DEJARDIN Joseph. [Belgique]

Par Jean Puissant

Grivegnée (aujourd’hui commune de Liège, pr. et arr. de Liège), 21 mars 1873 − Beyne-Heusay (pr. et arr. Liège), 28 octobre 1932. Ouvrier mineur, militant syndical socialiste, secrétaire national de la Centrale nationale des mineurs, président de l’Internationale des mineurs, conseiller communal, échevin puis bourgmestre de Beyne-Heusay, député du Parti ouvrier belge de l’arrondissement de Liège, frère de Lucie Dejardin.

La brochure commémorative éditée à sa mort en 1932, comme la biographie de sa sœur Lucie (1952), apportent quelques éléments biographiques personnels sur Joseph Dejardin. Il est le deuxième fils – et le cinquième enfant ? – d’un ouvrier mineur, André Dejardin (1841 ?), et de Marie Rosette, hiercheuse, puis colporteuse. Ils sont à la tête d’une famille nombreuse avec onze enfants, dont seuls cinq atteignent l’âge adulte. Joseph Dejardin abandonne l’école à l’âge de dix ans et devient ouvrier mineur aux côtés de son père et de son frère aîné, Nicolas. Il exerce un moment le métier de maçon. C’est Nicolas qui aurait introduit un journal socialiste dans la maisonnée. Joseph Dejardin, entraîné par son frère et suivi par sa petite sœur, Lucie, aurait participé à la manifestation du 18 mars 1886 à Liège. Mais c’est « À l’âge de 16 ans, à l’instar de son ami et cadet, Arnold Boulanger, (qu’) il abandonne les jeux bruyants et les fêtes un peu querelleuses de la jeunesse ». Il vit désormais à Beyne-Heusay, commune voisine de celle de sa naissance, après Fléron. Fils, comme Arnold Boulanger, d’un ouvrier mineur qui s’adonne à la boisson, « il répudie l’alcoolisme » et cherche à se doter d’une meilleure instruction, en particulier par la lecture. « Il nous a souvent dit (qu’à cette époque) il ne savait plus lire et écrire. » (Joseph Leclercq, échevin de Beyne-Heusay et proche de Joseph Dejardin) « Il devient un lecteur infatigable, doté d’une mémoire prodigieuse ». Avec sa sœur, ils achètent brochures et livres de seconde main au marché de la Batte à Liège.

Joseph Dejardin commence à militer avec Arnold Boulanger, participe aux grèves de mineurs de 1890 à 1894, si bien qu’il est élu à ce moment au Comité régional des mineurs liégeois où il représente les mineurs beynois dont il est le secrétaire. Il participe activement à la campagne électorale législative de 1894. Il a vingt-et-un ans. Il est licencié et, « marqué », ne trouve plus de travail. Il devient porteur de journaux socialistes et s’implique plus encore dans le militantisme. Il devient propagandiste en 1898 (payé par la coopérative ?). Sa première intervention à un Congrès de la Commission syndicale (CS) du Parti ouvrier belge (POB) remonte à 1901.


Militant au POB

Élu conseiller communal à Beyne-Heusay en 1903, membre du Bureau de bienfaisance en 1905, Joseph Dejardin devient échevin de l’Instruction publique en 1908, puis bourgmestre faisant fonction en 1912. Il est également membre de la Commission administrative de l’Hôpital intercommunal de Fléron en 1911 et administrateur de La Presse socialiste. Sa conduite courageuse face à l’ennemi au début du mois d’août 1914 – il est pris en otage et défend ses administrés devant les officiers allemands – lui permet d’obtenir sa désignation officielle de bourgmestre le 14 septembre suivant. Il est le premier bourgmestre socialiste (si on ne tient pas compte de Florian Adam, bourgmestre de Familleureux) à être nommé, un des signes de l’intégration du parti « révolutionnaire » au sein de « la Nation et de l’État » au début du conflit. À ce titre, il est déporté par les Allemands de décembre 1916 à mars 1917, à la suite de la publication par la commune d’une affiche (traduction d’un texte des autorités allemandes) signée « Baron des vauriens ».

Joseph Dejardin est également conseiller provincial du canton de Fléron de 1904 à 1909. Il est député de l’arrondissement de Liège en remplacement de Paul Smeets* décédé, du 14 décembre 1909 à sa mort en 1932. En 1919, il est classé premier au poll de la Fédération liégeoise du parti, quatrième en 1921, deuxième en 1925 et premier à nouveau en 1932. À la Chambre, Dejardin est intervenu sur la question scolaire, le coût de la vie, dans divers débats sur les budgets, mais c’est surtout sur divers problèmes concernant les mineurs qu’il se révèle le plus actif : pensions de vieillesse, paiement des salaires, journée des huit heures, inspection des mines…


Le dirigeant syndical

C’est le syndicalisme auquel Joseph Dejardin consacre tous ses efforts. Il est le principal responsable de la section locale de Beyne-Heusay. Devenu membre du Comité national de la Fédération des mineurs en 1899, il devient président de la Fédération des mineurs liégeois en 1905. Il est en 1910, avec V. Yansenne*, un des principaux acteurs de la création de la Centrale régionale des mineurs, qui finit par englober la totalité des syndicats à la veille de la guerre. Il s’agit d’un syndicat à bases multiples (caisse de résistance, caisse de chômage, assistance juridique…) qui défend un programme très complet de réformes sociales et, en premier lieu, la nationalisation des mines. La conciliation est privilégiée et la grève doit être soumise à référendum.

Durant la Première Guerre mondiale, les syndicats liégeois décident de créer une « Fédération régionale ». Joseph Dejardin est membre de son bureau. Il est élu coprésident, avec Isi Delvigne*, par les représentants des deux principaux syndicats, des mineurs et des métallos en 1917. Il est nommé secrétaire national puis, en 1918, président de la Fédération nationale des mineurs de Belgique qui devient la Centrale des mineurs de Belgique en 1919. À ce titre, il est un des leaders de la représentation syndicale à la Commission nationale mixte des mines dès 1919 et donc de la négociation de la première convention collective.

Joseph Dejardin est institutionnellement et politiquement l’un des principaux responsables de la concertation qu’il défend bec et ongles jusqu’au conflit de l’été 1932. Il est donc violemment pris à partie par l’extrême gauche et souvent par les grévistes qui refusent la convention lorsqu’elle ne leur est pas favorable (baisse des salaires en relation avec l’évolution de l’indice des prix). Comme président national, il siège au Comité de la Fédération internationale des mineurs. Il accède à sa présidence peu avant sa mort en 1932, après en avoir été vice-président pendant plusieurs années et avoir exercé de fait la présidence. Il a donc une activité internationale non négligeable. Il participe également au Congrès international du travail en 1930 et en 1931.

Joseph Dejardin et sa famille ont toujours vécu dans une « maisonnette de mineur » dans la commune où il a travaillé, milité et exercé la fonction de bourgmestre de fait, puis de droit pendant vingt-cinq ans et jusqu’à son décès. Ses funérailles font l’objet d’une impressionnante manifestation nationale et internationale d’hommage à l’homme de conviction qui disparait en pleine activité. « Dejardin ne vivait que pour ses obligations à l’égard des fonctions qui lui avaient été confiées et spécialement de son organisation », souligne Achille Delattre dans ses Souvenirs en 1957 (p. 350) qui rappelle également la brindille verte qu’il mâchonnait le plus souvent à l’instar du passeur d’eau de Verhaeren qui « conservait, pour Dieu sait quand, le roseau vert entre les dents. » « Il fut, dans toute l’acception du mot, un autodidacte, car tout ce qu’il savait, il l’avait appris par lui même, à la grande école de la vie. » (J. Leclercq, échevin de Beyne-Heusay)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article150358, notice DEJARDIN Joseph. [Belgique] par Jean Puissant, version mise en ligne le 18 novembre 2013, dernière modification le 26 mars 2024.

Par Jean Puissant

ŒUVRE : Collaboration au Peuple, à La Wallonie, au Prolétaire et à L’Ouvrier mineur.

SOURCES : À la mémoire de Joseph Dejardin, député, président de la Centrale nationale des mineurs et de la Fédération internationale, (SLND-1932) − DETHIER N., Centrale syndicale des travailleurs des mines de Belgique, 60 années d’action : 1890-1950, La Louvière, 1950 − DELATTRE A., Souvenirs, Cuesmes, 1957 − DISPA, Y. La Fédération liégeoise du POB (1918-1940), mémoire de licence Université de Liège, Liège, 1982.

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