MOUGIN Jules, César, Antonin

Par Jacques Girault

Né le 10 mars 1912 à Marchiennes (Nord), mort le 6 novembre 2010 à Rognes (Bouches-du-Rhône) ; facteur des postes ; militant pacifiste et antimilitariste ; poète et artiste inclassable.

Fils d’un ouvrier pointier, décédé en 1922, Jules Mougin, reçu au certificat d’études primaires, devint en 1926 télégraphiste à Paris puis trieur, agent manipulant au bureau de la gare Saint-Lazare en 1930. Atteint de tuberculose comme son père, lors d’un congé de longue maladie en Normandie, autodidacte, il commença à écrire et à peindre, découvrant de nombreux écrivains et artistes de son temps, et notamment Paul Léautaud qui fut son maître et, par la suite Louis-Ferdinand Céline. Il effectua la fin de sa convalescence à Paris et suivit les cours du soir au lycée Charlemagne. Il réintégra les PTT comme facteur-receveur à Alençon (Orne) puis à Saumur (Maine-et-Loire). Il se maria en avril 1936 à Parnay (Maine-et-Loire) avec Jeanne Choiseau, institutrice, dont le père fut victime de la Première Guerre mondiale. Le couple eut un fils. Membre du Syndicat des membres de l’enseignement laïque (CGTU), puis du Syndicat national des instituteurs, sympathisante des « Amis de l’École émancipée », elle fut sanctionnée au début des années 1930 pour avoir refusé de faire chanter « La Marseillaise » à ses élèves. Elle joua un grand rôle à ses côtés.

Jules Mougin signa son premier article édité dans l’ouvrage dirigé par Jean Souvenance, Anthologie des écrivains pacifistes (Paris, Debresse, 1937) suivi chez le même éditeur, dans la collection « Les écrits pacifistes », de A la recherche du bonheur en 1938, dédié à son épouse, à compte d’auteur, et Usines (récits de jeunesse) en 1939.

Admirateur de Jean Giono, Jules Mougin demanda sa mutation pour les Basses-Alpes à la fin des années 1930. Non mobilisé, hostile au « dégonflage » de Giono, qui avait répondu à l’ordre de mobilisation, il rompit avec lui, mais pas avec son œuvre, sans qu’une réconciliation se produise.

Il obtint un poste de facteur-receveur au Revest des Brousses en 1941 où il devait rester jusqu’à la fin des années 1950. A son domicile se retrouvaient des écrivains et artistes acceptant une certaine marginalité. Jules Mougin, quant à lui, écrivit, outre Faubourgs (1946), de nombreux recueils poétiques, parfois à compte d’auteur ou publiés dans des revues ouvrières (La Réplique, la Revue internationale de littérature prolétarienne, Le Musée du soir notamment) ou bien édités par Robert Morel ou Pierre Seghers qui accorda une place à son œuvre dans son Livre d’or de la poésie française. Devenu le « facteur poète », en contact avec les milieux non institutionnalisés, il entretint des liens épistolaires avec ses amis, dont Jean Dubuffet, Gaston Chaissac, Henry Poulaille et sa revue Maintenant, Hervé Bazin, Louis Calaferte, Henri Mitterrand, et composa des sculptures, des dessins à mi-chemin entre l’art naïf, l’art brut, la littérature prolétarienne et parfois engagée. Quelques poèmes furent publiés dans les anthologies poétiques pour la jeunesse de Jacques Charpentreau aux Editions ouvrières. Plusieurs films ou reportages lui furent consacrés, dont Jules Mougin et son bestiaire d’Andrée Appercelle et André Leroux en 1972. En 1984, avec Hachures chez Marc Pessin, il mit fin à l’écriture poétique dans la forme du poème. Épistolier d’humeur, il se consacra à sa correspondance et à ses carnets.

En 1949-1951, le couple revint en région parisienne (Argenteuil et Paris) puis retourna au Revest des Brousses. Il participa notamment aux revues de Jean L’Anselme, Peuple et Poésie et de Jean Vodaine, Poésie avec nous puis Dire. En 1959, il obtint sa mutation pour Ecouflant (Maine-et-Loire) où son épouse enseigna. Il prit sa retraite en 1964 et alla habiter à Chemellier dans sa maison baptisée « Baumugnes », référence à Giono.

Mêlé au mouvement de la littérature prolétarienne, attaché viscéralement aux luttes ouvrières, favorable à une révolution sociale d’origine ouvrière, peintre, dessinateur, sculpteur sur divers matériaux, poète de combat, Jules Mougin hurlait son amour des prolétaires et s’engageait même épisodiquement, sans adhésion formelle, dans les luttes sociales et politiques. En regardant le monde, il criait ses colères contre ce qui le choquait, contre la guerre guerre, approuvant l’action militante de Louis Lecoin. Il signa même un appel de militants « rénovateurs » souhaitant une transformation du Parti communiste français. Il encourageait des mouvements minoritaires de tendance anarchiste ou pacifiste. Il affirmait la valeur supérieure du travail manuel, admirateur par exemple de la Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière de Troyes (Aube) et des actions du père Paul Feller, et des réalisations du Compagnonnage, tout en soutenant les actions culturelles issues ou touchant les milieux prolétariens.

Plusieurs expositions lui furent consacrées, préparées notamment par Claude Billon, dont celles de la bibliothèque municipale de Thionville en 1986 sous le titre « Jules Mougin avec nous », de la maison Stendhal de Grenoble en 1993, de la médiathèque de Metz en 2005 sous le titre « Jules Mougin la révolte du cœur », de la fondation Carzou à Manosque, « Jules Mougin, le facteur étoilé » en septembre-octobre 2011, avec l’aide de son fils Jean Mougin. La ville de Pouancé (Maine-et-Loire) donna son nom à son nom à la bibliothèque municipale en 1998. Un spectacle et un disque de Richard Graille furent composés sous le titre Merci facteur à partir de 2009. Trois numéros spéciaux de Travers et un numéro de Dire lui furent consacrés.
Veuf depuis 2003, Jules Mougin termina ses jours à la maison de retraite Caire-Val de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale à Rognes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article148301, notice MOUGIN Jules, César, Antonin par Jacques Girault, version mise en ligne le 19 août 2013, dernière modification le 28 août 2013.

Par Jacques Girault

ŒUVRE : Le catalogue de la BNF comprenait en 2013 vingt-deux titres dont une quinzaine de recueils poétiques et quelques écrits en prose dont La grande Halourde, Robert Morel, 1961. S’ajoutent des œuvres dans diverses revues ou anthologies.

SOURCES : Catalogue de l’exposition de Metz et plaquette accompagnante de celle de Manosque, établis par Claude Billon. — Numéro de la revue Travers (1986). — Renseignements fournis par sa famille et Claude Billon. — Divers sites Internet. — Presse nationale.

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