Par René Gallissot
Né le 28 octobre 1884 à Saint-Martin d’Ardèche (Ardèche), mort le 7 juillet 1947 à Oran (Algérie) ; Un des fondateurs d’Oran républicain en 1937, quotidien de Front populaire.
Né dans une famille de colons d’Oranie, fils de Jean Joseph Auzas, rentier, et de Philomène Rosalie Canaud, sans profession, Edmond Auzas s’était marié le 17 septembre 1908 à Oran avec Cécile Pauline Alice Chapelin, fille de Joseph Chapelin, propriétaire terrien dans la région d’Oran, dont il conserva les biens agricoles. Il devint professeur à Oran dans l’entre-deux guerres, quand le port, par le vin, et la ville, par peuplement venu d’Espagne, faisaient encore d’Oran la première ville coloniale d’Algérie. Edmond Auzas appartint au parti français radical et radical socialiste ; il se situa à gauche en devenant une personnalité notable du Front populaire. Dès 1935, il entra dans le projet de lancer un quotidien républicain face à l’Écho d’Oran qui se faisait l’écho de l’Abbé Lambert, le maire démagogue qui soutenait les Unions latines pro-fascistes et s’appuie sur le parti social français, et face à Oran Matin qui se faisait le relais du Parti populaire français de J. Doriot qui s’implanta en Oranie en 1936-1937 et se dota d’un hebdomadaire L’Oranie populaire. Edmond Auzas rassembla amis et capitaux pour lancer Oran républicain. Avant qu’il ne paraisse, la droite dénonça dans le journal, un organe « judéo-maçonnique ». Oran républicain sortit son premier numéro en février 1937 quand retentit particulièrement à Oran, la fureur de la guerre d’Espagne.
Le journal représenta l’union de Front populaire dans ses inflexions et ses hyperboles oranaises. L’administrateur était Pierre Tabarot, communiste à sa façon patronale, le rédacteur en chef Michel Rouzé, membre de la SFIO mais plus gauche révolutionnaire, et donc suspect de trotskisme, que socialiste banal, le rédacteur des pages syndicales, le secrétaire de la CGT Élie Angonin qui venait de l’anarcho-syndicalisme, la voix des comités du Congrès musulman, le Cheikh Zahiri, en guerre avec le représentant de l’Association des Oulémas, le Cheikh Ibrahimi à Tlemcen, et le Directeur politique le radical-socialiste Edmond Auzas. Rappelons que le parti radical était dominé en Algérie par le sénateur Jacques Duroux, le tombeur du Gouverneur Viollette, grand capitaliste et homme de presse à Alger, et qu’Oran avait un député SFIO, l’instituteur Marius Dubois, qui avait du mal à se faire entendre. Aussi le rôle d’Edmond Auzas devint central pour tenir une ligne antifasciste qui était poussée à gauche par la mobilisation de masse favorable aux communistes.
Edmond Auzas non seulement réussit l’exercice jusqu’en 1938 mais porta une orientation de gauche socialisante, antifasciste et antiraciste. Par-delà l’aventurisme du Cheikh Zahiri à l’encontre de l’Association des Oulémas, il entretint l’alliance entre Front populaire et Congrès musulman jusqu’à établir des Comités communs. En Oranie, les dirigeants communistes se réjouirent vivement de la dissolution de l’ENA par le gouvernement de Front populaire. Alors que le PCA et les communistes espagnols et français vitupérèrent le fascisme et le franquisme de Doriot et désignèrent le PPA créé par Messali en l’appelant Parti populaire algérien et non pas Parti du peuple algérien pour le faire passer pour un doublon du Parti populaire français, Edmond Auzas s’efforça de maintenir des contacts avec les partisans de Messali qui vint au reste en tournée en Oranie.
Certes Oran républicain fit jusqu’au bout campagne pour le projet Blum-Viollette, mais le journal renvoya à la lutte contre les décrets répressifs Régnier pris en 1934 et appliqués à nouveau contre les Oulémas et les nationalistes, la défense de la liberté d’expression, de la presse et des emprisonnés. En 1938, ce fut Michel Rouzé qui servit d’intermédiaire entre messalistes et communistes. Ce front fut brisé après les grèves de novembre 1938 contre les décrets de défense nationale qui firent entrer les autorités, l’armée et la police françaises dans la suspicion et l’internement des étrangers susceptibles d’activités anti-françaises et de ceux qui furent accusés de séparatisme ou d’être agents de l’ennemi, qualifié de panislamiste, de bolchevique, ou d’être au service du complot judéo-maçonnique.
Par René Gallissot
SOURCES : Arch. de la Wilaya d’Oran, notes d’A. Taleb-Bendiab –Communication de Fouad Soufi, « Oran républicain et les problèmes algériens (1937-1938) », texte ronéoté – Entretien avec Élie Angonin. — État civil en ligne cote NC-17114 - Naissances - (1884 à 1884), vue 5.