ORCEL Jean, François [version Maitron papier]

Par Isabelle Gouarné

Né le 3 mai 1896 à Paris (Ve arr.), mort le 27 mars 1978 à Paris (XIIe arr.) ; professeur au Muséum d’histoire naturelle, directeur du laboratoire de minéralogie, collaborateur scientifique du CEA, président de l’Union Française Universitaire ; résistant ; membre du PCF.

Professeur de minéralogie au Muséum d’histoire naturelle, élu en 1963 membre de l’Académie des sciences (en remplacement de Charles Jacob), Jean Orcel compte parmi ces « grands intellectuels » qui rejoignirent les rangs communistes après la Seconde Guerre mondiale. Cet engagement relevait cependant, dans son itinéraire politique et intellectuel, d’une sorte de conversion. Ce n’est, en effet, qu’après la Libération qu’il rompit avec la foi religieuse et, après avoir partagé un temps les idées philosophiques de Teilhard de Chardin, s’orienta vers le marxisme et le communisme.

Jean Orcel, dont la mère était institutrice et le père conducteur des Ponts et Chaussés, devenu ingénieur des Travaux publics de l’État, réalisa ses études secondaires au lycée Henri IV à Paris. Réformé pour raisons de santé en 1914, il put poursuivre pendant la guerre ses études à la Faculté des sciences de Paris. Licencié en 1917, il fut d’abord recruté par Frédéric Wallerant comme préparateur de minéralogie à la Faculté de Paris, puis rejoignit, à partir de 1920, le Muséum d’histoire naturelle, où il fut l’élève d’Alfred Lacroix : il y occupa successivement les fonctions de préparateur, puis d’assistant, une fois soutenu sa thèse de doctorat (1927), de sous-directeur du Laboratoire de minéralogie (1932) et, à partir de 1937, de professeur de minéralogie (en remplacement d’Alfred Lacroix) ; il contribua ainsi fortement à la rénovation et à l’enrichissement de la galerie de minéralogie du Muséum. Soucieux d’étudier les minéraux dans leurs milieux, Jean Orcel fut aussi un chercheur de terrain, participant à plusieurs missions d’exploration et collaborant, à partir de 1920, au Service de la Carte géologique de la France. Dès les années 1930, l’apport scientifique de Jean Orcel fut donc largement reconnu, notamment dans le domaine de la géologie, de la minéralogie chimique et de l’étude optique des minéraux, et il reçut pour cela plusieurs distinctions honorifiques : officier d’Académie (1931), chevalier (1935) puis officier (1947) de la Légion d’honneur.

En 1940, Jean Orcel, qui, selon son témoignage, inclinait encore à cette époque vers « l’antibolchevisme », commença à résister, mais de façon isolée, en diffusant les écrits anti-allemands qu’il recevait. En 1943, il rejoignit le Front national universitaire et participa au groupe de résistance de l’ENS, en liaison avec Frédéric Joliot-Curie. Il contribua à la diffusion de la presse clandestine et à la récolte de fonds, puis assura l’organisation d’un groupe résistant au Muséum d’histoire naturelle. À la Libération, les solidarités nouées dans la Résistance le conduisirent à participer à la réorganisation du CNRS : il fut membre du comité directeur mis en place en septembre 1944 (avec Frédéric Joliot-Curie, Pierre Auger, Georges Teissier, Eugène Aubel et d’autres).

Jean Orcel était entré dans la Résistance, sollicité par Louis Barrabé, avec lequel il travaillait depuis la fin des années 1930 : tous deux avaient alors été associés dans le cadre d’une mission du nouveau CNRS, visant à dresser l’inventaire des ressources minérales nationales. Ce travail se poursuivra après la Seconde Guerre mondiale, à la Commission des gîtes métallifères du CNRS, créée en 1944, et surtout au Commissariat à l’énergie atomique : Frédéric Joliot-Curie les recruta comme collaborateurs scientifiques et techniques chargés de la prospection des gisements d’uranium en France et dans l’Union française. Durant ces années-là, ils assurèrent également la formation accélérée de plus d’une centaine de jeunes prospecteurs. Au début des années 1950, cependant, la position de Jean Orcel au CEA fut fragilisée : comme Frédéric Joliot-Curie et d’autres, il fut, en raison de ses activités politiques, révoqué en 1951 de son poste au CEA, mais put toutefois y rester associé en tant que collaborateur extérieur. Malgré ces tensions politiques, il mènera, après la Seconde Guerre mondiale, une carrière prestigieuse d’enseignant-chercheur au Muséum d’histoire naturelle, se passionnant à partir des années 1960 pour l’aventure spatiale, en particulier l’étude des météorites.

Cette période fut aussi marquée par d’intenses activités militantes. Jean Orcel, en effet, avait adhéré en 1946 au PCF et se revendiquait désormais du rationalisme marxiste. S’il se tint à distance des campagnes idéologiques orchestrées par la direction communiste durant la guerre froide dans le domaine scientifique, il s’engagea toutefois dans des organisations liées au PCF, comme le Conseil mondial de la paix (dont il présida la section du Muséum) et l’Union rationaliste (dont il fut secrétaire général puis vice-président). Il fut membre du Syndicat de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que de l’Association des travailleurs scientifiques et de la Fédération mondiale des travailleurs scientifiques, où il militait contre les usages destructeurs de la bombe atomique. Il prit part aux débats intellectuels communistes, notamment au Centre d’études et de recherches marxistes, et collabora à la presse communiste, en premier lieu à La Pensée, dont il fut membre du comité directeur.

C’est toutefois à l’Union française universitaire qu’il s’investit le plus activement. À partir de 1946, alors que les tensions devenaient fortes avec la direction du PCF, contestant l’orientation unitaire de cette organisation d’intellectuels issue du Front national, il assura la présidence de l’UFU, en lien étroit avec Guy Besse. Il fut à ce titre associé à plusieurs campagnes politiques du PCF, comme la lutte contre le réarmement de l’Allemagne (1952), la défense du personnel communiste de l’enseignement et de la recherche révoqué ou encore la lutte contre la « guerre bactériologique » en Corée.

En 1976, à l’occasion de ses quatre-vingts ans, le comité central du PCF organisa une réception en son honneur. Dans son allocution, Jean Orcel revint sur son itinéraire personnel, retraçant « les voies » par lesquelles, « partant d’une foi religieuse », il en était « venu au rationalisme et au marxisme » : sa formation scientifique, puis l’engagement dans la Résistance l’avaient, rappelait-il, éloigné des convictions religieuses de son enfance ; toutefois, citant longuement Teilhard de Chardin, il défendit à nouveau la politique d’unité d’action entre chrétiens et communistes, et affirma la convergence entre les « deux formes d’espérance » dont l’un et l’autre étaient porteurs : « La politique de la “main tendue”, déclarait-il, ne se réduit pas à une tactique électorale. Elle est imposée par la grande idée de l’union des individus et des peuples pour le progrès de l’Humanité. Elle s’inscrit dans le mouvement de l’Histoire » (voir La Pensée, 191, février 1977, p. 115).

Jean Orcel était, depuis 1921, marié à Jeanne Bianconi, avec laquelle il eut quatre enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article147646, notice ORCEL Jean, François [version Maitron papier] par Isabelle Gouarné, version mise en ligne le 5 juillet 2013, dernière modification le 19 septembre 2017.

Par Isabelle Gouarné

ŒUVRE : Nombreuses publications dans les revues scientifiques. Principaux ouvrages : Les volcans : regards vers les profondeurs terrestres, Bourrelier, 1953 (avec E. Blanquet). – Préface d’E. Kahane, Teilhard de Chardin, Publication de l’Union rationaliste, 1960. – Avant-propos de B. Palissy, Œuvres complètes, Librairie scientifique et technique A. Blanchard, 1961. – Atomes et cristaux, Éditions sociales, 1964.

SOURCES : Dossier des Renseignements généraux (AN) – Archives privées Jean Orcel – Dossier Jean Orcel, Archives de l’Académie des sciences – « Savant, citoyen, communiste : Jean Orcel et son 80e anniversaire », La Pensée, 191, février 1977 – P. Jaussaud, « Orcel Jean, François », in P. Jaussaud et E.-R. Brygoo, Du jardin au Muséum en 516 biographies, Publications du MNHN, 2004, p. 402-403. – J. Wyart, « Notice nécrologique sur Jean Orcel », Compte rendu de l’Académie des Sciences de Paris, t. 286, 19 juin 1978, p. 139-143. – « Savant, citoyen communiste : Jean Orcel », L’Humanité, 1er avril 1978 – Yves Galifret, « Jean Orcel à l’honneur », Le Courrier rationaliste, 1, 1964, p. 10-13. – J.-P. Lorand, « Jean Orcel (1937-1968), Professeur au Muséum d’histoire naturelle », http://www.mnhn.fr/mnhn/mineralogie/histoire/index/historique/mineralogie.htm. – J.-F. Picard, La République des savants. La recherche française et le CNRS, Flammarion, 1990. – Michel Pinault, Frédéric Joliot-Curie, O. Jacob, 2000. – Notes de Jacques Girault et Michel Pinault.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable