés, en particulier le réseau “ Maurice ” des FFC (Voir Olibo Jean) pour qui il fournit des renseignements sur les mouvements de troupes allemandes sur le littoral roussillonnais. Il participait également au fonctionnement de la filière de passage vers l’Espagne animée par des habitants de Saint-Laurent-de-Cerdans, l’industriel Jean Neyrolles, l’adjudant de gendarmerie Édouard Embry, l’abbé Joseph Bousquet, l’instituteur Jean Parayre de “ Combat ”. Il fut très proche de Louis Torcatis* nommé instituteur à Passa le 1er octobre 1940 et l’introduisit dans les milieux résistants des réseaux. Torcatis affilié à Libération-Sud en 1942 devint un responsable de Para puis de l’AS, au plan départemental et était en contact étroit avec son ami Dominique Parsuire* qui effectuait de nombreux déplacements à Passa afin de structurer Libération et son organisation militaire Para. Marcel Noury eut aussi des relations avec ce cadre de Libération puis des MUR. À Passa, Torcatis était le maître de Gilbert, le second des fils de Marcel Noury, ce qui contribua à rapprocher encore davantage les deux hommes. Le charisme et l’esprit d’initiative de Torcatis renforcèrent encore son engagement résistant. Noury qui avait conservé ses fonctions municipales sous le régime de Vichy devait donner des gages afin de ne pas attirer sur lui les soupçons des autorités qui eussent compromis ses activités résistantes. Ainsi, le 10 août 1941, il se rendit au Barcarès où Torcatis passait ses vacances d’été afin de le convaincre de revenir momentanément à Passa afin d’y participer à une cérémonie de la Légion des combattants en l’honneur d’un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, Émile Falguères. Le général Galy, président de l’Union départementale des Amis de la Légion remettait à cette occasion le fanion de la Légion à la section de Passa. par le général Galy.
Noury demeura en contact étroit avec Louis Torcatis après que ce dernier eut été muté à Saint-Estève le 1er octobre 1942. Il en fut de même lorsque Torcatis plongea dans la clandestinité à Paris puis dans l’Aveyron et poursuivait, depuis ce département ses activités résistantes et était devenu le responsable des Groupes francs de la R3. Il lui fit parvenir des vêtements pour sa famille. En décembre 1943, Noury n’hésita pas à se rendre à Coupiaguet d’Ayssènes (Aveyron) où résidait Achille Llado* qui accueillait chez lui Torcatis. À la fin décembre 1943, Marcel Noury rencontra Torcatis à Coupiaguet et lui confia son neveu José Bantreil alias “ Zézé appelé au STO qui désormais participa à la Résistance dans l’Aveyron.

Marcel Noury fut chargé de l’arrondissement de Céret par les MUR avec Jean Jorda*. À partir du mois d’août 1944, il devint le responsable du secteur “ Aspres ” de l’Armée secrète dont le principal créateur et organisateur était Louis Torcatis, instituteur à Passa avec qui il était en relations étroites. À l’automne 1943, il était également responsable de l’un des six sous-secteurs militaires du district “ Perpignan rural ” de l’AS. De Passa, il se rendait à Perpignan à bicyclette pour assister à des réunions clandestines de l’AS avec Dominique Cayrol* et Joseph Balouet, chefs départementaux. Au printemps 1944, il participa, avec la résistance unifiée (AS et FTPF) de l’arrondissement de Céret, à la mise en place du “ maquis 44 ” de Saint-Marsal et Prunet-et-Belpuig (Voir Mau Pierre). Il participa, après la Libération, au grand banquet qui réunit au mas Cremat (commune de Prunet-et-Belpuig), les principaux participants de ce maquis.

Si le registre matricule ne fait pas état de son engagement dans la Résistance, pourtant bien établi, il ne mentionne pas, non plus, son engagement volontaire, en sa qualité de FFI issu de l’AS, au 24e RIC reconstitué à Perpignan à l’automne 1944. Ce régiment de FFI participa à partir de février 1945 aux opérations depuis les Alpes-Maritimes contre les forces du Reich et de la République sociale italienne.

Il fut président de Comité local de Libération de Passa et maire de la commune jusqu’aux élections d’avril-mai 1945. N’ayant pu administrer Passa du fait de sa participation à la guerre, il fut battu à ce scrutin. En 1947, il renonça à se présenter à nouveau aux élections municipales de sa commune. Après 1945, Noury se rapprocha du Parti socialiste SFIO. Il demeura fidèle à ce parti puis, après 1971, et jusqu’à sa mort, au Parti socialiste.

Coopérateur, il fut l’un des fondateurs, en 1932-1933, de la cave coopérative viticole de Passa. Il en fut pendant douze ans le secrétaire et pendant cinq ans le président. Il fut aussi administrateur de la conserverie distillerie coopérative Socarel (Elne, PO).

Mais ce fut dans la mutualité que Marcel Noury eut l’action la plus prolongée et la plus féconde. Dès avant la Seconde Guerre mondiale, il prit des responsabilités dans la société communale de Passa de secours mutuel, la société Saint-Luc fondée le 23 février 1893. Il en fut président du 28 juin 1936 au 30 juin 1937 puis vice-président du 1er juillet 1937 au 18 janvier 1942.
Après la guerre, il s’investit dans la gestion de la Mutualité française au plan départemental, imprimant celle-ci de sa marque. Il occupa, dans ce cadre, de nombreux postes de responsabilité qui firent de lui une personnalité départementale.
Il fut administrateur de l’Union départementale des mutuelles La Roussillonnaise du 3 avril 1947 au 20 février 1952 puis vice-président du 21 février 1952 au 25 novembre 1970. Dès le 23 juillet 1959, il fut membre de la commission permanente de l’Union des mutuelles. À partir du 2 mars 1960 il fut membre du comité départemental de coordination de la Mutualité des Pyrénées-Orientales et vice-président dans les années 1980. Il fut administrateur de la Fédération nationale de la Mutualité française du 24 avril 1971 aux années 1980 ; membre du conseil supérieur de la Mutualité française, du 6 décembre 1973 à 1977 ; représentant de la Fédération nationale de la Mutualité française au comité régional de liaison et d’action de la Mutualité du Languedoc-Roussillon de 1971 à 1980 ; président de ce comité de 1979 à 1981 ; administrateur de l’Union nationale des organismes de protection maternelle et infantile à partir de 1960 ; membre de la délégation régionale de la fédération des établissements hospitaliers d’assistance privé à partir de du 1er mars 1972 ; Représentant de cette fédération à partir de 1974 au conseil du groupement hospitalier du secteur sanitaire des Pyrénées-Orientales ; membre du comité départemental d’informations sociales aux personnes âgées à partir du 5 avril 1972 ; administrateur de l’Office public de HLM des Pyrénées-Orientales de 1970 à 1978.
Enfin, poste de responsabilité le plus important, Noury présida La Roussillonnaise du 26 novembre 1970 à la fin de 1984. Il avait succédé à un instituteur, Louis Blanc, fondateur de la section départementale de la MGEN. Après sa démission pour des raisons de santé, il resta président d’honneur de La Roussillonnaise jusqu’à sa mort en 1989. Noury exerça ses mandats à la tête de La Roussillonnaise dans la difficile conjoncture des deux chocs pétroliers de 1974 et de 1980 pendant laquelle la Mutualité dut faire face à l’augmentation du chômage et à la concurrence renouvelée des assurances privées qui ne l’empêcha pas d’ouvrir l’optique mutualiste. Il refusa d’intégrer dans le secteur hospitalier public la clinique mutualiste “ La Roussillonnaise ”, réalisation qui était l’orgueil de l’Union départementale des mutuelles du même nom. Il présida ainsi, en dépit de difficultés inhérentes à la libéralisation de la santé dans les années 1970, à la modernisation des installations et des techniques de soin et à la diversification des services offerts aux assurés. En revanche, tout en refusant l’intégration secteur public hospitalier qui eût dilué la spécificité de la mutualité, il dut, sous la pression du marché se résoudre à décider la suppression de la maternité. En quelques mots, en des temps de mutations dans tous les domaines, Noury révéla, en dépit de l’âge auquel il accéda à ses importantes responsabilités départementales, de surprenantes capacités d’adaptation qui lui permirent de rester dix-sept ans à la tête de la Mutualité des Pyrénées-Orientales.

Après son décès, Marcel Noury fut enterré civilement à Passa le 17 avril 1989. Il avait reçu la Croix de guerre 1939-1945 et était officier du Mérite social.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article147230, notice NOURY Marcel, Sébastien, Alexandre par André Balent, version mise en ligne le 13 juin 2013, dernière modification le 7 avril 2016.

Par André Balent

Marcel Noury, années 1930
Marcel Noury, années 1930
Archives familiales Gilbert Noury, reproduction et recadrage André Balent
Marcel Noury, années 1970
Marcel Noury, années 1970
Archives familiales Guy Noury, reproducton et recadrage André Balent

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, 1 R 586, registre matricule, f° 364 ; 3 M 520, 3 M 527 (élect. Mun. 1935) ; 13 J 38, manuscrit d’Achille Llado. — Arch. com. Passa, état civil, actes de mariage et de décès de Marcel Noury. — Arch. Com. Montescot, acte de naissance de Marcel Noury. — L’Indépendant, 16 avril 1989. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et l’occupation catalane. II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, 662 p. [pp. 449, 586, 587]. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, 400 p. [p 212]. — Étienne Llauro, Torcatis, “ Bouloc ”, destin d’un humaniste 1904-1944, Loubatières, Portet-sur-Garonne, 1998, 493 p. [pp. 21, 41, 53, 61, 258, 313-314, 424, 427]. — Edwige Praca, Les sociétés de secours mutuels et leur union dans les Pyrénées-Orientales (XIXe-XXe siècles). De La Roussillonnaise à la Mutualité française Pyrénées-Orientales, Perpignan, Trabucaire, 2000, 347 p. [pp. 225-226, pp. 274, sq., pp. 294-297]. — Entretien avec Gilbert Noury, fils de Marcel Noury, Passa, 13 juin 2013.

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