PEIRÓ Josep

Par André Balent

Né à Badalona le 26 décembre 1917 (province de Barcelone, Espagne), mort le 28 octobre 2005 à Paris ; militant libertaire anarcho-syndicaliste (CNT) en Catalogne puis en exil en France ; ouvrier de verre puis archiviste du ministère français des Affaires étrangères ; résistant en France ; fils de Joan Peiró, ministre (CNT) de la République espagnole (4 septembre 1936 – 17 mai 1937) livré aux franquistes par les Allemands et fusillé le 24 juillet 1942.

Josep Peiró (1917-2005)
Josep Peiró (1917-2005)
Josep Peiró en 1989 au cimetière de Mataró lors du transfert des cendres de son père, Joan Peiró (recadrage d’une photo de El País, tirée de Pere Gabriel, Josep Puig i Pla, Maria Salicrú-Maltas, op. cit.).

Le père de Josep [José] Peiró, Joan [Juan] Peiró i Belís (1887-1942) fut l’une des grandes figures de l’anarcho-syndicalisme catalan. Militant de la CNT dont il fut l’un des secrétaires confédéraux, Joan Peiró s’opposa à la FAI. Ouvrier, fondateur en 1920 de la Societat cooperativa obrera catalana limitada (SCOCL) verrerie ouvrière établie à Mataró dans le « Grand Barcelone » qui ferma en 2008, du fait des conséquences de la crise économique —populairement connue sous le nom de « el Forn del vidre »— dont il rédigea les statuts, il fut aussi l’un des penseurs les plus pertinents du mouvement libertaire catalan. Ayant condamné courageusement les violences souvent arbitraires et parfois crapuleuses perpétrées en Catalogne par des « incontrôlés » se réclamant de l’anarchisme dans les semaines qui suivirent le début de la révolution (il publia en catalan Perill a la reraguarda, Mataró, edicions Llibertat, 1936), il fut l’un des quatre militants de la CNT qui entrèrent au gouvernement de Francisco Largo Caballero, PSOE (4 septembre 1936-17 mai 1937) où il occupa le poste de ministre de l’Industrie. Sous le gouvernement de Juan Negrín qui suivit, après être retourné à son emploi à la verrerie de Mataró, il accepta en 1938 un quasi poste ministériel, celui de commissaire général à l’Énergie électrique. Après s’être réfugié en France, son extradition fut demandée par le gouvernement franquiste à celui de Vichy. Arrêté par la police allemande il fut livré aux autorités franquistes le 19 février 1941. Condamné à mort le 21 juillet 1942, il fut fusillé le 24 à Paterna (province de Valence).

La mère de Josep Peiró, Mercè Olives (1887-1946) était une ouvrière du textile, employée de l’entreprise La España indusrial. Elle avait épousé Joan Peiró en 1907. Ils eurent sept enfants : trois fils (Joan, Josep, Llibert) et quatre filles (Aurora, Aurèlia, Guillermina et Mercè).

Dès sa plus tendre enfance, Josep Peiró baigna dans une ambiance militante, coopérativiste et anarcho-syndicaliste qui le marqua à tout jamais. Il naquit à Badalona où son père, verrier, travaillait alors chez Costa i Florit, entreprise fabriquant des bouteilles de verre. Par la suite, bien que résidant dans le quartier barcelonais de Sants, il trouva du travail dans une petite coopérative promise à un grand avenir. Josep qui vivait à Barcelone avec la famille vint vivre à Mataró en 1922. Il fréquenta l’ « École rationaliste » rattachée à la coopérative verrière. En 1931, après avoir terminé ses études primaires, il fut embauché à la coopérative qui avait diversifié sa production, s’étant lancée dans la fabrication d’ampoules électriques et de thermomètres. Il adhéra aussitôt après son embauche au syndicat du Verre de la CNT. Il fut impressionné par la manifestation du 14 avril 1931 a Mataró qui présida à la proclamation de la Seconde République. Il travaillait dans une coopérative où régnait le pluralisme politique, puisque, aux côtés des libertaires, il y avait des militants de l’ERC (Esquerra, parti républicain catalaniste de gauche), des socialistes, des communistes, des adhérents du POUM, des chrétiens … Josep Peiró y fit l’apprentissage du pluralisme et du débat démocratique dans le respect mutuel de chacun. À l’âge de seize ans, il adhéra aux Jeunesses libertaires (JL) qui, à Barcelone, étaient proches de la FAI, mais qui l’étaient moins à Mataró. Plus tard, exilé en France, Josep Peiró fut secrétaire général des JL.

Lors qu’éclata la guerre civile, Josep Peiró s’enrôla comme volontaire dans une milice, la colonne Ascaso (qui devint après la militarisation des milices la 28e division de l’Armée populaire) qui gagna le front d’Aragon le 25 juillet 1936. Il intégra ensuite l’aviation (les Ailes rouges), puis le corps du Train. Lors de l’offensive franquiste de mars 1938 qui sépara la Catalogne du reste de la zone républicaine, il se replia à Valence avec son unité. Son père demanda qu’il retourne en Catalogne. À la fin de la guerre, il fut le chauffeur de son père, commissaire général à l’Énergie électrique.

Le 22 janvier 1939, Josep Peiró, quitta Mataró au volant de la voiture de son père. Toute la famille prit le chemin de la frontière française que Josep et son père accompagnés d’un citoyen de Mataró, Ramon Freixas, franchirent au Perthus (Pyrénées-Orientales) le 5 février. Ils arrivèrent à Perpignan alors que les frères de Josep et son gendre étaient internés au camp de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales). L’ensemble de la famille finit par se regrouper à Narbonne (Aude). Alors que les femmes faisaient route vers la Bretagne, les hommes partirent en direction de la région parisienne où Josep et son père arrivèrent en janvier 1940.

Josep trouva d’abord du travail à Feuquières (Oise) à la verrerie Saverglass. Puis, rapidement, il trouva du travail, avec ses frères, à Courbevoie (Hauts-de-Seine, anciennement Seine) à la verrerie Bonnefoy et Cie fabriquant des foyers électriques auprès de laquelle la coopérative de Mataró s’était fait une réputation.

Le 21 juin 1940, il s’enfuirent de Paris. Bombardés puis encerclés par les Allemands, il furent contraints de revenir dans la capitale ce qui facilita la détention ultérieure de Joan Peiró.

Josep Peiró travailla à nouveau pour une durée de quinze ans à la verrerie de Courbevoie. Par la suite, il fut employé dans une société d’ascenseurs. Après quelques autres emplois pendant de courtes durées, il fut embauché comme archiviste au ministère français des Affaires étrangères. Il prit sa retraite à l’âge de soixante-cinq ans.

Il fit la connaissance d’une réfugiée asturienne, Olga Álvarez issue d’une famille cénétiste qu’il devait épouser. Il eurent une fille Amapola, mariée à Daniel Limballe.

Il participa à la Résistance française en collaborant à un réseau de renseignements. Il fit aussi des missions de renseignements et de propagande. Il reçut la médaille de la défense de Paris (avec palmes), la médailles des résistances française et polonaise, la médaille d’Europe et fut distingué comme Gentilhombre de la República española par le gouvernement en exil de la République espagnole.

Après la guerre, il eut une activité politique et syndicale intense. Il fut, pendant quatre ou cinq ans, secrétaire du comité péninsulaire des JL, quand il siégeait à Paris. Il fut aussi secrétaire de la fédération de Paris de la CNT. À ce titre, il fit partie de la délégation de la CNT auprès de l’Alliance républicaine (qui regroupait, aux côtés de la CNT, le PSOE, l’ Esquerra republicana de Catalunya et le Parti nationaliste basque. Ce groupement s’opposa, après la guerre à l’Union nationale que tenta de constituer le PCE.

En sa qualité de membre de l’alliance démocratique, il participa à Estoril (Portugal) à des réunions avec Juan de Borbon, prétendant au trône, opposé à Franco. Il eut aussi des contacts fréquents avec Josep Tarradellas, président de la Generalitat en exil. Il fut aussi en relations avec le président basque José Antonio Aguirre. Lors d’une rencontre entre John F. Kennedy et Nikita Khrouchtchev à Paris, il devait être momentanément assigné à résidence en Corse avec les autres membres du comité (local, parisien) de la CNT, mais finalement il en fut dispensé. Demandant les raisons de cette faveur à la police française, il lui fut répondu que l’on devait des égard au fils d’un ancien ministre étranger.

Josep Peiró participa à l’hommage solennel rendu le 11 mars 1973 au Casal català de Paris à Salvador Seguí, éminent dirigeant syndicaliste (secrétaire général de la CNT de 1918 à 1923) catalan assassiné par sbires patronaux en 1923 à Barcelone.

Dans sa jeunesse, il joua au football : à l’Iluro sport club de Mataró et, en France, à l’équipe amateur de Narbonne. Il réussit même à participer à un match à Puigcerdà en passant la frontière sous une fausse identité.

La fin du franquisme lui permit de renouer des liens avec la Catalogne, notamment avec ses sœurs qui y résidaient. Au passage, il rendait visite à son frère Joan à Banyuls-sur-Mer. En juillet 1989, il assista avec toute sa famille et ses mis au transfert des dépouilles de son père au cimetière de Mataró, imposante cérémonie qui rassembla beaucoup de monde, des anciens de la verrerie aux nouvelles générations du post-franquisme.

Josep Peiró mourut à l’hôpital Tenon à Paris, des suites d’une embolie. Les obsèques et l’incinération des son corps eurent lieu au cimetière du Père-Lachaise à Paris le 31 octobre 2005. Par la suite, son urne funéraire fut transférée au cimetière de Mataró le 15 juillet 2006.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article147961, notice PEIRÓ Josep par André Balent, version mise en ligne le 18 juillet 2013, dernière modification le 23 janvier 2019.

Par André Balent

Josep Peiró (1917-2005)
Josep Peiró (1917-2005)
Josep Peiró en 1989 au cimetière de Mataró lors du transfert des cendres de son père, Joan Peiró (recadrage d’une photo de El País, tirée de Pere Gabriel, Josep Puig i Pla, Maria Salicrú-Maltas, op. cit.).

SOURCES : Pere Gabriel, Josep Puig i Pla, Maria Salicrú-Maltas, Memòria de Joan Peiró i Belís. Retrats d’un sindicalista, ministre de la Segona República, Barcelona, Galerada, 2008, 187 p. [voir plus particulièrement : Josep Puig i Pla, « Josep Peiró , fill i militant », pp. 91-111]. — Nécrologies dans des quotidiens : El Punt (Gérone, en catalan), 28 octobre 2005. — El País, (Madrid, en espagnol) 30 octobre 2005. — El Mundo, (Madrid, en espagnol), 30 octobre 2005.

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