BEHOGNE Oscar, Olivier, Ghislain.

Par Jean Neuville

Couillet (aujourd’hui commune de Charleroi, pr. Hainaut, arr. Charleroi), 2 février 1900 − Nalinnes (aujourd’hui commune d’Ham-sur-Heure, pr. Hainaut, arr. Thuin), 12 décembre 1970. Ouvrier mineur, militant et permanent syndical de la Centrale des francs-mineurs (chrétienne), dirigeant mutuelliste, dirigeant de la Ligue nationale des travailleurs chrétiens, bourgmestre social-chrétien de Nalinnes, ministre puis ministre d’État, dirigeant fédéral de la mutualité chrétienne de Charleroi, dirigeant de coopératives, résistant.

Fils de Joseph Behogne (Pont-de-Loup (aujourd’hui commune d’Aiseau-Presles, pr. Hainaut, arr. Charleroi), 19 mars 1870 - Couillet, 27 août 1937), ouvrier de charbonnage à Couillet, et de Marie Gossiaux (Marchienne-au-Pont (aujourd’hui commune de Charleroi, pr. Hainaut, arr. Charleroi), 3 mai 1876 - Couillet, 3 juillet 1909), sans profession, Oscar Behogne est le cadet des trois enfants. Sa mère étant décédée alors qu’il n’a que neuf ans, il est élevé par sa grand-mère et, dès l’âge de treize ans, va travailler à la mine, aux Charbonnages du Fiestaux, et en métallurgie. Sous l’influence d’un abbé démocrate, disciple de Marc Sangnier, Émile Urbain, vicaire à Couillet, Behogne milite au Syndicat des francs-mineurs, affilié à la Confédération des syndicats chrétiens (CSC).

À l’issue de la Première Guerre mondiale, l’abbé René Van Haudenard*, directeur des œuvres sociales chrétiennes à Charleroi, confie à Oscar Behogne les fonctions de propagandiste permanent pour le Syndicat des francs-mineurs. Après avoir effectué son service militaire, il fait partie, avec notamment Arthur Bertinchamps et Fernand Tonnet*, du premier groupe d’ouvriers qui suivent les cours de l’École centrale supérieure pour ouvriers chrétiens qui vient d’être fondée à Heverlee (aujourd’hui commune de Louvain, pr. Brabant flamand, arr. Louvain - Leuven) par le Père Jules Perquy*, dominicain. Il obtient, en 1924, le diplôme d’assistant social délivré par cette institution. Il continue parallèlement à assumer la fonction de secrétaire des Francs-mineurs du bassin de Charleroi jusqu’en 1928.

Après la Première Guerre mondiale, Oscar Behogne devient − il le restera jusqu’en 1928 −, trésorier de la Fédération des mutualités chrétiennes de Charleroi. À cette date, il est appelé aux fonctions de secrétaire général adjoint de la Ligue nationale des travailleurs chrétiens (LNTC). Il y travaille avec le secrétaire général, Paul Willem Segers*, et l’aumônier, Louis Colens*, qui le connaissent depuis son entrée à l’école sociale d’Heverlee. Pendant les dix ans qui suivent cette nomination, il s’attache à promouvoir, partout en Wallonie, la création et le fonctionnement de ligues de travailleurs chrétiens, d’activités coopératives ainsi que d’activités éducatives. Il représente la LNTC au conseil d’administration de la société anonyme, Centrale des assurances populaires, créée le 18 décembre 1929, qui devient en 1932 Les Assurances populaires.

Démocrate-chrétien, Oscar Behogne investit le champ politique dès 1932 lorsqu’il est élu député suppléant pour l’arrondissement de Charleroi puis en 1936 pour l’arrondissement de Soignies (pr. Hainaut). La maladie de Jean Bodart, député démocrate-chrétien de Charleroi, l’amène à être le candidat démocrate-chrétien sur la liste catholique aux élections du 2 avril 1939. Il est élu avec 3.577 suffrages préférentiels contre 2.940 au candidat catholique conservateur Michaux.

En 1940, Oscar Behogne entre dans l’action clandestine contre l’occupant allemand. Il est désigné comme chef de l’armée de la libération pour le Hainaut et est membre des services de renseignements et d’action. À la suite de sabotages de voies ferrées, il est arrêté le 18 mai 1943 par la Gestapo et connaît successivement les camps de concentration nazis de Vucht (commune de Maasmechelen, pr. Limbourg, arr. Tongeren) puis en Allemagne à Sachsenhausen, Neuengamme, Usum, Ravensbruck, Malchow. Il est délivré par les alliés et rentre en Belgique le 30 mai 1945.

Le mois suivant, Oscar Behogne devient membre du Comité provisoire du Parti social-chrétien (PSC), fondé en 1945. Deux mois plus tard, il est élu membre du Comité national. Aux élections législatives du 17 février 1946, il est élu à la Chambre des représentants sur la liste catholique de Charleroi, avec 4.165 voix de préférence, le candidat conservateur Duvieusart, bien qu’élu, n’obtenant que 3.089 votes. Lors des élections du 26 juin 1949, Behogne obtient 7.556 suffrages préférentiels et Brasseur, candidat conservateur, 2.271. Il est ainsi réélu à chaque appel aux urnes jusqu’aux élections du 23 mai 1965, date de sa retraite politique sur le plan national.

Au cours de son activité parlementaire, Oscar Behogne est questeur à la Chambre du 8 novembre 1960 au 20 février 1961 et vice-président du 6 octobre 1958 au 11 novembre 1958 et du 27 avril 1961 à 1965. Le 20 mars 1947, il est ministre des Travaux publics dans le cabinet Spaak et le reste dans le cabinet Spaak, remanié le 27 novembre 1948. Dans le cabinet Eyskens du 11 août 1949, il passe au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale. Behogne continue à occuper cette fonction dans le cabinet Duvieusart du 8 juin 1950. Il reprend le ministère des Travaux publics dans les gouvernements Pholien (16 août 1950) et Van Houtte (15 janvier 1952). Le 6 novembre 1958, il redevient ministre du Travail dans le cabinet Eyskens II. Sa carrière ministérielle se termine le 27 mars 1961. Il est nommé ministre d’État le 12 juillet 1966. Au crédit de son activité comme ministre du Travail, on peut signaler, entre autres, le projet de juin 1959 relatif aux fermetures d’entreprises et celui de février 1960 instaurant le salaire hebdomadaire garanti.
Oscar Behogne garde un mandat communal puisqu’il est bourgmestre de Nalinnes depuis le 1er janvier 1965.

La carrière politique de Oscar Behogne n’est pas un frein à son action sociale qu’il poursuit en devenant, en 1958, vice-président de la Fédération des mutualités chrétiennes de Charleroi. Puis en 1962, il succède à Ernest Coeckelberg* en tant que président de la Fédération. Il garde cette fonction jusqu’au 1er mai 1969, date à laquelle il est nommé président d’honneur.

Foncièrement anti-socialiste, Oscar Behogne est, durant toute sa carrière dans le Mouvement ouvrier chrétien et dans l’action politique, un artisan obstiné de l’unité politique des catholiques.
Le 26 juin 1932, lors du premier Congrès de la Ligue provinciale des travailleurs chrétiens du Hainaut, il conditionne néanmoins la participation des travailleurs chrétiens à la vie du parti catholique aux quatre conditions suivantes :

« 1. Reconnaissance de la Ligue des travailleurs chrétiens comme étant l’organisme représentatif de la classe ouvrière organisée ;

2. Participation équitable, effective et réelle à la direction du parti et à la rédaction du programme commun ;

3. Juste représentation sur la liste des candidatures présentées à l’occasion des élections en tenant compte de l’intérêt général et du bien commun. »

4. Droit pour la Ligue des travailleurs chrétiens de désigner librement les candidats pour les postes qui lui ont été attribués. »

Au Congrès de la LNTC de 1937, Oscar Behogne met en avant la nécessité de l’unité sur base de trois arguments :

1) la fidélité à la tradition observée depuis 1891 par la Ligue démocratique belge et ensuite par la LNTC ;

2) la réponse aux appels des évêques et du pape en faveur de l’unité politique des catholiques ;

3) la nécessité du concours des travailleurs chrétiens organisés à l’existence d’un parti catholique viable en Belgique.

Ses options apparaissent clairement dans une leçon que Behogne donne lors de la Semaine sociale wallonne de 1934. Il y dégage les directives essentielles pour l’organisation chrétienne de la classe ouvrière :

« 1. Donner une formation sociale, donner des convictions démocratiques chrétiennes à nos membres et à la classe ouvrière ;

2. Faire de la classe ouvrière un instrument actif d’un corporatisme professionnel conforme aux encycliques pontificales ;

3. Ramener la classe ouvrière dans la vie de l’État et de la Nation par une activité politique autonome, mais en communauté d’idées et d’action avec les autres citoyens catholiques ;

4. Ramener la classe ouvrière dans la communauté religieuse, par l’apostolat total des ouvriers auprès des ouvriers. »

Aussi, après la Seconde Guerre mondiale, Oscar Behogne est adversaire de l’Union démocratique belge (UDB) que certains démocrates-chrétiens mettent sur pied. Une même volonté d’unité l’anime sur le plan des relations entre Flamands et Wallons ; il ne sera jamais partisan du fédéralisme, tout spécialement au sein du mouvement ouvrier chrétien.

Oscar Behogne occupe d’autres fonctions que celles mentionnées plus haut. Il est président régional du Parti social-chrétien (PSC) de Charleroi, vice-président de la société coopérative, Les Ouvriers réunis, président de la société de crédit pour habitations sociales Tertou s’Maison, et membre des conseils d’administration de la Coopération ouvrière belge (COB), des Assurances populaires, de la coopérative Bien-être.

En premières noces, Oscar Behogne épouse Germaine Vermeulen, née à Couillet en 1900. Deux enfants naissent de cette union : un garçon décédé à l’âge de trois ans et demi et une fille décédée à l’âge de dix ans. Son épouse meurt en 1958 et Oscar Behogne se remarie en mai 1960 avec la fille d’un de ses compagnons de captivité, M. Lannis, dont il a un fils, François, né en 1962.

Personnalité dynamique, tenace et inflexible dans ses positions, Oscar Behogne restera toute sa vie d’une grande simplicité et d’un parfait désintéressement. Décédé d’un infarctus en décembre 1970, il est détenteur de nombreuses distinctions honorifiques : Grand-croix de l’ordre de la Couronne, Grand-croix de l’ordre de Léopold II, Grand-officier de l’ordre de Léopold, Grand-croix de l’ordre de la couronne de chêne, Grand-croix de l’ordre d’Orange Nassau, Grand officier de l’ordre du mérite de la république d’Italie, Commandeur de la Légion d’honneur, Commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, Officier de l’ordre de Léopold avec liseré d’or, au titre militaire, Croix de guerre avec palmes 1940-1945, Croix du prisonnier politique 1940-1945, Croix civique de première classe, Résistant armé du 1 décembre 1940, Adjudant SRD, Médaille de la résistance 1940-1945, Médaille de première classe de la Prévoyance sociale, Médailles spéciales de la coopération - deuxième et première classes, Médaille commémorative du règne d’Albert 1er.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article150052, notice BEHOGNE Oscar, Olivier, Ghislain. par Jean Neuville, version mise en ligne le 4 novembre 2013, dernière modification le 15 janvier 2020.

Par Jean Neuville

ŒUVRE :
-  Dans Les Dossiers de l’Action catholique : « La question des salaires dans les mines », août et septembre 1925 – « Les nouveaux projets d’assurances sociale », février 1928 – « Centralisation et rationalisation dans nos organisations ouvrières chrétiennes », novembre 1928 – « Nos œuvres ouvrières d’adultes assurent-elles aux jeunes gens sortant de la JOC le milieu social approprié à leur formation ? », janvier 1929 – « La démocratie chrétienne en face de quelques problèmes actuels », décembre 1929 – « L’organisation des cercles d’études des ligues de travailleurs chrétiens », janvier-février 1931 – « Les enquêtes sociales », mai 1931.
-  Dans Les Dossiers de l’Action sociale catholique : « La collaboration dans le mouvement ouvrier chrétien », octobre 1932, p. 631 – « Les élections communales du 9 octobre 1932 », novembre 1932, p. 735 et décembre 1932, p. 825 – « Front unique », mai 1933, p. 346 et juin 1933, p. 431 – « Les travailleurs chrétiens et le plan du travail », mai 1934, p. 386 – « La Ligue des travailleurs chrétiens du Hainaut », septembre 1935, p. 662 – « Les travailleurs chrétiens et le regroupement des catholiques », février 1937, p. 136 – « Les travailleurs chrétiens et la réorganisation du parti catholique », octobre 1937, p. 792 – « La position actuelle du mouvement ouvrier chrétien en Belgique », septembre 1938, p. 736 – « Les élections du 16 octobre 1938 », novembre 1938, p. 956 – « Chez les tortionnaires », juillet-août 1945, p. 285.
-  Textes des leçons dans les Semaines sociales wallonnes : « Esquisse d’une critique du communisme », 1929 – « Organisation capitaliste des socialistes en Belgique », 1930 – « La répartition de la main-d’œuvre », 1931 – « Les organisations ouvrières chrétiennes et l’éducation religieuse et morale des travailleurs », 1932 – « L’organisation générale de la classe ouvrière et ses directions actuelles », 1934 – « L’hitlérisme allemand contre le catholicisme », 1935 – « Pour le relèvement du niveau moral de la classe ouvrière », 1937 – « La position actuelle du mouvement ouvrier chrétien », 1939 – « Les travailleurs dans la nation », 1953.
-  Rapport aux congrès de la LNTC : « L’unité dans l’organisation ouvrière chrétienne », 1953.

SOURCES : DE VULDERE R.,Biografisch repertoriium der belgische parlementairen, senatoren en volksvertegenwoordigers (1830-1965), Onuitgegeven licentieverhandeling RUG, Gent, 1964-1965, p. 280 – La Fédération des mutualités chrétiennes de Charleroi en hommage à la mémoire de son président d’honneur et ancien président : M. Oscar Behogne, ministre d’État. 1900-1970, Gilly, s.d. − VAN MOLLE P., Het belgisch parlement 1894-1969, Ledeberg-Gent, 1969, p. 12-13 − Notice réalisée par Françoise Uyttersproet, section Journalisme de l’Université libre de Bruxelles, s.d. – PIRSON E. (dir.), Histoire du Mouvement ouvrier chrétien à Charleroi 1886-1990, Bruxelles, 1995.

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