LAINÉ Charles, Auguste, Frédéric

Par Dominique Tantin

Né le 30 mai 1904 à Paris (XIIe arr.), exécuté sommairement le 19 août 1944 à Chizon, commune de Sainte-Pezenne aujourd’hui rattachée à Niort (Deux-Sèvres) ; commis principal des services financiers de l’Afrique occidentale française (AOF) ; résistant de l’Armée secrète.

Plaque commémorative apposée place de l’Eglise à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres)
Plaque commémorative apposée place de l’Eglise à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres)
Crédit : MémorialGenWeb

Fils de Raoul Charles Désiré et de Jeanne Marie Paty, Charles Lainé a accompli à partir de 1928 une carrière de fonctionnaire au Sénégal, en Afrique occidentale française. Il a épousé Jane Simone Béguier – originaire de Chef-Boutonne (Deux-Sèvres) – à Niort le 24 novembre 1930. Le couple eut trois enfants : un fils, Jean-Paul Nicolas, né le 1er septembre 1931 à Saint-Louis du Sénégal, et deux filles nées à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres), Jeanne Françoise, née le 5 juillet 1933, et Marie-France Louise le 28 mai 1943. Rentré en France en juillet 1941, il ne put rejoindre son poste à Dakar comme prévu le 20 novembre 1942, après le débarquement allié en Afrique du Nord et la rupture entre Vichy et ses colonies d’AOF. Il fut affecté au contrôle économique en 1943.
Au début de 1944, Charles Lainé résidait à Lussais par Chef-Boutonne. Lainé s’engagea dans les Forces françaises de l’Intérieur (FFI) en mars 1944. Il devint caporal-chef, triangle 25, brigade 6 ouest, secteur 6 (sur un document de son dossier à la DAVCC, il est indiqué « lieutenant du 2e Bureau », ce qui s’explique sans doute par une confusion avec Raymond Kopp alias Parouty). Charles Lainé, proche de Raymond Kopp, a participé à l’attaque de Melle le 13 août. C’est sur ses conseils que sept prisonniers furent conduits chez monsieur Béguier, retraité de la gendarmerie à Fontenille, qui les confia à la garde d’André Guienne et de son fils Pierre.
Le 14 août, Raymond Kopp décida de se rendre à la Kommandantur de Niort pour informer l’état-major allemand que les prisonniers seraient exécutés en cas de représailles. En uniforme noir d’officier SS, une ruse dont il était coutumier, Raymond Kopp, accompagné de Charles Lainé, René Goguelat, vêtus également d’uniformes allemands et de Granet, s’arrêta dans la soirée à la distillerie pour se procurer du carburant. Ils y furent interceptés par une patrouille de reconnaissance allemande. Le 8 janvier 1945, un témoin, Jean Fager – mobilisé sur le front de la poche de La Rochelle et en permission à Chef-Boutonne –, a raconté dans une déposition faite dans le cadre d’une enquête de gendarmerie sur les exécutions du 19 août au Chizon, les circonstances de l’arrestation du lieutenant Parouty et de ses compagnons : « Le 14 août, vers 21 h 15, j’ai été arrêté par les Allemands sur la place de Melle. Après m’avoir un peu brutalisé ils m’ont conduit en camionnette à la distillerie de Melle où dans la grille d’entrée se trouvait la voiture Citroën pilotée par le lieutenant Parouty. Ce dernier était habillé en Allemand ainsi que Lainé et Goguelat. Ils étaient accompagnés de Granet demeurant à Mérilly, commune de Tillou (Deux-Sèvres), actuellement au même régiment que moi. Tous les quatre étaient dans la voiture. Les Allemands ont parlementé avec Parouty qui connaissait la langue allemande. [Que les autres passagers fussent incapables de s’exprimer dans cette langue ne pouvait qu’alerter les Allemands.] Ceux-ci ayant aperçu un drapeau tricolore dans la voiture Citroën en ont fait descendre les occupants et les ont fait mettre le long d’un mur. Étaient présents : Savary, directeur de la distillerie, et un autre employé que je ne connais pas. Ces quatre personnes ont été frappées et j’ai même cru qu’elles allaient être fusillées sur-le-champ. Parouty a parlé en allemand et tous ont monté dans la camionnette où j’étais. Nous avons été conduits à la caserne Du Guesclin à Niort. Dès notre arrivée nous avons été frappés à coups de pied et de crosses de fusil ainsi qu’avec des grenades à manche. Ceci, commandé par le capitaine Wesse ou Weis (sic) de la Gestapo se passait vers 23 h 30. J’ai été mis ensuite dans la cellule no 4 avec Parouty. Lainé, Goguelat et Granet étaient dans la cellule no 1 ». Les trois hommes furent torturés par la Sipo-SD, dirigée par le capitaine Weiss.
Selon Joseph Pineau, chef de bataillon de l’Armée secrète et président du comité départemental de Libération des Deux-Sèvres, « les Allemands les interrogent, renseignés par un traître – dont le nom est inconnu – qui assistait aux côtés de Parouty à la prise de Melle. Il participait d’ailleurs aux interrogatoires, ainsi qu’en témoigne aujourd’hui Pierre Guienne. Ils savent qu’ils ont fait des prisonniers et veulent leur faire indiquer le lieu de leur détention. Maltraité, Lainé, la mâchoire fracassée, fait comprendre qu’il veut écrire. Il livre alors à l’ennemi les noms des gardiens des prisonniers et du lieu où ils sont emprisonnés (raconté par Parouty à ses compagnons de captivité) » On pense ici aux paroles d’André Malraux lors des obsèques de Jean Moulin : « Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ». Le 15 août, les Allemands purent donc mener une expédition dans la région de Fontenille, où ils délivrèrent les prisonniers, capturèrent leurs gardiens et firent plusieurs victimes.
Charles Lainé fut exécuté à Chizon (Sainte-Pezenne, Niort) le 19 août à 21 h 30 avec René Goguelat, Camille Gratien et Raymond Kopp. Les corps, enterrés sur place, furent exhumés en septembre.
Charles Lainé fut inhumé le 26 septembre 1944 à Lussais, commune de Chef-Boutonne (Deux-Sèvres), avec Raymond Kopp et René Goguelat, déclaré « Mort pour la France » en 1945 et reconnu FFI « Interné Résistant ».


Lieu d’exécution et de massacre : Niort, Chizon de Sainte-Pezenne (Deux-Sèvres).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article149393, notice LAINÉ Charles, Auguste, Frédéric par Dominique Tantin, version mise en ligne le 10 octobre 2013, dernière modification le 1er février 2022.

Par Dominique Tantin

Plaque commémorative apposée place de l'Eglise à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres)
Plaque commémorative apposée place de l’Eglise à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres)
Crédit : MémorialGenWeb

SOURCES : DAVCC, Caen, SHD/ AC 21 P 584309. – Arch. Dép. Deux-Sèvres, R 363. – Michel Chaumet, Jean-Marie Pouplain, La Résistance en Deux-Sèvres, 1940-1944, La Crèche, Geste Éd., 2010. – Pierre Guienne, témoignage (Niort, le 19 août 2013). — Mémoire des Hommes. — À consulter ultérieurement :Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 331560.

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