BEN AISSA Attalah prénommé par erreur Abdallah

Par Amar Benamrouche

Né le 1er juillet 1925 à Djelfa (Algérie) ; travailleur dans le secteur de la santé à Alger ; secrétaire du syndicat CGT des hospitaliers dans les années cinquante ; membre du MTLD ; un des représentants du mouvement nationaliste au sein de la CGT-UGSA, dans la perspective d’une centrale nationale ; sous les directives du FLN, un des fondateur de l’UGTA en 1956.

Commis aux écritures à l’hôpital Parnet d’Hussein-Dey près d’Alger, Attalah Benaïssa est en 1947 délégué CGT du personnel de cet établissement. Après la transformation, toute formelle, de la CGT en Union générale des syndicats algériens (UGSA), il devient secrétaire général du syndicat des hospitaliers et membre de la commission exécutive de la fédération des services publics et de la santé. Il est alors commis principal à l’hôpital.

Militant du PPA-MTLD (Parti du peuple algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), il aurait été selon Boualem Bourouiba, membre de l’organisation clandestine : l’OS. I1 appartient à cette génération de syndicalistes nationalistes, chez lesquels prime l’objectif de l’indépendance ; les luttes sociales sectorielles constituent un soubassement voire des canaux d’expression de la revendication nationale. Les assises de la CGT sont utilisées comme tribune pour faire passer les mots d’ordre du parti.

L’intervention d’Attalah Ben Aïssa au congrès confédéral de la CGT en 1951 en offre un exemple. C’est dès son congrès tenu le 15 février 1947, que le PPA-MTLD avait défini la mission et la pratique du travail des militants du parti dans les syndicats face aux militants du Parti communiste. La perspective est celle d’un syndicalisme national et nationaliste. Dans ce projet, se côtoient aussi bien la conception d’un syndicalisme non communiste voire anti-communiste, celle d’un syndicalisme « musulman » non sans parallélisme avec le syndicalisme chrétien de la CFTC, et dans une moindre mesure l’idée d’un syndicalisme qu’on peut qualifier de « communiste-nationaliste » qui se manifestera à l’USTA et se retrouvera plus tard dans l’UGTA.

C’est la commission centrale des affaires sociales et syndicales du PPA-MTLD coordonnée par Idir Aïssat* et dans laquelle on retrouve entre autres Attalah Ben Aïssa, Rabah Djermane*, Boualem Bourouiba* et Mohamed Ramdani* qui défend cette orientation nationaliste de l’action syndicale. Les membres de la commission se fixent trois objectifs intimement liés : la création de cellules du PPA-MTLD dans les entreprises, l’organisation des chômeurs et la création d’une centrale syndicale nationaliste.

La CCASS anticipe et agit déjà comme une véritable centrale syndicale : en 1951, Attalah Ben Aïssa et Rabah Djermane* assistent au congrès de l’UGTT, la centrale nationaliste tunisienne , en tant que « représentants des syndicalistes nationalistes CGT », une formule d’autant plus scissionniste que le comité de coordination des syndicats CGT d’Algérie n’entretient aucune relation avec l’UGTT, lui préférant l’USTT proche du Parti communiste tunisien. Les membres de la CCASS vont constituer ainsi le noyau dur de la future UGTA.

C’est durant le deuxième congrès du PPA-MTLD tenu les 4, 5 et 6 avril 1953 à Alger que mûrit le projet de création d’une centrale nationale. Congressiste, Attalah Ben Aïssa y joue un rôle déterminant. Cependant son nom n’apparaît pas au comité central du MTLD, issu de ce congrès (« les centralistes »)
C’est avec le passage au FLN qui surgit en novembre 1954, qu’Attalah Ben Aïssa prend rang dans l’organisation politique. Au congrès de la Soummam (20 août 1956), il devient membre suppléant du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) sorte de « parlement de guerre » composé de 34 membres dont 17 suppléants. Attalah Ben Aïssa siège en tant que représentant de la nouvelle centrale syndicale, l’UGTA qui vient d’être créée le 24 février 1956. Sur les cinq membres du premier secrétariat national (Idir Aïssat*, Boualem Bourouiba*, Attalah Ben Aïssa, Rabah Djermane* et Abdelmadjid Ali Yahia*), seuls Idir Aïssat et Attalah Ben Aïssa font partie du CNRA. Autant dire qu’Attalah Ben Aïssa est considéré comme le numéro deux du mouvement syndical après Idir Aïssat ; ce dernier fait également partie de l’organisme plus restreint qu’est le Comité de coordination et d’exécution (CCE) à côté de Ramdane Abane*, Benyoucef Benkhedda*, Larbi Ben M’hidi* et Belkacem Krim.

En décembre 1955, appartenant encore à l’UGSA-CGT mais partisan du FLN, A. Ben Aïssa en compagnie de Boualem Bourouiba* et Rabah Djermane*, vient plaider auprès de la CISL à Bruxelles la cause d’une représentation syndicale algérienne commune au titre d’un front syndical entre le MNA fondé par Messali et le FLN ; le MNA est représenté par Mohamed Ramdani* et Laïd Kheffache*. Le secrétariat de la CISL enregistre « pour étude » la demande d’affiliation de la future centrale syndicale commune tout en émettant des réserves sur le maintien de liens avec la CGT et le mouvement communiste en général. Les trois envoyés en mission qui se réclament de l’ancienne Commission des Affaires sociales et syndicales, sont en contact à Paris avec le représentant politiques de la Fédération de France du FLN, Salah Louanchi*. Le secrétaire général du MNA, Moulay Merbah, demande également à les rencontrer. Il leur fait part de sa satisfaction de voir le projet d’une centrale syndicale algérienne sur le point d’aboutir. Il réitère la disponibilité du MNA d’aider à la création de cette Union syndicale nationale et dégage un crédit de six millions de francs qu’il met à la disposition de la délégation.

A vrai dire, l’idée d’une centrale syndicale commune entre messalistes et partisans du FLN remonte au printemps 1955. En réconciliant sur une base sociale, le courant frontiste et le courant messaliste, elle doit, aux yeux des initiateurs, éviter les luttes fratricides de plus en plus exacerbées entre les deux clans. D’autres courants politiques et syndicaux appartenant à la gauche non communiste (socialistes et syndicalistes enseignants français, trotskystes cégétistes et d’autres membres de FO) soutiennent l’initiative qui leur paraît pouvoir avoir un double avantage : affaiblir les communistes et réduire l’influence naissante du FLN sur l’émigration.

Après plusieurs rencontres à Alger entre représentants du FLN et délégués du MNA, le projet de créer en commun une centrale syndicale, ne verra pas le jour. Vers la fin du mois de janvier 1956 dans l’arrière boutique d’un commerçant du quartier de Belcourt, l’ultime réunion se déroule d’après le témoignage de Boualem Bourouiba*, dans une atmosphère orageuse et des plus pénibles. Comment peut-il en être autrement quand les militants FLN et ceux du MNA se font la chasse jusqu’aux liquidations physiques ? Moins d’un mois après le MNA crée l’USTA et le FLN, l’UGTA respectivement le 15 et le 24 février 1956, consommant la rupture syndicale à l’instar de la rupture politique.

Après quelques semaines d’activité consacrées essentiellement à la mise en place des syndicats de base en Algérie, le premier secrétariat national de l’UGTA décide au printemps 1956 de mandater une délégation chargée de faire connaître et reconnaître la nouvelle centrale syndicale à Paris et à Bruxelles auprès de la CISL. Attalah Ben Aïssa en fait à nouveau partie, avec Boualem Bourouiba* et Rabah Djermane*, ce qui confirme bien la place représentative du trio.

Attalah Ben Aïssa est arrêté en mai 1956 avec l’ensemble des membres du premier secrétariat national ; il est détenu jusqu’en avril 1961 dans différents camps, puis interdit de séjour dans le département d’Alger. Suite à une plainte auprès du BIT (Bureau international du travail) de la CISL (Confédération internationale des syndicats libres) et à la demande de cette organisation, Robert Bothereau, secrétaire général de la CGT-FO fit une intervention en juin 1961 auprès du Premier ministre du gouvernement français afin de faire cesser toutes les contraintes judiciaires à son égard.

Il fait ensuite partie du secrétariat provisoire qui relance l’activité de l’UGTA à l’indépendance. Il est décédé quelques années après.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article148210, notice BEN AISSA Attalah prénommé par erreur Abdallah par Amar Benamrouche, version mise en ligne le 6 août 2013, dernière modification le 14 novembre 2013.

Par Amar Benamrouche

SOURCES : B. Bourouiba, Les syndicalistes algériens, op. cit. — M. Farès, Aïssat Idir, op.cit. — Notes d’Anissa Bouayed. — Arch. Nat. France Outre-mer, Aix-en-Provence, ALG 91 3 F/120, 3 F/116 et FM (Fonds ministériels) 81 F/793, notes de Louis Botella.

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