MIGNOT Daniel, François

Par Jean Limonet

Né le 9 février 1940 à Saint-Léger-sur-Dheune (Saône-et-Loire) ; employé puis cadre de banque ; secrétaire fédéral des banques et assurances (1970-1978) puis secrétaire confédéral à la CFDT, conseiller pour les affaires sociales à l’Ambassade de France à Madrid (1985), chargé de la création du centre d’informations sur l’Union européenne (1992), conseiller au cabinet du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle (1995-1997), chargé de mission auprès du service international confédéral ; candidat PSU aux législatives de mars 1967, aux cantonales de 1967, aux législatives de juin 1968 ; militant pour la dignité et la reconnaissance des droits des homosexuels.

Daniel Mignot dut à la Seconde Guerre mondiale de naître dans la maison de sa famille maternelle, à Saint-Léger-sur-Dheune dans le canton de Chagny, arrondissement de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). Ses parents, mariés depuis 1937, habitaient alors Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis) : son père était vérificateur des fabrications d’armement au ministère de la Guerre, effectuant des missions dans des usines liées à l’armement telles que Panhard et Hotchkiss en région parisienne ; sa mère, Cladie, travaillait chez SOMUA, devenu Berliet puis RVI (fabrication de machines outils, et camions) à Saint-Ouen où ayant été embauchée comme dactylo, elle finit sa carrière comme secrétaire de direction. Ils n’avaient aucun engagement, son père, athée, laissa sa femme, catholique, pratiquante occasionnelle, donner une éducation religieuse aux trois enfants. Daniel Mignot était l’aîné, sa sœur, Françoise, était née en 1943 et son frère, Christian, en 1951.

De 1946 à 1951, Daniel Mignot fréquenta l’école primaire publique Jean-Jaurès à Saint-Ouen, puis le cours complémentaire de la 6e à la 3e (1951-1955) dans le même établissement. Il obtint le certificat d’études primaires en 1954, puis le brevet (BEPC) en 1955. Il désirait intégrer l’école hôtelière à Paris mais l’état de santé de sa mère, puis celui de son père ne lui permirent pas de poursuivre des études. Louveteau depuis 1948, puis éclaireur où il fut adjoint chef de troupes (il fut compagnon routier de 1958 à 1960), il bénéficia alors des conseils de l’équipe « aiguillage » du « scoutisme français » pour s’orienter vers le secteur bancaire qui recrutait de nombreux jeunes. Ce fut à Paris, le 7 novembre 1955, qu’il fut embauché au siège central du Crédit lyonnais (19 boulevard des Italiens, à Paris IIe) comme élève employé, puis employé en 1956. Il suivait les cours du centre de formation de la profession bancaire (CFPB) pour obtenir le CAP, qu’il ne passa pas, car il s’était engagé dans le mouvement syndical (CFTC) en juillet 1957 pendant la grande grève des banques. De 1958 à 1960, il suivit des cours du soir pour obtenir une capacité en droit.

Appelé au service militaire le 1er mars 1960 au régiment de tirailleurs, à Belfort, il fit connaître lors de son passage au conseil d’orientation militaire à Vincennes son refus de suivre la formation EOR en raison de son opposition à la guerre d’Algérie. Tenant compte de ses responsabilités au sein du scoutisme, l’armée l’affecta le 1er juin comme éducateur à l’école militaire préparatoire d’Autun (Saône-et-Loire). Il fut nommé 1re classe en avril 1961, puis caporal et caporal-chef. Le 15 mai, il fut muté dans le régiment de tirailleurs algériens dans le Constantinois, où il resta jusqu’à sa libération le 31 juin 1962. Sa compagnie, basée à Télergma, important centre inter-armes, chargée de la sécurité de la zone et du maintien de l’ordre à Constantine, comprenait des appelés algériens et métropolitains et une cellule secrète de militants du FLN et de « métros » favorables à la paix et à l’indépendance. Daniel Mignot participa, dès juillet 1961, aux réunions et aux actions entreprises au sein de l’armée française comme à l’extérieure de la caserne, grâce aux agents de liaisons du FLN et de l’ALN et se lia d’amitié avec Roger Winterhalter*, Mahfoud affectés aux effectifs, Mohamed à l’infirmerie, Ahmed au 3e bureau, Mohamed, chauffeur, et Daniel à la trésorerie. Ils menaient des actions en effectuant des pressions sur les choix réalisés parmi les mutations d’effectifs, sur la sortie de matériel comme de l’habillement, des radios, cantines, etc. Ils s’investirent lors du putsch militaire des généraux français à Alger le 22 avril 1961 en lançant une pétition au sein de la caserne, qui recueillit des centaines de signatures demandant au colonel commandant de la place de refuser de suivre les généraux putschistes.

À son retour du service militaire, Daniel Mignot milita au sein de la section syndicale CFTC (puis CFDT) du Crédit lyonnais de Paris, rattachée au syndicat des banques. Il fit équipe avec Jacques Meindre*, Jean Boussemart*, René Dalix*. Son implication lui valut de participer à la campagne syndicale aux élections de la Sécurité sociale. Il utilisa le droit syndical de l’entreprise et fut détaché du Crédit lyonnais durant le premier trimestre 1963. Parallèlement, en mars 1963, il fut élu délégué du personnel, membre du comité d’établissement et entra au conseil de la section syndicale. Dans cette période, les actions syndicales se développèrent entraînant une forte augmentation du nombre de jeunes adhérents, ce qui permit de remplacer de nombreux camarades qui occupaient des responsabilités depuis plus d’une décennie. Il rencontra à cette époque Arlette Laguiller déléguée CGT. Le 3 septembre 1964, il fut élu secrétaire permanent du comité d’établissement de Paris, puis en mars 1965, secrétaire permanent administratif du comité central d’entreprise. Il rejoignit ainsi André Saint-Germain*, Aymé Roudil*, Michel Carpentier* de la CFDT – première organisation représentative –, Robert Bois-Martel*, Louis Ligoureau* de la CGT et Jean Eyssautier* de FO. Il fut mandaté au nom du syndicat et, sur ses positions, pour intégrer la délégation au congrès confédéral extraordinaire de novembre 1964, où il vota pour la déconfessionnalisation, et la transformation de la CFTC en CFDT.

En mai 1966, Daniel Mignot fut élu membre du bureau de la section parisienne du Crédit lyonnais, recouvrant l’ensemble des établissements de la capitale. La même année, il fut élu au CCE. Dès son élection, il se soucia de renforcer les rôles et les activités du CCE (Comité central d’entreprise) en souhaitant que soient confondus les postes de secrétaire permanent et celui de secrétaire général qui portait la responsabilité des orientations syndicales de la CFDT. Les autres syndicats ayant donné leur accord, Daniel Mignot fut élu en octobre 1968 secrétaire général permanent du CCE. Durant le mandat qu’il allait exercer jusqu’au 14 mars 1974, il obtint l’accroissement du rôle économique du CCE, son autonomie financière et un budget global négocié avec la direction, réparti ensuite entre les activités du CCE et celles des 75 comités d’établissements. Cette étape permit de remplacer le fonctionnement qui existait depuis 1947 sous la houlette d’épouses de hauts cadres de la maison qui géraient les œuvres sociales. Le CCE prit alors la gestion directe des activités sociales et de vacances.

Réélu conseiller, et président au congrès du syndicat depuis le 8 décembre 1966, Daniel Mignot démissionna du poste de président le 10 avril 1968, à la suite du refus du conseil d’instaurer une surcotisation permettant d’apporter des moyens financiers supplémentaires pour l’embauche d’un permanent. Il ne fut pas réélu conseiller par le congrès du 2 avril 1973, comme tous les camarades présentés par la section Crédit lyonnais, sachant que son mandat fédéral n’était pas mis en cause.

Parallèlement aux responsabilités syndicales au sein du Crédit lyonnais, il fut élu au conseil fédéral au congrès de décembre 1965 à Lille et réélu en mai 1968. Il fut réélu au bureau fédéral et élu secrétaire fédéral adjoint par le congrès extraordinaire de février 1970. Il rejoignit à cette date, Georges Bégot* alors secrétaire général et Jean-Pierre Moussy* également secrétaire général adjoint, formant ainsi le secrétariat national permanent de la fédération. Reconduit dans ses fonctions au congrès de février 1972 et d’avril 1975, il présenta le rapport d’activités de la fédération au congrès de février 1978 qui vit la fin de ses responsabilités fédérales. Durant ses fonctions fédérales, il cumula de nombreuses responsabilités : relations internationales de branche, administration fédérale, fonctionnement statutaire, suivi des secteurs Crédit mutuel et Caisse d’Épargne, participation à de nombreux congrès d’organisations syndicales étrangères de la banque ainsi qu’à des rencontres clandestines pour aider et soutenir l’USO (Union syndicale ouvrière) d’Espagne qui rejoignit plus tard l’UGT, l’Union générale des travailleurs, et le FUT (Front unitaire des travailleurs) au Portugal entre 1970 et 1975, qui rejoignit la CGTP. Il participa comme représentant français à la septième session de la « commission des employés et travailleurs intellectuels » de l’OIT (Organisation internationale du travail) à Genève en septembre 1974.

Contrairement à son souhait de réintégrer le Crédit lyonnais en fin de mandat, Edmond Maire, au nom de la confédération lui proposa d’intégrer le secrétariat confédéral. Daniel Mignot accepta et prit ses fonctions le 10 avril 1978. À cette date, il avait déjà une connaissance et une expérience confédérales en tant que membre du CNC (Conseil national confédéral), représentant la fédération de 1970 à 1978 et comme membre de la commission internationale avec René Salanne* de 1971 à 1978. Il intégra le secteur « organisation », avec comme responsable René Decaillon, puis Noël Mandray. Il prit en charge les dossiers sur l’application de la chartre financière, le fonds d’organisation, les frontières fédérales, la restructuration des syndicats nationaux, ainsi que le suivi de plusieurs organisations fédérales et régionales. Le 12 mars 1984, il rejoignit le secteur international dirigé par Jacques Chérèque puis par Albert Mercier. Chargé des questions européennes, il suivit plus particulièrement l’élargissement de l’Union, la dimension sociale, les comités d’entreprises européens et les relations avec la CES (Confédération européenne des syndicats). Il participa à de nombreux congrès d’organisations syndicales nationales d’Europe.

Daniel Mignot poursuivit ses activités professionnelles en utilisant ses expériences syndicales et en les mettant au service des affaires sociales à l’Ambassade de France en Espagne. Il fut nommé sur proposition de la confédération, par arrêté du 13 juin 1985. Conseiller pour les affaires sociales, il poursuivit le travail engagé par Laurent Lucas, ancien président de la CFDT qui avait été nommé à ce poste lors de sa création en 1974. La mission de conseiller social l’amena à analyser de nombreuses situations économiques et sociales en Espagne pour les faire connaître aux ministères du Travail, des Affaires sociales, de la Santé et à celui des affaires étrangères en France et de présenter en Espagne les réalités sociales françaises. Il occupa ce poste jusqu’en juin 1992.

De retour sur Paris, il fut mis à disposition comme membre de l’équipe chargée de créer le centre d’Informations sur l’Union européenne, dénommé « Sources d’Europe » à la Grande Arche de la Défense. Ses responsabilités portèrent sur les aspects organisationnels et, principalement, sur les informations sociales en Europe, jusqu’en décembre 1994. De janvier 1995 à février 1997, date à laquelle il arrêta ses activités professionnelles, il poursuivit ses responsabilités de conseiller à la mission internationale, rattachée au cabinet du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle.

Une fois ses activités professionnelles arrêtées, Daniel Mignot poursuivit de nombreuses missions à la demande de la CFDT, tout d’abord avec le service international qui lui confia de nombreuses missions afin de représenter la confédération lors de congrès d’organisations syndicales étrangères ou de colloques syndicaux de 1997 à 2006. Il fut également désigné représentant de la CFDT à la sous-commission internationale et diplomatique de la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme), de mars 1999 à 2012. Il fut membre du conseil, puis du bureau de l’ALJT (Association pour le logement des jeunes travailleurs) à partir 2006 jusqu’à aujourd’hui.

Daniel Mignot avait adhéré à l’UGS (Union de la gauche socialiste) de 1958 à 1959, puis au retour du service militaire, il avait poursuivi son engagement politique en adhérent au PSU (Parti socialiste unifié) en juillet 1962 jusqu’à fin 1972. Adhérent à la section de Saint-Ouen dont le secrétaire était Jean Arthuys, il fut désigné à la commission exécutive de la fédération de la Seine en 1967 et fut candidat à de nombreuses élections : aux législatives des 5 et 12 mars 1967 dans la 1re circonscription de Seine-Saint-Denis (il obtint 3,68 % des voix exprimées), aux cantonales du 24 septembre 1967, puis de nouveau aux législatives de juin 1968 (6,79 % des voix exprimées), il continua à militer politiquement jusqu’à fin 1972, puis se consacra uniquement à ses mandats syndicaux.

Très jeune, Daniel Mignot milita pour la dignité et la reconnaissance des droits des homosexuels. Il adhéra en 1965 à l’association ARCADIE, en particulier animant la commission « monde professionnel » chargée de combattre les discriminations sur le lieu de travail et de sensibiliser les grandes centrales syndicales et le patronat sur ces questions. Après la disparition d’Arcadie en 1982, il participa à la création de « Présence » dont il assuma la présidence jusqu’en mai 1984.

Pacsé en 2004 avec Manuel Martinez, son compagnon espagnol dont il partage la vie depuis 1966, Daniel Mignot est chevalier de la Légion d’honneur (décret du 31 décembre 1992) et décoré de la médaille d’or du travail (11 juillet 1994).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article147615, notice MIGNOT Daniel, François par Jean Limonet, version mise en ligne le 3 juillet 2013, dernière modification le 19 septembre 2017.

Par Jean Limonet

ŒUVRES : avec Georges Bégot, Jean Pierre Moussy, Daniel Mignot, Le mai des banques, Édition Syros, 1974, publication conjointe.

SOURCES : Archives interfédérales et confédérales CFDT. — Roger Winterhalter, Si c’était à refaire. Une fraternité plus forte que la guerre d’Algérie, Éditions Le Manuscrit, 2012. — 50 ans déjà histoire du CCE du Crédit lyonnais 1946-1996, 2 volumes (édition journal du CCE de Jacques Meindre), 1996. — Notes de Daniel Mignot, août 2009. — Entretiens avec Jean Limonet, les 7, 11 février et mars 2013.

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