WROBLEWSKI Walery

Par Jean Maitron, Michel Cordillot

Né le 27 décembre 1836 à Zoludek (Pologne), mort à Ouarville (Eure-et-Loir) le 5 août 1908 ; général de la Commune de Paris ; membre du Conseil général de l’Internationale.

Né dans une famille de propriétaires terriens appartenant à la petite noblesse polonaise, Walery Wroblewski fit ses études au gymnase (lycée) de Vilnius, puis à l’Institut supérieur des officiers forestiers militaires de Saint-Petersbourg, dont il sortit officier. Il travailla alors en Biélorussie comme professeur et directeur d’une école militaire.
Sous l’influence de son oncle Eustache, il était devenu un ardent patriote polonais à l’époque où faisait ses études. Il rejoignit le cercle clandestin fondé par deux autres officiers, Zygmunt Sierakowski et Jaroslaw Dombrowski. Excellent tireur, bon escrimeur, habitué à travailler sur des cartes d’état-major, Wroblewski fut retenu pour devenir un des cadres du soulèvement militaire en préparation.
À la veille de l’insurrection de 1863 il fut nommé chef des insurgés de la province de Grodno (Hrodna, Bélarus). Au premier jour de l’insurrection il gagna avec six mille hommes la forêt de Sokol. Affrontant l’armée tsariste à la tête de ses troupes, sa tête fut mise à pris et un groupe spécial fut constitué pour le traquer. À l’automne, il regagna la Pologne pour y passer l’hiver avec ses hommes. Il fut alors nommé gouverneur militaire de la province de Lublin. Début 1864, il tomba dans une embuscade tendue par des cosaques et fut grièvement blessé.

Il se réfugia en France et vécut chichement à Paris comme allumeur de réverbères et compositeur d’imprimerie. Il militait à l’Union des démocrates polonais.
De novembre 1866 à mai 1871, il habita 15, rue Boursault (XVIIe arr.) dans une chambre à 20 F par mois, dont il payait régulièrement le loyer (le 10 mai 1871, il fit payer à sa propriétaire 180 F couvrant les neuf mois qu’il lui devait).
Après le 4 septembre 1870, avec un groupe de militaires polonais, il proposa au général Trochu la formation d’une légion polonaise pour la défense de Paris contre les Prussiens, mais il fut éconduit. Pour ne pas rester passif, Wroblewski se serait alors engagé dans la Garde nationale de la Seine ou dans un groupe de francs-tireurs.

Ayant pris fait et cause pour la Commune, il commanda début d’avril 1871 la cavalerie fédérée sur la rive gauche de la Seine. Le 15, il fut autorisé par Gustave Cluseret à former deux escouades de cavalerie, mais cette décision resta sans suite. Le 25 avril, il assista avec Louis Rossel et Dombrowski à la réunion qui se tint rue des Dames (XVIIe arr.) pour tenter d’organiser une dictature. Le 28, il fut chargé par Cluseret du deuxième commandement des forces extérieures, entre le Point-du-Jour et Bercy. Le 30 avril, Rossel fit étendre son commandement sur toute la rive gauche.
Élevé au grade de général, Wroblewski eut en charge la troisième armée fédérée défendant le Sud de Paris. Son quartier général était établi à Gentilly et les forces dont il disposait étaient partagées en trois secteurs : les forts d’Issy et de Vanves ; les forts de Montrouge et de Bicêtre ; le fort d’Ivry et les tranchées de Villejuif.
Durant la semaine sanglante, il organisa la résistance dans le XIIIe arr., notamment à la Butte-aux-Cailles et place d’Italie, se distinguant par ses qualités de stratège. Il disposait de 3 à 4 000 hommes, dont le 101e bataillon « tous enfants du XIIIe et du quartier Mouffetard, indisciplinés, indisciplinables », mais combattants intrépides. Le 24, les assauts des Versaillais contre la Butte-aux-Cailles furent repoussés à quatre reprises. Mais la pression se faisant de plus en plus forte, les défenseurs furent contraints de replier le 25 sur la place Jeanne-d’Arc, dont les défenseurs se rendirent vers 17 heures. Wroblewski réussit pour sa part à passer le pont d’Austerlitz avec un millier de combattants et quelques canons.
À son arrivée à la mairie du XIe arr., Delescluze lui proposa le commandement général qu’il refusa, ne disposant plus que de quelques centaines d’hommes. Il tenta de résister jusqu’à la fin place du Château d’Eau, se battant comme un simple garde, avant de battre en retraite. En quittant le cimetière du Père-Lachaise le soir du 27 mai, il trouva asile près du Château-d’Eau, chez une concierge qui lui donna des habits civils et le dissimula pendant près d’un mois. Par l’entremise du comte Zamojski, il put obtenir un passeport et gagner la Belgique, puis l’Angleterre.
Le 17e conseil de guerre le condamna à la peine de mort par contumace le 30 août 1872.

À Londres, Wroblewski vécut dans l’entourage de Karl Marx et fit partie d’une loge maçonnique anglaise fréquentée par des proscrits polonais, La Persévérance patriotique, qu’il quitta pour entrer dans une autre loge polonaise, La Révolution universelle. Il s’installa à Islington, 40, Colebrook Row, et ouvrit une petite imprimerie qui imprima des publications éphémères, dont Rouge et Noire de Lissagaray.
Coopté comme membre du Conseil général de l’Internationale, il succéda à Zabicki au poste de secrétaire-correspondant pour la Pologne. Il signa en cette qualité les résolutions de la conférence de Londres de septembre 1871. Le 5 mars 1872, il fut également un des signataires de la brochure Les prétendues scissions dans l’Internationale destinée à la lutte contre la fraction bakouninienne. Il assista au 5e congrès de l’Internationale tenu à La Haye (2-7 septembre 1872) comme délégué du Conseil général et de la section polonaise de Londres. Il vota les exclusions de Bakounine, James Guillaume et Schwitzguébel, et se prononça en faveur du transfert à New York du siège de Conseil général.

Wroblewski connut à Londres une vie difficile, ainsi qu’en témoigne une lettre de Mme Marx à Sorge en janvier 1877 : « Wroblewski est en rapports avec le ministre de Turquie pour aller en Turquie aussitôt qu’éclatera la guerre. Il aurait bien mieux fait de partir depuis longtemps, misère et blessures lui faisant une existence très dure. Si l’on n’en arrive pas à la guerre, il sera ici complètement perdu, étant donnée surtout la terrible situation où il se trouve. Ce serait dommage qu’il ne trouvât pas d’activité convenable. C’est une tête véritablement géniale et un brave garçon. »
Lors d’un séjour à Genève cette même année, Wroblewski noua des contacts avec le groupe des révolutionnaires russes animé par Lavrov. Il semblerait qu’il se soit rendu clandestinement en Russie pour y rencontrer le dirigeant biélorusse du groupe Narodnaya Volya Ignatius Grinevistky.

De retour en France en 1885 avec une santé très ébranlée il vécut un certain temps à Nice. Puis il regagna Paris où il occupa un modeste emploi dans la presse, travaillant comme imprimeur à La Lanterne et comme contrôleur des ventes à L’Intransigeant. Très malade, il dut cesser toute activité en 1900.
Devenu impotent, Wroblewski fut recueilli en 1906 par son ami le docteur Gierzynski dans sa maison d’Ouarville (Eure-et-Loir). Il y mourut le 5 août 1908. D’imposantes obsèques lui furent faites le 16 août en présence de milliers de personnes, groupements et associations, arborant l’églantine et la cocarde rouges, qui suivirent le convoi de la gare d’Orléans au Père-Lachaise, où il fut inhumé dans la 76e division, près de Jean-Baptiste Clément.
Son nom est parfois écrit par erreur « Wrobleski ».

Liste — d’après l’état de nos recherches — des Polonais ayant participé à la Commune de Paris : Babick Jules, Bakonowicz (Beltonowitz) Michel, Baraczynski (Barczynski) Jean, Baranowski Alexandre, Barszewski (sans prénom), Barczewski Alexandre, Barezewski Alexandre (Barczewski ?), Barszczewski Jean, Bayer Ch. ?, Benarz, Bialkowski Armand, Bialkowski Jérôme, Biernacki Joseph (Biernaski ?), Biernaki Louis (?), Bojarski Ladislas, Bolonski Louis (ou Bololosky ?), Bonoldi Achille, Borkowski Jean, Borniewski Édouard, Borzobohaty Ladislas, Budziszowski (Budischosky ? Budiskosky ?), Burba Ferdinand, Celinski Jordan, Celinski (Cielinski) Léopold, Celinski Stanislas, Cholewa Paul, Chrecki Ladislas, Chruscinski Sigismond, Criqué J. ?, Cwaloszynski S., Czapel Léon, Czarnowski (Czarnomski) Romain, Daniszewski (Daszewski) Witold, Dabrowski Jaroslaw, Dabrowski Théophile, De Kuksz (voir Kuksz), Dzialinski, Dziedzinski, Foriasky ?, Fracki, Gasowski Alphonse, Gikowski ? Walenty, Gizycki Eugène, Gronau, Grudzinska Hélène, Hankiewicz Joseph, Heinsze Louis, Helgorski Wladyslaw, Holubowicz Edmond, Homanowski Ch. ?, Huszcza Apollon, Jabloski Konstanty Léon, Jankowski Francis, Janowski, Jasienski, Jaslowski, Jost Wladyslaw, Kaczynski, Kamieniecki Adolphe, Kaminski Stanislas, Kawecka-Ladojska, Kawecki Constant, Kazdanski Julien, Kinoski ?, Kobosko Apollon, Kompanski Eugène, Koniarski Walerian, Konkiel Eugène, Konrad, Kopernik Lucien, Kosmo, Kowalski, Kozarski Alexandre, Kozarski Charles, Koziell Louis, Kozlowski Francis, Krajewski, Krieger Sabin, Kruszewski (Kruszczowski) Jean, Krzmier B., Kuksz (Kukszowski) Wladyslaw, Kunicki Ézechiel, Kwiatkowski Charles, Kwiatoszynski Edmond, Lacki ? Landeck, Landowski Jean, Lankiewicz Walenty, Lansecki, Lapuszewki C., Leszczynski Erasme, Lewicki Joseph, Lubicz Victor, Lubiszewski Félix, Lukowski Julien, Lunkiewiz (voir Lankiewicz), Malackowski, Malukiewicz Michel, Matuszewicz Ludomir, Mekarska Pauline, Mekarski Jules, Malachowski, Michalowicz, Miecznikowski Louis, Mielnicki Alexandre, Mierzinski, Mizgier de Turzyna Jean, Muzinski, Mycielski Antoine, Naczkowski Julien, Napieralski, Nawrocki, Nettyn, Niemiec Rosalie, Okolowicz Anatole, Okolowicz Auguste, Okolowicz Charles, Okolowicz Édouard, Okolowicz Ferdinand, Olszewski Arthur, Opatowski Henri, Orlowska Maria, Orlowski Jean, Pajowski (Payoski), Palysiewicz (Parisziewzi), Paszkowski Victor (de Zadora), Pawlowicz Louis (Polowich, Paulowich), Pazdzierwski J.-B., Perce I., Piatkowski Léon, Plaskowski Alexis (Plouskowski ?), Plucinski Théodore, Potapenko Valéry, Potowski Jean, Powiatowski, Pruszynski Ernest, Prut Louis, Rebecki Jean, Rienorski, Rogawski Casimir, Rogowski Maximilien, Romanowski Charles, Romblicki, Rozalowski Vladimir, Rozwadowski Joseph, Rozycki, Rubinowicz, Ruszczynski (Ruszeszynski ?), Rymaszewski Julien, Sachocki Alphonse, (Suchocki ?), Sezwezikowski (?) Antoine, Sieminski, Skalski, Slomczynski André (dit Slom), Sroczynski Stanislas, Stawinski Wladyslaw, Stazewski Paul, Szmejzinski (Schmeyzinski) Paul, Szydtowski Louis, Szydlowski Stanislas, Szyrma Édouard, Slezier (Slizier) Stanislas, Swidzinski Charles, Swiecki (Swiecicki), Swierisiski, Tabulski Stéphane, Temezynski Wladyslaw, Tomaszewski Stanislas, Tranczykowski, Turski, Wackowski ?, Warszawski David, Waszkiewicz, Wernicki Alexandre, Wierzbicki (Wirzbicki), Wisniewski, Witkowski Louis, Wodecki (Wadecki) Stanislas, Wolkiert (Volkert), Wolowski Alexandre, Wolowski A., Wolowski B., Woski (Voski), Wroblewski Walery, Wroczynski Romain, Jules Zanawski, Zukowski Jules.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article150222, notice WROBLEWSKI Walery par Jean Maitron, Michel Cordillot, version mise en ligne le 13 novembre 2013, dernière modification le 1er février 2021.

Par Jean Maitron, Michel Cordillot

Tombe au cimetière du Père-Lachaise

ICONOGRAPHIE : G. Bourgin, La Commune, 1870-1871, op. cit. p. 351. — Bruhat, Dautry, Tersen, La Commune de 1871, op. cit., p. 235.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/865, n° 6997. — Arch. Min. Guerre, 17e conseil. — Lepelletier, Histoire de la Commune, op. cit. t. III, p. 395 et suivantes. — Le Mouvement social, n° 38, janvier-mars 1962. — La Première Internationale (J. Freymond), op. cit. — M. Molnar, Le Déclin de la 1re Internationale, op. cit. — Correspondance F. Engels-K. Marx et divers, publiée par Sorge dans Œuvres complètes de F. Engels, Paris, 1950, 2 vol. — K. Wyczanska, Polacy W Komunie..., op. cit. — Gérard Hamon, Retour en France d’un communard déporté, Rennes, Pontcerq, 2016, p. 214. — État-civil de Ouarville. — N. Yaffe, « W. Wroblewski as the Organizer of the Polish Rising of the Government of Grodno in 1863 », Bulletin de l’IIHS, vol. 3 (1939), p. 1-7. — Wieslaw Solecki, General Walery Wroblewski, 1836-1908, Wydawn. Ministerstwa Obrony Narodowej, 1969. — http://freshdurban.com/2019/10/13/the-fate-of-the-rebel-commanders-part-1/ — Notes de Louis Bretonnière et Jean-Louis Robert.

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