LEVEL Louis

Par Bernard Grelle

Né en 1870, mort le 29 mars 1904 ; syndicaliste de Lens (Pas-de-Calais).

Le 3 avril 1904 L’Action syndicale, l’hebdomadaire lensois du « Jeune syndicat » de Broutchoux, annonçait la mort de son administrateur adjoint, Louis Level, 34 ans, marié, une petite fille. Après avoir noté l’imprudence de son collaborateur (malade, il s’était purgé avant de se rendre à son travail, « le froid intense et la pluie battante de ce jour de deuil [ayant] causé sa perte », la rédaction souligne les qualités de ce militant hors pairs, regrettant la disparition de cet intègre trésorier, « de cet homme de confiance qui savait disposer de nos ressources pécuniaires avec tant d’intelligence et de probité. »
L’enterrement civil de cet homme ayant vécu en philosophe matérialiste se déroula en présence d’un millier de personnes, appartenant aux associations dont Level était membre, musique ouvrière de Lens, Association amicales des marchands de journaux du dépôt de Lens, Fédération des mineurs du Pas-de-Calais, Libre-pensée, et bien sûr, Fédération révolutionnaire du Pas-de-Calais. Plusieurs personnalités prirent la parole sur la tombe, dont Evrard-Bernard, délégué mineur, Henri Ghesquière (adjoint au maire de Lille), et Benoît Broutchoux.

Level n’était pas apprécié de tous. Une de ses voisines s’exclame-t-elle le lendemain de l’enterrement, au passage de sa veuve : « Ce n’est pas honteux de voir une femme vendre des journaux maintenant que son homme est mort. Il ne fera plus ses airs… », la Libre-pensée vole au secours de l’infortunée : « Vous apprendrez d’abord, madame la libre penseuse à l’eau bénite que le métier de marchand de journaux est aussi honorable et plus utile que celui de vendeuse de chapelets, médaille etc., métier que vous faites. » C’est encore la Libre pensée qui organise une collecte au profit de ladite veuve et de sa fille, au cours du « banquet gras » qu’elle organise le « Vendre dit Saint », « afin de protester contre la coutume idiote du catholicisme » ; banquet « qui n’a pas eu l’animation qu’il aurait du avoir », en raison de la triste circonstance (7 avril 2010).

L’incident stupide avec la bigote nous apprends au moins que Mme Level participait, dès avant son veuvage, aux tournées de son mari, tournées qu’elle reprend immédiatement (il fallait bien vivre) sans qu’on sache pendant combien de temps. Utilisait-elle, comme son défunt mari, un chien attelé à une petite charrette ? Le 31 septembre 1903, le préfet du Pas-de-Calais prenait (« sur l’ordre de Basly », affirme L’Action syndicale du 17 janvier 1904) un arrêté disposant qu’il faudrait une autorisation expresse du maire (Basly) pour atteler des chiens. Permission que Basly aurait refusée aux marchands de journaux connus comme révolutionnaires (Louis Level donc, mais aussi Augustin Dehay, Bernard et Tinclercq. Ils auraient, à eux tous, été verbalisés vingt-neuf fois pour défaut d’autorisations, autorisations demandées par trois fois devant témoins. Autorisations obtenues sans problème par d’autres marchands de journaux. À noter que Goudemetz, autre militant anarchiste connu, marchand de café de son état, se trouvait dans la même situation, contrairement à ses concurrents, qui pouvaient atteler sans problème. Cédant aux récriminations et sensible peut-être aux injustices qu’il entraînait, le préfet rapportait son arrêté le 9 janvier 1904.

Notons enfin que l’enterrement de Level procura à L’Action syndicale l’occasion de fulminer une fois de plus contre la « clique des baslycots », comme disait Broutchoux. Le Journal de Lens, dont Level était « le plus fort vendeur » passe sa mort sous silence « parce que [c’était] le journal de Basly. D’où cette apostrophe aux collègues du défunt vendant Le journal de Lens : l « Marchands de journaux, propagez-le, vous serez récompensés ! » (29 mars 1904)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article150279, notice LEVEL Louis par Bernard Grelle, version mise en ligne le 12 juillet 2016, dernière modification le 12 juillet 2016.

Par Bernard Grelle

SOURCE : Presse locale.

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