LÉCHEVIN Bruno

Par Paul Boulland

Né le 27 janvier 1952 à Sallaumines (Pas-de-Calais), mort le 6 février 2020 ; menuisier, magasinier EDF, commissaire à la CRE (2000-2008), délégué général du médiateur de l’énergie (2008-2013), PDG de l’ADEME ; militant jociste dans le Pas-de-Calais, permanent national (1974-1976) puis président de la JOC (1976-1978) ; syndicaliste CFDT du Rhône, secrétaire (1983-1986), secrétaire général adjoint (1986-1988) puis secrétaire général (1988-1997) de la Fédération CFDT Gaz-Électricité, secrétaire général adjoint de la Fédération Chimie-Énergie (1997-1999), membre du bureau national de la CFDT (1988-1998).

Archives FGE-CFDT

À Sallaumines, Bruno Léchevin vécut toute son enfance et son adolescence dans une région marquée par l’histoire ouvrière et par la culture des mineurs. Son grand-père paternel et son père étaient artisans menuisiers, travaillant essentiellement pour les houillères. Son grand-père maternel était ouvrier mineur. Sa mère fut institutrice avant de cesser de travailler pour s’occuper de ses cinq enfants. La vie familiale était fortement imprégnée de la pratique catholique et Bruno Léchevin fut lui-même enfant de chœur. Ses parents étaient tous deux très impliqués dans la vie de la paroisse et dans l’action sociale. Son père avait été militant de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) dans sa jeunesse et l’un de ses oncles fut responsable fédéral de la JOC. À travers leur engagement local, les parents de Bruno Léchevin entretenaient d’excellents rapports avec les dirigeants communistes locaux, à l’image de la députée Jeannette Prin, et, selon leur fils, ils étaient eux-mêmes électeurs du PCF. Bruno Léchevin effectua sa scolarité primaire dans une école libre puis, contrairement à ses frères et sœurs qui furent ensuite élèves de l’école publique, il intégra le collège Saint-Paul à Lens (Pas-de-Calais). Il y vécut difficilement la confrontation avec des élèves majoritairement issus de milieux sociaux beaucoup plus aisés et, en 1967, il réintégra le collège d’enseignement technique (CET) de Lens, pour suivre une formation de menuisier.

Dans le même temps, à partir de septembre 1966, Bruno Léchevin adhéra à la JOC. En juillet 1967, il participa au rassemblement national « Paris 1967 » au Parc des Princes, et prit progressivement des responsabilités locales, notamment dans un collectif régional de défense de l’emploi, au sein duquel il représenta la JOC. Selon lui, le mouvement de Mai-Juin 1968 constitua un « révélateur » de son engagement. Au sein du CET de Lens, il prit une part active aux mobilisations et, dans le prolongement du mouvement, devint délégué de classe et représentant des élèves au conseil d’administration de son établissement. Après l’obtention de son CAP de menuisier en juin 1970, il refusa la perspective de reprendre l’atelier paternel, afin de continuer à militer. Il se fit embaucher dans une coopérative ouvrière à Billy-Montigny (Pas-de-Calais) et adhéra aussitôt à la CFDT, auprès de la Fédération du Bâtiment. À la même époque, il devint responsable fédéral de la JOC. Après son service militaire, qu’il effectua en 1972 à Toul (Meurthe-et-Moselle), dans un groupe de transport, Bruno Léchevin fut sollicité pour devenir permanent national de la JOC. Il intégra l’équipe nationale en juin 1974, dans le cadre de la préparation du rassemblement national « Objectif 74 » (juillet 1974) puis fut chargé de la question de l’insertion des handicapés et de suivre la région Rhône-Alpes. En 1976, Bruno Léchevin devint président national de la JOC. Il contribua à l’organisation du meeting national des apprentis en 1976 et du rassemblement national du cinquantenaire de la JOC, en juillet 1978, qui marqua en même temps la fin de son mandat.

Bruno Léchevin vint alors s’établir dans le Rhône, région d’origine de son épouse, elle aussi militante de la JOC, qu’il avait rencontrée lorsqu’il était permanent national. En septembre 1978, il reprit son travail de menuisier dans une petite entreprise du bâtiment à Villefranche-sur-Saône (Rhône) mais, désireux de poursuivre son engagement sur le terrain syndical, il chercha à se faire embaucher dans la métallurgie. N’y parvenant pas, il entra à EDF grâce à l’intervention de Michel Flaugère, responsable du syndicat de Lyon (Rhône). Le 2 mai 1979, il fut affecté au magasin inter-centres de Lyon-Perrache, en qualité de magasinier. Dès sa titularisation, en 1980, il accéda à de premières responsabilités syndicales. Il devint délégué de sa section puis siégea en commission secondaire ainsi qu’en comité et sous-comité mixtes à la production. Il intégra ensuite le secrétariat du syndicat de Lyon, comme responsable des relations avec l’Union départementale interprofessionnelle CFDT du Rhône et devint permanent. Au cours de sa première année à EDF, il suivit des cours d’économie politique et d’histoire des idées politiques à l’Université catholique de Lyon.

Sollicité par Gérard Tiersen, secrétaire général sortant, et Alain Chupin, secrétaire général adjoint, Bruno Léchevin accepta d’intégrer le secrétariat de la Fédération CFDT Gaz-Électricité à l’occasion de son XXVIIIe congrès (Carcans-Maubuisson, mai 1983). Il fut chargé du secteur de l’information qu’il s’attacha à moderniser, notamment par le recrutement d’un journaliste professionnel, et en y introduisant progressivement la notion de communication syndicale. À l’issue du congrès suivant (Bourg-en-Bresse, mai 1986), il fut élu secrétaire général adjoint d’Alain Chupin. De septembre 1986 à juin 1987, sur proposition d’Édmond Maire, il participa à la session nationale « Politique de défense » de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Lorsqu’Alain Chupin devint membre de la commission exécutive confédérale de la CFDT, en 1988, Bruno Léchevin devint secrétaire général de la Fédération Gaz-Électricité. À ce titre, il représenta la FGE au bureau national de la CFDT, jusqu’en 1997. Comme Alain Chupin, Bruno Léchevin soutint le secrétaire général Jean Kaspar dans les tensions qui traversèrent la CFDT, jusqu’à la démission de Kaspar en 1992. Lors du XLIIIe congrès confédéral (Montpellier, mars 1995), il fit partie de l’opposition à la secrétaire générale Nicole Notat, dont le rapport d’activités fut repoussé par une majorité de délégués. S’il put alors apparaître à certains comme une alternative au renouvellement de la secrétaire générale, Bruno Léchevin écarta cette hypothèse. Il se refusait en effet à s’allier avec les opposants à la ligne confédérale, regroupés dans la coalition « Tous ensemble », et à la perspective de conquérir la direction en s’appuyant sur une majorité hétérogène. Il se concentra dès lors sur ses responsabilités à la tête de la fédération.

Le mandat de Bruno Léchevin fut marqué par l’achèvement du processus de fusion entre la Fédération Gaz-Électricité (FGE) et la Fédération unie de la Chimie (FUC). Envisagé dès avant son arrivée au poste de secrétaire général, le processus entra dans sa phase concrète au cours des années 1990. Personnellement très favorable à cette fusion, notamment en raison de son attachement à une approche interprofessionnelle du syndicalisme, Bruno Léchevin l’accompagna jusqu’au Ier congrès de la Fédération Chimie-Énergie (Lyon, mai 1997) puis comme secrétaire général adjoint de la nouvelle fédération, dirigée par Jacques Khéliff. Bruno Léchevin eut alors à conduire les négociations qui aboutirent à l’accord sur la réduction du temps de travail à EDF-GDF, signé en janvier 1999. Toutefois, jugeant que la fusion s’opérait au détriment du secteur de l’énergie, notamment en raison du départ de nombreux militants, Bruno Léchevin décida de quitter ses responsabilités en octobre 1999. Il coupa tout lien avec la fédération et exprima dès lors un point de vue critique sur les orientations de la confédération CFDT, en particulier aux côtés des 24 signataires de la tribune « Questions à la CFDT », publiée dans Le Monde en avril 2004, avec Jeannette Laot, Pierre Héritier, Albert Detraz, etc.

Réintégré à EDF, Bruno Léchevin fut d’abord chargé d’une mission d’études et d’observation sur le fonctionnement du secteur de l’énergie en Grande-Bretagne, au cours de l’automne 1999. Il s’engagea ensuite dans un Programme d’études avancées (PEA) en gestion des transformations sociales à l’Institut d’études politiques de Paris. En mars 2000, lors de la création de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui découlait de l’adoption de la loi de transposition des directives européennes sur l’énergie, Bruno Léchevin fut nommé commissaire. Il démissionna alors d’EDF. Il effectua deux mandats à la CRE, entre 2000 et 2002 puis entre 2002 et 2008. En 2008, il fut nommé délégué général du médiateur de l’énergie, tout en restant conseiller du président de la CRE. À partir de mars 2013, Bruno Léchevin fut président directeur général de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et à ce titre, il siégea au conseil d’administration d’EDF.

Dans le cadre de ses responsabilités syndicales, Bruno Léchevin accompagna la création d’Électriciens sans frontières, qui fédérait des associations d’aide au développement (CODEV) initiées par des militants CFDT d’EDF (voir Michel Detot) et soutenue par la direction générale de l’entreprise. Bruno Léchevin fut vice-président d’Électriciens sans frontières. Sur le plan politique, il se revendiquait comme un « enfant de la deuxième gauche », particulièrement marqué par l’expérience du PSU et la thématique de l’autogestion au début des années 1970, notamment autour de la figure de Michel Rocard. En 2012, il participa à la campagne des élections présidentielles auprès du conseiller à l’énergie de François Hollande.

Bruno Léchevin fut fait chevalier dans l’Ordre national du mérite et chevalier de la Légion d’honneur. Marié avec Marie-Claude Léchevin, il était père de deux fils.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article149643, notice LÉCHEVIN Bruno par Paul Boulland, version mise en ligne le 23 octobre 2013, dernière modification le 7 mai 2020.

Par Paul Boulland

Archives FGE-CFDT

SOURCES : Arch. de la FGE-CFDT (Congrès fédéraux, boîtes 1 J 26-31 ; 13 J 1-3 ; 14 FCE 1-5). — Enerpresse, 22 juin 2005. — Presse nationale. — Entretien avec Bruno Léchevin, février 2012.

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