Né le 4 juillet 1795 à Dinan (Côtes-du-Nord), mort le 30 mars 1878 à Neuchâtel (Suisse) ; ingénieur ; représentant du Morbihan en 1848 ; membre de l’Internationale ; doyen des membres de la Commune de 1871.
Le grand-père de Charles Beslay était notaire, son père fit des études de droit et fut procureur-syndic du district de Dinan sous la Révolution, puis député au corps législatif en 1801.
Charles Beslay commença ses études à Dinan et les continua au lycée Napoléon. Puis il aida son père — homme d’affaires — et le hasard d’une adjudication le fit participer en 1830 au creusement du canal de Nantes à Brest : il fut amené à apaiser un conflit entre ouvriers à Pontivy et la même année fut élu député à la Chambre où il retrouva son père ; mais les Bretons le jugèrent trop radical et ne le réélurent pas. Il devint conseiller général du Morbihan, puis, en 1848, fut nommé commissaire général du même département. Mais il démissionna pour en être élu député, le premier de la liste. Il fut membre de la commission du Travail, siégea parmi les républicains modérés et ne fut pas réélu à la Législative. Il reprit alors ses affaires, mais dut déposer son bilan le 31 janvier 1851.
Disciple et ami intime de Proudhon, il s’efforça en vain sous l’Empire de créer une banque d’escompte appliquant les théories de son maître. Il adhéra à l’Internationale peu après sa fondation, en 1866, d’après Testut. À cette époque, il appartenait à la franc-maçonnerie (loge écossaise, carte n° 133) depuis une cinquantaine d’années (cf. son discours du 29 avril 1871, lors de la réception des francs-maçons à l’Hôtel de Ville : « Doyen de la Commune de Paris, et aussi de la franc-maçonnerie de France, dont j’ai l’honneur de faire partie depuis 56 ans ») — voir Thirifocq Eugène. Le 13 août 1870, il prit à la mairie de Saint-Brieuc un engagement volontaire pour le 26e régiment d’infanterie de ligne à Metz, mais il ne put traverser les lignes prussiennes et revint à Paris. Il signa l’appel au peuple allemand lancé le 4 septembre par les délégués des Sections parisiennes de l’Internationale et de la Chambre fédérale des sociétés ouvrières, appel qui déclarait : « Le peuple français ne fait point la paix avec un ennemi qui occupe son territoire », et préconisait une alliance pour créer les États-Unis d’Europe.
Fondateur et membre influent du comité de vigilance du VIe arrondissement (Association républicaine du VIe arrondissement, section de l’Internationale), il fut son délégué auprès du Comité central républicain des Vingt arrondissements. Il appuya le soulèvement manqué du 31 octobre 1870, joua après cette date un rôle très actif dans le Comité central, participant à la fondation de la Ligue républicaine de Défense à outrance et du Club central, érigé par celle-ci. Il collabora à La Lutte à outrance, journal du Club de l’École de Médecine (VIe arr.) qui parut du 27 décembre 1870 au 18 janvier 1871. Il fut l’un des signataires de l’Affiche rouge placardée à Paris le 6 janvier. Le 6 février 1871, il s’adressait par affiche « Aux Travailleurs, aux petits industriels, aux petits commerçants, aux boutiques » et leur disait :
« Vous, soldats, fils d’ouvriers, tantôt lancés contre un autre peuple, tantôt forcés de tirer contre vos propres frères, songez que demain vous rentrerez dans l’armée des travailleurs.
« Vous, travailleurs des champs et de l’industrie, voulez-vous toujours que le propriétaire, le capitaliste, moissonne et ne travaille pas, récolte et ne cultive pas, consomme et ne produise pas, jouisse sans aucun labeur ? Non, ce que vous devez revendiquer d’abord, c’est que le fermier ait part à la rente et l’ouvrier au produit, et que tout travailleur ait droit au crédit.
« Et vous, petits commerçants, petits industriels, attendrez-vous que ces grandes compagnies financières, ces vastes ateliers, ces magasins immenses viennent accaparer tout travail et mettre l’ouvrier à leur merci ? »
Et Beslay signait : « Un vieil ami des ouvriers, démocrate socialiste, faisant dès l’origine partie de l’Internationale ».
Le 26 mars 1871 Il fut élu en quatrième position par le VIe arrondissement, au conseil général de la Commune, avec 3 174 voix sur 9 499 votants et 24 807 inscrits. Le premier élu, Albert Leroy, avait obtenu 9 499 voix ; le second, Edmond Goupil, 5 111 voix ; le troisième Jean Robinet, 3 904 voix ; le cinquième, Eugène Varlin (élu dans les XVII et XIIe arr.) 3 602 voix. Il présida la première réunion et, opposant à la République centralisatrice de 1793 celle de 1871, il préconisa : « La commune s’occupera de ce qui est local, le département s’occupera de ce qui est régional, le gouvernement s’occupera de ce qui est national. » Le 29 mars, il prit place à la commission des Finances et son mandat fut renouvelé le 21 avril. Le 30 mars il fut délégué à la Banque de France. Il fit partie de la minorité et vota contre le Comité de Salut public.
Sur le rôle qu’il joua à la Banque de France, Beslay s’est expliqué dans Le Figaro du 13 mars 1873 qui l’avait attaqué : « Je suis allé à la Banque avec l’intention de la mettre à l’abri de toute violence du parti exagéré de la Commune, et j’ai la conviction d’avoir conservé à mon pays l’établissement, qui constituait notre dernière ressource financière. » Le désintéressement de Beslay est à l’abri de tout soupçon, mais son attitude demeure discutée et il est certain que, plus que son âge, son comportement vis-à-vis de la Banque lui valut, le 9 décembre 1872, une ordonnance de non-lieu du 17e conseil de guerre. Il avait d’ailleurs eu, après la chute de la Commune, la possibilité de se rendre en Suisse afin d’y liquider l’héritage d’une de ses sœurs décédée en août 1870.
Il vécut à Neuchâtel où il partagea son temps entre la bibliothèque et la brasserie Rambault et où il aida les réfugiés nécessiteux. Il se fit recevoir membre de la Section de Sonvillier de l’Internationale (cf. James Guillaume, op. cit., p. 32, note 1), et, au Congrès extraordinaire jurassien de Saint-Imier, le 15 septembre 1872, il représenta avec Guillaume la Section de Neuchâtel. L’année suivante, il prit la parole au meeting de clôture du Congrès fédéral jurassien tenu à Neuchâtel le 27 avril. Enfin, à l’occasion d’un autre Congrès, il assista au meeting de Vevey, le 1er août 1875, au cours duquel il fut seul à se prononcer contre la propriété collective.
En 1873, il fit paraître Mes Souvenirs et, en 1877, La vérité sur la Commune qu’il qualifia de « testament politique ». Il s’y prononçait pour « le socialisme libéral », contre « le socialisme communautaire ». Pour lui, « capital et travail ne sont que deux termes exprimant deux situations différentes d’un seul et même phénomène qui est la production humaine sous toutes ses formes. Le capital représente la production accumulée et réalisée, le travail représente la production dans sa phase d’enfantement ». Et, concluait-il, « ces deux enfants d’une même souche ne pourraient s’entendre ! »
Charles Beslay mourut à Neuchâtel le 30 mars 1878. Son fils, François Beslay, rédacteur en chef du journal conservateur Le Français, respecta ses dernières volontés et le fit enterrer civilement, mais interdit tout discours, en dépit des protestations des proscrits français.
ŒUVRE : Affiche : Aux Travailleurs, aux petits industriels, aux petits commerçants, aux boutiques (1871), in-plano, Bibl. Nat., Lb 57/1169. — Affiche : Au citoyen Thiers, chef du pouvoir exécutif de la République française (pour l’engager à donner sa démission. Signé : Ch. Beslay), Paris, V. Goupy, 1871, in-plano, Bibl. Nat., Lb 57/1992. — Droit du travail (Signé : C. B xxx [Charles Beslay]). Paris, Imprimerie de Schneider, (1850), In-fol, 4 p. Bibl. Nat., Lc 55/1779. — Loyers de Paris (Signé : Ch. Beslay), Paris, Imprimerie nouvelle, 1870, 1870, in-plano, Bibl. Nat., Lb 57/423. — 1830-1848-1870. Mes Souvenirs, par Charles Beslay, Paris, Sandoz et Fischbacher. 1873, In-8° 483 p., Bibl. Nat., Ln 27/36534. — Réponse à mes critiques (par Charles Beslay, au sujet de ses attaques contre M. Thiers), Paris, impr. de V. Goupy (1870), Gr. in-plano, Bibl. Nat., Lb 57/1993. — La Vérité sur la Commune, par Charles Beslay, Bruxelles, H. Kistenaeckers, 1877, in-16, 180 p., Bibl. Nat., Lb 57/6.707. — Le vice réel du capital dans les services qu’il rend est de recevoir une rémunération trop élevée (par C. Beslay, Paris, Pettré (1851), in-8°, 7 p. autographié, Bibl. Nat., Lb 57/2184.
SOURCES : Arch. P.Po., B a/961. — Procès-verbaux de la Commune de 1871. — James Guillaume, Le Collectivisme dans l’Internationale, Neuchâtel, 1904. — J. Dautry, L. Scheler, Le Comité central républicain des 20 arrondissements de Paris, Les Éditions Sociales, 1960.