MERMAZ Louis, Claude, Robert

Par Jean-William Dereymez

Né le 20 août 1931 à Paris ; professeur d’histoire dans l’enseignement secondaire puis assistant à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) ; membre de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) dès 1955, puis de la Convention des institutions républicaine (CIR), enfin du Parti socialiste, siège dans les instances dirigeantes départementales (secrétaire fédéral) et nationales (membre du comité directeur, du Bureau exécutif, secrétaire national), député de l’Isère, avec plusieurs interruptions, de 1967 à 2001, sénateur de l’Isère (2001-2011), président de l’Assemblée nationale (1981-1986), ministre de l’Équipement et des transports (1981 et 1988), ministre de l’Agriculture (1990-1992), ministre des Relations avec le Parlement (1992-1993), maire de Vienne (Isère) de 1971 à 2001, président du conseil général de l’Isère (1976-1985), conseiller régional Rhône-Alpes.

Louis Mermaz
Louis Mermaz

De l’homme Mermaz, on ne sait pas grand chose, tant il resta discret sur sa vie avant la politique et sa vie hors la politique. Peu d’éléments peuvent être glanés sur sa famille, sinon qu’il épousa Mme Bernard d’Arbigny dont il eut trois enfants. Des études d’histoire le menèrent à l’enseignement secondaire, au Mans (Sarthe), à Meaux (Seine-et-Marne), puis à une date plus tardive – il avait trente ans – à la réussite de l’agrégation qui lui ouvrit les portes de l’Université, en l’occurrence celles de la faculté des lettres de Clermont-Ferrand. Une thèse consacrée à « L’idée de noblesse sous la Restauration », entamée, ne fut pas menée à terme, malgré l’intérêt de l’assistant pour un sujet où s’entremêlent histoire politique et littérature et malgré une certaine aisance d’écriture : trois ouvrages, tous trois à dominante biographique, l’un à propos de Mme Sabatier, l’autre de Mme de Maintenon, le dernier sur les Hohenzollern, destinés au grand public, en témoignent.

Le goût précoce du politique dévora cette vie privée et professionnelle : s’il s’engagea à vingt-quatre ans, il avait été saisi beaucoup plus tôt par le démon de la politique, dès sa quinzième année, alors qu’il n’était encore qu’un élève de troisième au lycée Lakanal. Ne publia-t-il pas en effet son premier article politique à propos de la chute du cabinet de Félix Gouin en juin 1946 dans le Réveil normand, texte suivi d’autres puisqu’il mena de front ses études et la publication régulières de chroniques dans la presse régionale. C’est sa candidature aux élections législatives de février 1956 qui mit fin à cette collaboration avec la presse de Normandie, son rédacteur en chef ne souhaitant pas heurter les notables locaux. En 1958, il dirigea lors d’une éphémère reprise le Courrier de l’Orne. On peut donc parler de soixante-cinq années d’intérêt pour la chose publique, encore que l’écriture de ses mémoires, après son retrait de la vie politique active, témoigne encore de cette fascination.

De Louis Mermaz, qui a renoncé en 2011 à tout mandat politique, l’histoire retient qu’il manifesta, au premier chef, une fidélité sans faille à François Mitterrand. Sa rencontre avec celui qui devint le premier président de la Ve République issu de la gauche, fut précoce, lorsque le jeune Louis Mermaz adhéra à l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), dès mai 1955. Il en devint quatre ans plus tard le secrétaire général adjoint. Louis Mermaz assura désormais le député de la Nièvre de sa loyauté durant toute sa carrière politique, une fidélité qui s’avéra réciproque. La rencontre entre les deux hommes fut décisive : désormais, Mermaz allait suivre François Mitterrand dans toutes ses aventures politiques, d’abord dans son refus de la Ve République en 1958, qu’il qualifia d’« acte de rupture », lorsqu’une majorité de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) suivit Guy Mollet dans son ralliement au général de Gaulle ; à la Convention des institutions républicaines (CIR) dont il devint d’abord membre du présidium (1964), puis secrétaire général (1966-1968), puis, après 1968, délégué général, ce qui le conduisit à visiter la France pour y implanter des clubs locaux. Il anima, avec Charles Hernu, Claude Estier, Georges Fillioud, la campagne présidentielle de 1965, participant ensuite, en tant que membre du secrétariat puis du bureau politique, à la direction de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS). Cette fonction lui permit de parcourir le pays, et notamment la région lyonnaise, pour défendre les couleurs de François Mitterrand. Lors du congrès d’Épinay-sur-Seine, qui vit le succès des mitterrandistes dont le champion prit la tête du nouveau parti, la motion ouvrant la voie à cette victoire porta le nom de Louis Mermaz. Dès le lendemain du congrès, il siégea au comité directeur du Parti socialiste, où il tint une position stratégique, s’occupant des fédérations, donc, dans une organisation fondée sur les courants, nouant des relations primordiales avec la base. En février 1981, le candidat à l’Élysée en fit l’un des délégués de sa campagne et Louis Mermaz se trouvait à l’hôtel du « Vieux Morvan » lorsque François Mitterrand apprit, vers 18 heures, que son élection était assurée ; il le suivit, avec un autre fidèle de la Convention, Pierre Joxe*, jusqu’au siège du PS à Paris. L’arrivée de Mitterrand à l’Élysée donna bien entendu un formidable coup d’accélérateur à son ascension politique.

Le bilan de cette carrière s’avère en effet impressionnant : cinq fois ministre entre 1981 et 1993, pour des durées souvent brèves (un mois, six mois), son plus long séjour ayant eu lieu au ministère de l’Agriculture, où il demeura dix-sept mois, au sein de deux gouvernements, le second de Michel Rocard* puis celui d’Edith Cresson. Sa préférence alla au ministère des Transports, où il se sentit le plus utile. La plus longue et la plus prestigieuse fonction, celle de troisième personnage de l’État, la présidence de l’Assemblée nationale, il l’exerça de juillet 1981 à mars 1986, soit près de cinq ans, après avoir été vice-président du groupe socialiste de 1973 à 1978 et avant d’être président de ce même groupe de juin 1988 à octobre 1990. Dans ces trois rôles, il gagna une profonde connaissance du milieu parlementaire qu’il utilisa dans sa charge de ministre des Relations avec le Parlement, en 1992-1993. Sa carrière d’élu, à tous les niveaux, entamée dès 1967, dura jusqu’en 2011, non sans interruptions.

Présenté par François Mitterrand lui-même dans certaines communes du département de l’Isère, Louis Mermaz posa sa candidature dans la circonscription de Vienne en 1967 et y gagna son premier mandat, vite perdu en juin 1968 du fait de la vague gaulliste. Ce début d’implantation se concrétisa en 1971 avec la conquête de la mairie de Vienne, ancienne cité romaine de l’Isère rhodanienne, qu’il conserva jusqu’en 2001, soit durant trente années. L’année 1971 constitua, à l’évidence, le vrai départ de la carrière de Louis Mermaz, qui ne prit fin que quarante années plus tard, avec son refus de se représenter lors des élections sénatoriales de 2011 qui virent la gauche devenir majoritaire au palais Médicis. Cette position communale lui servit de base pour affermir son implantation à la fois électorale, mais aussi militante. Dans le premier cas, il reconquit son mandat de député dès 1973, le conserva jusqu’en 1990, ne le retrouvant cependant qu’en 1997 pour le garder jusqu’à sa candidature au Sénat en 2001. Au niveau local, outre sa constante réélection à la mairie de Vienne, il devint dès 1973 conseiller général du canton de Vienne-Nord, siège qu’il conserva jusqu’en 1988, moment où il dut démissionner à la suite du vote d’une loi sur le cumul des mandats. Cette élection lui permit en 1976 de devenir président du conseil général de l’Isère, fonction conservée pendant neuf ans, jusqu’en 1985. En outre, il siégea au conseil régional Rhône-Alpes treize années durant.

Élu du suffrage universel, direct ou indirect, il le fut aussi par les militants socialistes. Au niveau du département, il réussit en 1971 la conquête, qui n’était nullement acquise d’avance, de la fédération de l’Isère qu’il contrôla, directement ou indirectement, pendant des décennies.
Au total, un cumul des mandats et des fonctions peu commun. « Je fus à une certaine période, avoua-t-il en 2000, à la fois président de l’Assemblée nationale, maire de Vienne, président du conseil général de l’Isère, membre du bureau national du parti, secrétaire fédéral. Cela a tout de même été rude. […] J’ai cumulé beaucoup de fonctions […]. C’était une nécessité parce que les faits s’enchaînaient […]. C’était le temps où l’on politisait plus, au bon sens du terme : une électrice, un électeur de gauche, vous pouviez ne pas les voir pendant quinze jours, ils ne vous échappaient pas. » Cette situation, possible dans les années 1980, ne le paraissait plus au Louis Mermaz des années 2000, le système politique français ayant changé, ainsi que la société française, le citoyen exigeant une présence plus forte des élus sur le terrain.

Dans toutes ses fonctions, tant au niveau local qu’à celui de la nation, Louis Mermaz manifesta une habileté manœuvrière peu commune. Sa conquête de la fédération de l’Isère et le maintien de son influence en furent, dans le premier cas, un bon exemple. En 1971, en effet, la CIR ne représentait pas, dans le département de l’Isère, une force telle qu’elle lui permit de prendre le contrôle de l’organisation locale. Lors des discussions avec les autres tendances, Mermaz révéla un grand aplomb et beaucoup d’habileté. Il sut aussi se préparer physiquement aux interminables réunions qui, commencées vers 18 heures, s’achevaient parfois à une heure du matin, demeurant, grâce à quelques « trucs », stoïque devant des adversaires qui se délitaient lentement. Face à celui qui dirigeait alors la fédération et représentait les Groupes d’action municipale (GAM), Yves Droulers, il réussit ce que d’aucuns appelèrent un « coup de bluff ». Au proche d’Hubert Dubedout, Louis Mermaz demanda quelle force militante se tenait derrière lui, ce à quoi le secrétaire répondit sans méfiance : « 500 cartes » ; « Eh bien, rétorqua le futur président de l’Assemblée nationale, nous, nous sommes 565 ». Nul ne saura si les comptes étaient vraiment bons, mais Louis Mermaz prit le contrôle du bureau fédéral et de la commission exécutive fédérale. Deux, voire trois analyses circulèrent à ce propos. Pour le journaliste grenoblois Pierre Frappat, les chiffres avancés par Mermaz s’avéraient fantaisistes. Pour un responsable socialiste d’alors, la CIR pratiquait un large recrutement des adhérents, notamment un enrôlement familial, les GAM se montrant eux plus sélectif. En tout cas le Parti socialiste unifié isérois des années 1960 pratiquait aussi l’adhésion « familiale », sur une assez large échelle, comme le montre l’étude de son fichier d’alors, n’hésitant pas à favoriser l’adhésion de familles entières. Enfin pour certains politistes, le chiffre de 565 avancé par Louis Mermaz provenait en fait de décisions prises au niveau national, lors des discussions précédant le congrès d’Épinay : la CIR avait été créditée d’un nombre de mandats ne correspondant pas à une réalité militante, mais accepté par les autres composantes. Puis ces mandats avaient été répartis par la Convention entre ses différentes organisations locales. Louis Mermaz, délégué général de la CIR, se trouvait en bonne place pour doter le département de l’Isère d’un nombre conséquent de mandats. Lorsque Jean Verlhac ne voulut pas démordre des vingt-cinq sièges que son courant estimait lui être dus, Louis Mermaz n’hésita pas à en réclamer quatre-vingt, créant une commission exécutive fédérale pléthorique de plus de cent personnes.

Quoi qu’il en soit, désormais à la tête d’une importante fédération du Parti socialiste, Louis Mermaz y maintint son influence durant des décennies, soit directement en tant que secrétaire fédéral, soit par l’intermédiaire de deux dirigeants dont il fut à l’origine de la carrière politique, Didier Migaud et André Vallini. Le premier, en juin 2010, ne se reconnaissait-il pas encore deux « maîtres », François Mitterrand et Louis Mermaz ? La poussée d’adhésion, avant et après 1981, conforta la majorité mitterrandienne de la fédération : partis d’un peu plus d’un millier en 1971, les effectifs doublèrent pour dépasser 2 400 membres en 1975 – il n’y avait qu’un peu plus de 600 militants en 1969 – et 4 000 en 1989. En même temps, cette croissance se fit davantage en faveur de l’agglomération grenobloise qui, d’un quart vers 1971, représentait 40 % du total en 1975. Inversement, les sections de la 5e circonscription, devenue le « fief » de LouisMermaz, passèrent de près de la moitié des adhérents à 31 % malgré le quasi-doublement des effectifs de la section de Vienne. Ces sections, malgré un certain tassement, votaient encore à 95 % pour la motion majoritaire, celle des mitterrandistes, permettant à ceux-ci de résister à la poussée, en Isère, du CERES et aussi du « courant des Assises », interne au courant majoritaire et qui regroupait notamment d’anciens membres du PSU.

Car, dans le département, ces années 1970-1980 furent celles d’un double affrontement, celui, général dans l’ensemble du PS, entre les courants qui le composaient, mais aussi celui entre le « nord » et le « sud » de la fédération. De ces années, Louis Mermaz, qui les qualifie de « rudes », garde le souvenir de débats également « passionnants  ». Outre la présence du CERES et celle des ex-PSU, l’organisation iséroise devait faire face aux difficultés de relation entre deux pôles, celui de Vienne et celui de Grenoble. Le premier, irradiant sur ce que l’on commençait à appeler non plus le Bas-Dauphiné mais le « nord-Isère », tourné économiquement vers Lyon et la vallée du Rhône, plus ouvrier au début, constituait la base du mitterrandisme et la force de Louis Mermaz qui pouvait compter sur l’appui des militants de Bourgoin-Jallieu (Pierre Oudot), de Beaurepaire (Christian Nucci), du Péage-de-Roussillon (René Bourget). Habilement, Mermaz tenait régulièrement les réunions des instances de la fédération à La Côte-Saint-André ou à Bourgoin-Jallieu, ville industrielle située à mi-chemin entre Lyon et Grenoble, ce qui permettait une plus forte présence des « Viennois » face aux « Grenoblois ».

Grenoble constituait en effet l’autre pôle, plus marqué par la présence des rocardiens, nombre étant d’anciens du PSU, sans oublier les fondateurs des GAM. À leur tête, bien sûr, celui qui avait repris la ville à la droite, Hubert Dubedout et qui la transformait en ce que l’on croyait être un « laboratoire » de la nouvelle gauche. Mais, bien que jouissant d’un grand prestige parmi les militants et ses électeurs, Dubedout n’avait ni le sens politique ni la détermination ni l’appui national de son adversaire. Ne semblant pas goûter outre mesure les affrontements de courants, il ne se déplaçait guère à la Côte-Saint-André, ne participant que de manière lointaine à la vie fédérale du Parti, laissant agir ses partisans. Ainsi l’espèce de « contre-fédération » mise en place à Grenoble, par le biais d’un comité d’agglomération, puis d’un comité de ville, disposant de permanents, ne réussit pas vraiment à empêcher la progression du « courant A » dans le chef-lieu de département qui obtint par l’application de la proportionnelle des courants des places dans le comité, puis sur la liste des candidats lors des élections municipales de 1989. La poussée des mitterrandistes fut d’ailleurs confortée par la défaite d’Hubert Dubedout aux municipales de 1983 – les Viennois réélirent régulièrement Louis Mermaz jusqu’à son retrait en 2001– et par son départ quasi immédiat de la ville, même si Louis Mermaz dut tenir compte du ralliement de Didier Migaud au courant fabiusien. Elle le fut également par la mise à l’écart de la municipalité, en 1989, de celui qui incarnait à la fois le rocardisme et la force du « mythe Dubedout », Jean Verlhac.

La concurrence – pour employer un euphémisme – entre les deux hommes et les divers courants se solda largement par la victoire de Louis Mermaz, non seulement au niveau local mais aussi au niveau national : alors qu’en mai 1981 beaucoup de Grenoblois s’attendaient à l’octroi d’un maroquin au maire de leur ville, ce fut celui de Vienne qui devint, certes de manière fugace, ministre des Transports. La carrière nationale de Louis Mermaz prit en effet son essor, nous l’avons vu, avec l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée.

Malgré son second adjectif, socialiste, la première organisation à laquelle appartint LouisMermaz, l’UDSR, se plaçait au centre de l’échiquier politique. La profession de foi du candidat Mermaz aux élections du 2 janvier 1956 s’avérait d’ailleurs très modérée : n’y regrettait-il pas la perte, au sein du « patrimoine national  » de « son plus beau joyau  », l’Indochine ? Ne dénonçait-il pas les « déchirements sanglants et les désordres  » que connaissait alors l’Algérie, « ce prolongement de la France, indispensable à la vie de la nation » ? En 2001 encore, il confiait avoir été « très favorable à la grandeur française  » et ne pas regretter la phrase de François Mitterrand sur l’indissolubilité des liens entre la France et l’Algérie. Aucun programme réformateur, sinon un appel à « un bon coup de balai  » pour « sauver la République », à la « défense des grosses industries françaises  », à une « politique de crédits intelligente en faveur de l’enseignement privé », encore moins de visées révolutionnaires. Rien, en tout cas, qui ressemblerait de près ou de loin à une profession de foi socialiste, à cette volonté affirmée en 1978 : « le rôle des socialistes n’est pas de gérer plus intelligemment et plus humainement le capitalisme, mais de le détruire ».

Ces dernières lignes devaient beaucoup à ce que nous pourrions appeler « l’esprit du temps ». L’évolution de Louis Mermaz, son gauchissement, accompagnèrent ceux de l’ensemble des composantes de ce qui allait devenir le Parti socialiste, de l’ensemble de ses dirigeants, y compris François Mitterrand, dans les années 1970. La convention nationale des 3-4 mai 1975, n’avait-elle pas adopté « Quinze thèses sur l’autogestion », but qui figurait parmi les 110 propositions du candidat socialiste de 1981 ? François Mitterrand n’abusait-il pas dans les années 1977-1981 de la notion de « rupture » que Louis Mermaz reprit : « Aucune société socialiste, écrivait ce dernier en 1978, ne s’est construite hors de la révolution. Il ne peut y avoir de passage insensible de l’État capitaliste à l’État socialiste. Au contraire, intervient à certains moments une déchirure significative, la rupture. » Fut-ce une adhésion totale à des thèses fleurant sinon le léninisme, du moins le guesdisme, ou un moment de l’histoire du Parti socialiste ? D’intimes convictions ou une posture stratégique, le Parti socialiste devant, selon Louis Mermaz, prendre la tête d’une union de la gauche résolue à « détruire le capitalisme  » ? En 2000 encore, il regrettait que les socialistes français inclinent à se « situer dans la social-démocratie  », dénonçait le « triomphe insolent du capitalisme  », le « triomphe de l’imperium américain », la « globalisation », faisant le départ entre une Europe du nord et du nord-ouest sociale-démocrate et une Europe du sud socialiste.

Quoi qu’il en fût, ralliement profond ou posture, Louis Mermaz se montra sous l’aspect d’un défenseur de l’« orthodoxie » socialiste, ce qui fit naître, chez ses adversaires dans et hors du parti, l’accusation de sectarisme. Il mena sans états d’âme, avec vigueur, en 1978, la lutte interne contre Michel Rocard. Il se trouva apparemment à l’aise lors du congrès de Valence, celui d’après la victoire de 1981, marqué par les déclarations parfois incendiaires de leaders socialistes, comme celles dans lesquelles il souhaitait « chasser [la droite] des pouvoirs quelle exerce indûment » et « prendre des sanctions contre ceux qui s’opposent à la volonté populaire, au changement voulu par la majorité des Français  ». Ses débuts au « perchoir » de l’Assemblée nationale portèrent la marque de cette raideur « doctrinale » face à l’opposition de droite, et il fallut quelques mois – et peut-être d’amicales pressions présidentielles – pour lisser ces aspérités.

Tous ces éléments, goût précoce du politique, fidélité à François Mitterrand, rigueur des convictions, habileté manœuvrière, érigés par d’aucuns en qualités, furent souvent transformés en défauts par ses adversaires, et plus encore par ses ennemis. Cependant, faut-il rester, in fine, sur une note sévère ? Ne retiendrons-nous pas un trait qui marqua toute la longue vie politique de Louis Mermaz, un humour, certes parfois glacé, mais qui plaçait, même dans les plus mornes réunions de militants, son auteur dans une position en retrait, décalée.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article147630, notice MERMAZ Louis, Claude, Robert par Jean-William Dereymez, version mise en ligne le 4 juillet 2013, dernière modification le 28 août 2022.

Par Jean-William Dereymez

Louis Mermaz
Louis Mermaz

ŒUVRE : L’Autre volonté, Paris, R. Laffont (Franc-parler), 1984, 230 p. — Les geôles de la République, Paris, Stock (Ce que je veux), 2001, 260 p. — Les Hohenzollern, Lausanne, Éditions Rencontre, sd, 518 p. — Madame de Maintenon ou l’Amour dévot, Lausanne, Éditions Rencontre, 1965, 224 p. — Madame Sabatier Apollonie au pays des libertins, Lausanne, Éditions Rencontre, sd, 232 p. — Un Amour de Baudelaire : Madame Sabatier, Paris, J’ai lu, 1985, 190 p.

SOURCES : Le Dauphiné libéré, 8 avril 2001 (ledauphine.com, 31 mai 2011). — OURS, 1 APO 58, Archives Maurice Deixonne. — Site de l’Assemblée nationale. « M. Louis Mermaz ». — Site du Sénat. — Vincent Tournier, « La fédération de l’Isère du Parti socialiste. Acteurs, structures et fonctionnement », texte inédit, décembre 1997. — Laurent Zecchini, « Il est prêt à tout, voilà tout ! », Le Monde, 13-14 mars 1983.
À propos de Louis Mermaz et du Parti socialiste en Isère
André Bernard, Gisèle Leblanc, « Le Parti socialiste SFIO dans l’Isère en 1969 », Revue française de science politique, volume XX, juin 1970, n° 3, pp. 557-567. — Jean-William Dereymez, « François Mitterrand et l’autogestion », in Frank Georgi (dir.), Autogestion. La dernière utopie ?, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, 616 p., pp. 221-228. — Jean-William Dereymez, Régine Berthet, Entretien avec L. Mermaz, 15 septembre 2000, inédit. — Jacques Derville, « La fédération socialiste de l’Isère de 1969 à 1976. Contribution à l’étude de l’évolution du Parti socialiste », Revue française de science politique, volume 26, n° 3, juin 1976, pp. 568-599. — Albert Du Roy, « M comme Mermaz », Le Nouvel observateur, 20 mars 1982. — Pierre Frappat, Grenoble, le mythe blessé, Paris, A. Moreau, 1979, 542 p.

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