MÉRIGONDE Marcel, Raymond, Jean, François

Par Gilles Morin

Né le 18 février 1910 à Paris (XIIIe arr.), mort le 18 juillet 1984 à Asnières (Hauts-de-Seine)  ; instituteur dans l’Oise  ; militant socialiste, résistant, déporté, conseiller général, député socialiste de l’Oise (1956-1958).

Marcel Mérigonde
Marcel Mérigonde
Député

Fils de Raymond Mérigonde, concierge puis voyageur de commerce, et de Louise Dard, femme de service (dont le père modeleur contresigna le registre des naissances), Marcel Mérigonde devint instituteur après avoir obtenu son brevet supérieur à l’École normale d’instituteurs de Beauvais (Oise). Il exerça de 1929 à 1942 dans l’Oise, dans diverses communes, Beauvais, Montataire, Pont–Saint-Maxence, puis comme directeur d’école à Trosly-Breuil, enfin au cours complémentaire de Compiègne. Il fit son service national d’avril 1930 à avril 1931 ; incorporé comme deuxième classe, il fut nommé caporal-chef. Il se maria le 17 janvier 1931 à Monceaux (Oise) avec Geneviève Decary, institutrice. Ils eurent deux enfants.

Membre du Syndicat national (CGT) depuis 1929, il adhéra au Parti socialiste SFIO en 1931 à Nogent-sur-Oise. Il fut aussi, de 1931 à 1940, membre du Groupe des jeunes de l’Enseignement. Il animait l’Association sportive de Pont-Saint-Maxence, dont il fut secrétaire de 1931 à 1934. Mérigonde se situait à la « gauche » du parti. Il intervint au congrès SFIO de 1938, dans la discussion sur le Populaire, pour faire des suggestions concrètes et acheva son intervention en se disant membre de la Gauche révolutionnaire, récusant le rôle de « démolisseur » que l’on attribuait à la tendance (Rapports, p. 248).

Mobilisé le 2 septembre 1939 au 402e pionnier, Mérigonde fut démobilisé le 7 septembre 1940 à Gaillac. Initié en 1932 à la loge de Creil (GOF), affilié en 1938 à celle de Compiègne, dite « Mont Canelon », il fut révoqué de son poste d’instituteur par Vichy le 17 octobre 1942 (considéré comme démissionné d’office le 20 octobre 1942). Il devint employé de bureau puis agent d’assurances. Il fit une demande de réintégration puis renonça à sa requête.

Marcel Mérigonde devint l’un des organisateurs de la Résistance au niveau départemental dans l’Oise. Militant du PS clandestin, recruté par Jean Biondi, membre de « France Résistance » de 1942 à 1944, il était surtout chef départemental de « Libération-Nord » et chef de district (interdépartemental) du réseau « Brutus ». Arrêté le 23 mai 1944, déporté le 15 juillet 1944 à Mauthausen et Neuengamme, il fut rapatrié le 1er juin 1945. Il se vit attribuer le grade fictif de sous-lieutenant FFI, puis fut lieutenant de réserve (JO du 7 mars 1952).

Après la guerre, Marcel Mérigonde fut réintégré comme professeur d’histoire au cours complémentaire de Compiègne en 1945, puis au collège d’enseignement général. Mais, très vite, il devint un permanent politique. Six mois plus tard en effet, il fut attaché parlementaire de Jean Biondi, qui était sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, puis secrétaire d’État à la Fonction publique. Délégué permanent de la SFIO en 1946-1947, il travailla ensuite au groupe parlementaire SFIO (il fut secrétaire administratif du groupe socialiste à l’AN en mars 1952), puis fut appointé au Conseil supérieur du cinéma au Grand-Palais jusqu’en 1956. Il exerça enfin comme directeur des examens à l’Institut des hautes études d’Outre-Mer, fonction pour laquelle il fut détaché jusqu’en 1965. Par la suite, retraité, il fut attaché de direction à Omnium-bois.

Son premier mandat électif fut celui de conseiller général du canton d’Attichy où il fut élu de septembre 1945 (il obtint 1657 voix sur 4743 votants au 1er tour, puis 2854 sur 4820 au second) jusqu’à avril 1981. Secrétaire du conseil général (présidé par Biondi) et membre de la commission départementale en 1945, puis en septembre 1946, il devint le chef de la minorité au conseil général à partir de 1951, après le décès de Biondi en 1950 et le changement de majorité. Il garda durant plus de deux décennies ce rôle. Élu conseiller municipal de Compiègne en avril 1953, il démissionna de ce mandat en octobre suivant. Permanent national, il continua à militer dans l’Oise et il fut désigné secrétaire fédéral-adjoint en septembre 1953, puis secrétaire fédéral en 1954-1955, fonction clé pour réussir à la députation.

Marcel Mérigonde avait figuré sur la liste SFIO aux élections législatives en novembre 1946 (en 4e position), puis en 1951 (en 2e position). La mort de Jean Biondi, puis le retrait d’Étienne Weil Reynal devait lui ouvrir les portes du Parlement : il fut élu député le 2 janvier 1956. Il avait conclu un apparentement très discuté dans les rangs socialistes, notamment par Jean-Pierre Biondi, avec la « liste d’action au service du département, présentée par le Parti républicain radical et radical-socialiste », conduite par l’ancien collaborateur Robert Hersant et avec la « liste républicaine d’action démocratique et sociale présentée par l’UDSR » conduite par l’ancien résistant Maurice Chevance-Bertin. Au Palais-Bourbon, le nouveau député de l’Oise siégea à la commission de l’Intérieur, à celle de la Presse et, comme suppléant, à la commission des Finances. Il se montra un parlementaire très actif, bénéficiant de son ancienne expérience d’attaché parlementaire puis de secrétaire du groupe socialiste (voir le détail de son action dans le Dictionnaire des parlementaires français). Il fut désigné secrétaire de l’Assemblée nationale à partir du 2 octobre 1957.

Élu député de l’Oise au temps de la guerre d’Algérie, Marcel Mérigonde se montra réticent envers la politique algérienne française et après la chute du gouvernement Guy Mollet, en juin 1957, il se montra un farouche adversaire de la participation socialiste et à deux occasions joua un rôle central qui mit en danger la majorité du parti. Le 3 novembre 1957, il présenta une motion au conseil national de la SFIO s’opposant à la participation au gouvernement Gaillard. Rapporteur de la motion à laquelle se ralliaient les minorités Depreux-Mayer et Defferre, il fit un vibrant discours se positionnant pour la défense des intérêts des ouvriers menacés par l’inflation. À la majorité qui arguait de la défense du régime politique, il rétorqua : « La notion de régime à défendre, c’est pour les travailleurs, celle du régime alimentaire.  » Sa motion recueillit 1 732 mandats, contre 2 087 à celle de la majorité. Rompant un tabou politique dans la SFIO, il envisageait un gouvernement de centre-gauche bénéficiant du soutien des communistes.

Après les événements du 13 mai 1958 en Algérie, Marcel Mérigonde appela à la résistance contre les activistes. Lors des derniers jours dramatique du régime de la IVe République, il se montra résolument opposé au retour au pouvoir du général de Gaulle. Le 27 mai, lors d’une réunion du groupe socialiste et du comité directeur du parti, il affronta Guy Mollet qui niait avoir rencontré l’ancien chef de la France libre. Après le départ pour Colombey-les-deux-Églises du secrétaire général du parti et du président du groupe socialiste de l’Assemblée, Maurice Deixonne, il fit adopter, par 112 membres des groupes parlementaires de l’Assemblée et du Sénat, un texte affirmant que les députés socialistes « ne se rallieront en aucun cas à la candidature du général de Gaulle qui, dans la forme où elle est posée et par les considérants qui l’accompagnent, est et restera en toute hypothèse un défi à la légalité républicaine  ». Fidèle à cette prise de position, le 1er juin 1958, Marcel Mérigonde fut l’un des 49 députés SFIO qui votèrent contre dans le scrutin de confiance sur le programme et sur la politique du général de Gaulle. Le lendemain, il refusa encore le vote des pleins pouvoirs et s’abstint sur le projet de loi relatif à la révision constitutionnelle. Mais il se refusait à rompre avec le parti. Durant l’été, il se prononça pour le « Non » au référendum, à la fois dans les documents intérieurs au parti, mais aussi publiquement à l’extérieur et soutint l’Union des forces démocratiques, qui rassemblait autour de la Ligue des droits de l’Homme, de François Mitterrand, Pierre Mendès France, les minoritaires socialistes en instance de scission, et une fraction de la gauche non communiste hostile au nouveau régime. Mais il refusa de s’associer à ceux de ses camarades qui formèrent en septembre le Parti socialiste autonome.

Par la suite, Marcel Mérigonde soutint le courant animé par Albert Gazier. Il siégea sur ses positions à la commission de réintégration aux congrès de 1960, 1961, ainsi qu’au congrès national extraordinaire de décembre 1960 et fut candidat, non élu, au comité directeur du parti au congrès de 1960.

Battu aux élections législatives de novembre 1958 et novembre 1962 dans la quatrième circonscription de l’Oise (Creil) par la vague gaulliste, Marcel Mérigonde était le promoteur départemental de l’accord socialiste-radicaux (avec Robert Hersant), ce qui lui valait naturellement des critiques. Président de la FGDS de l’Oise le 23 juin 1966, il fut encore candidat suppléant de Jean Baboulène aux élections législatives de 1968. Il signa l’appel en faveur du « Non » en avril 1969. Il se situait plutôt à la « droite » de la SFIO puis du nouveau Parti socialiste : il fut signataire de la motion Defferre « Pour le nouveau parti démocrate socialiste », pour le congrès national extraordinaire de décembre 1968, puis défendit les positions de la tendance Chandernagor au congrès fédéral de juin 1970.

Il conservait une influence locale certaine puisqu’il était co-président de l’Association départementale des élus républicains en 1968 et fut élu secrétaire adjoint de cette association lors du congrès national de Vichy en mars 1972. Il était apprécié de l’administration et de ses collègues de l’Assemblée départementale. Ainsi, le préfet de l’Oise, en 1967, après avoir rappelé son passé de résistant et de déporté, rappelé sa carrière enseignante et politique, écrivait : « Président de la FGDS, M. Mérigonde fait figure de leader de la minorité du conseil général grâce, en autre, à sa personnalité et à son talent de débateur. Ses interventions sont écoutées et ses avis souvent appréciés par la majorité car ils sont au plan administratif marqué par le bon sens et l’honnêteté intellectuelle. L’opposition constructive menée par M. Mérigonde ne gêne nullement l’action de l’administration. Les relations qu’il entretient avec le corps préfectoral sont au contraire excellentes. » Il fut encore conseiller régional de Picardie, désigné par le conseil général de l’Oise le 3 octobre 1973. Il a surtout exercé les fonctions de vice-président du conseil général de 1976 à 1979.

Sur le plan associatif, Mérigonde présidait l’Amicale des déportés et familles de disparus du camp de Neuengamme à partir de 1968 et la section unifiée des déportés de Compiègne.

Marcel Mérigonde, hostile au Programme commun, fut exclu du Parti socialiste par décision fédérale du 19 mai 1973, confirmée par une décision de la commission des conflits le 16 décembre suivant et se rattacha au RDG. Il rejoignit le PSD d’Éric Hintermann. Siégeant parmi les divers gauche en 1973, il était proche des positions de Max Lejeune et animait l’opposition au conseil général, votant comme les élus d’union de la gauche. Son groupe charnière, CGM, était très courtisé jusqu’au changement de majorité de 1979 où il perdit sa vice-présidence.

Ayant des problèmes de santé, Marcel Mérigonde mit fin à son mandat à l’Assemblée départementale le 24 avril 1981. Depuis la mort de sa première épouse, il s’était installé dans la région parisienne. Veuf en 1962, il s’était remarié le 15 février 1969 à Bois-Colombes avec Jeanine Hurel, née le 7 janvier 1934 à Croscay (Val-d’Oise). Ils eurent deux autres enfants.

Marcel Mérigonde était titulaire de nombreuses décorations. Croix de guerre, médaillé de la Résistance, il était aussi commandeur de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article148529, notice MÉRIGONDE Marcel, Raymond, Jean, François par Gilles Morin, version mise en ligne le 27 août 2013, dernière modification le 18 avril 2021.

Par Gilles Morin

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SOURCES : Arch. Nat. F/1cII/122, 554, 562 ; F/1cIV/154 ; 19850250/14/11524 ; 19770359/21 et 26 ; 19830172/69 et 72 ; 19860021/03 ; 19890523/11.— Archives Ass. Nat., dossier personnel — Archives de l’OURS, AGM 141. — Arch. FJJ/6EF73/2. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Bulletin Intérieur de la SFIO, 1945-1969. — André Combes, La Franc-Maçonnerie sous l’Occupation, Paris, éditions du Rocher, 2001, p. 203. — Profession de foi, législatives de 1956. — Dictionnaire des Parlementaires français, site de l’Assemblée nationale. — Gilles Morin, L’opposition socialiste à la guerre d’Algérie et le Parti socialiste autonome, un courant politique de la SFIO au PSU (1954-1960), thèse d’histoire, université de Paris 1, 1992. — Notes de Jean-Pierre Besse et de Jacques Girault

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