BARBÉ Raymond [version Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Un des responsables de la Section coloniale du PCF de 1945 à 1950 ; président du groupe communiste au Conseil de l’Union française (1947-1958) ; auteur d’articles sur les classes sociales en Algérie coloniale.

Né à Auch dans le Gers (France), passé par l’École normale d’instituteurs puis l’École normale supérieure de Saint Cloud pour être professeur d’École primaire supérieure, Raymond Barbé enseigne d’abord à Rouen en 1933. Il milite à la CGTU au cartel unitaire des fonctionnaires, et devient un des animateurs à partir de 1934 du mouvement pacifiste et antifasciste Amsterdam-Pleyel (du nom des lieux de congrès fondateurs) ; il entre au Bureau régional du Parti communiste. Plusieurs fois déplacé à cause de son militantisme, il est muté finalement dans l’Hérault et s’installe à Béziers ; en 1935, il épouse la fille du vétéran syndicaliste et socialiste Louis Peyrolles, militant de la CGTU et qui s’active encore au mouvement Amsterdam-Pleyel. R. Barbé entre au secrétariat politique régional du PCF. Il est l’administrateur du périodique Le Travailleur du Languedoc.

En juin 1940, la direction clandestine du PC l’envoie à Marseille pour aider à reconstituer la région communiste. Arrêté, plusieurs fois condamné, et évadé, fin septembre 1943 il prend place dans les FTPF de zone Sud. Commandant du bataillon La Marseillaise, il est grièvement blessé le 29 août 1944 lors de la libération de Lyon. Le Bureau politique du PCF l’appelle à Paris pour le faire entrer dans ce qui s’appelle encore en 1945 : la Commission politique qui met en place le secrétariat du Comité central. ; Raymond Barbé appartiendra formellement au Comité central de 1947 à 1950. Sous la direction d’André Marty*, il fait partie de la Section coloniale à partir d’août 1945 ; le secrétaire général est Paul Vergès, futur député et futur secrétaire général du parti communiste réunionnais et frère de Jacques Vergès*. Alors qu’Elie Mignot* est chargé de l’Afrique du Nord, R. Barbé est responsable de l’action communiste en Afrique noire sous colonisation française, marquée par la collaboration étroite entre le PCF et le parti africain, apparenté, du Rassemblement démocratique africain (RDA).

En fait, son rôle est bien plus important, car en 1947, désigné comme conseiller de l’Union française, il devient responsable du groupe des 24 conseillers communistes à cette Assemblée ; le groupe communiste au reste ne s’est pas prononcé favorablement sur le Statut de l’Algérie en 1947. R. Barbé est de toutes les batailles. Il intervient contre les massacres à Madagascar ; il est expulsé de la tribune en mars 1949 pour avoir réclamé avec insistance l’ouverture de négociations avec Ho Chi Minh ; il soutient les luttes en Afrique du Nord. C’est un bourreau de travail, réunissant la documentation et écrivant les rapports au siège de la Section coloniale, rue de Maubeuge, puis rue Saint-Georges dans le 9e arrondissement. Dur pour lui-même, il est exigeant pour les autres et exprime sa force de conviction par le rappel d’orthodoxie marxiste-léniniste qui tranche avec les bavardages fort fraternalistes d’Elie Mignot* et plus encore avec les longues considérations volontiers paternalistes et sans doctrine de Léon Feix* qui est le répondant pour l’Algérie. Alors que ceux-ci s’en tiennent à faire du domaine colonial français, un domaine réservé et voué à l’Union avec la France, pour R. Barbé, la cause du parti est celle du communisme de lutte de classes internationale dans la ligne soviétique.

R. Barbé est relevé de ses fonctions à la Section coloniale quand en octobre 1950, le planteur et patron de clientèle en Côte d’Ivoire, Houphouet Boigny entraîne la majorité duRDA à rompre avec le PCF. On comprend qu’en 1953, il intervienne à charge dans le procès interne fait par le PCF à André Marty qui depuis les années 1930, longtemps avec l’aval de Moscou, avait au Bureau politique la responsabilité des questions coloniales et n’en faisait souvent qu’à sa tête. R. Barbé est remplacé par Léon Feix* appelé d’Algérie, mais reste conseiller de l’Union française.

Paradoxalement c’est quand il n’appartient plus à la Section coloniale, qu’il reprend ses dossiers sur la colonisation de l’Algérie et se livre à une analyse de classes approfondie, abandonnée par le PCF depuis l’ouvrage publié et retiré en 1936, La Question algérienne de M.Loew et N.d’Orient (Nahum List/Nahman Litvinsky*). R. Barbé a été mis au placard en étant placé à Commission économique ; il peut toutefois faire paraître ses articles dans la revue de cette section, Economie et politique qui a le tonus d’une publication nouvellement lancée avant d’être à son tour ramenée au conformisme d’illustration de la thèse du « capitalisme français monopoliste d’État ».
Il publie ainsi en 1955 : « Vérités sur l’Algérie » et « La question de la terre en Algérie », et en 1957 « Quelques données économiques sur la crise du système colonial français ». Surtout alors que disparaît la conception melting pot de la nation en formation selon Maurice Thorez, il souligne la disparité fondamentale entre société coloniale et société colonisée qui supporte « le fait national algérien » dans deux articles à la suite (septembre et octobre 1959) intitulés « Les classes sociales en 1Algérie ».

Bien qu’attaché au Parti qui le fait encore monter au créneau pour des élections locales à Paris, dans sa fidélité têtue au communisme soviétique, il démissionne du PCF en 1968 pour protester contre la réprobation à l’adresse de l’URSS à la suite de l’intervention militaire en Tchécoslovaquie. Raymond Barbé s’est retiré à Auch, retrouvant sa ville natale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article150451, notice BARBÉ Raymond [version Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 22 novembre 2013, dernière modification le 8 septembre 2020.

Par René Gallissot

SOURCES : Notice par J. Sagnes dans DBMOF, op cit., t. 18. — Témoignagesur la Section coloniale de G. Donnat, Afin que nul n’oublie. L’itinéraire d’un anticolonialiste. L’Harmattan, Paris 1956. — Compléments sur archives de l’IC par C. Pennetier dans Cederom 1 Dictionnaire Maitron du mouvement ouvrier français. — Notice de la nouvelle série Maitron, DBMOMS, t.1, Paris, 2006 et Maitron-en-ligne, par Jean Sagne et Claude Penentier.

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