ROUX Eugène

Par Virginie Daudin, Michel Thébault

Né le 8 septembre 1914 à Villabon (Cher), fusillé après condamnation à mort le 19 juin 1943 sur le champ de tir de Biard près de Poitiers (Vienne) ; ouvrier à la Manufacture nationale d’armes de Châtellerault (Vienne) ; militant communiste ; résistant FTPF.

Eugène Roux était le dernier enfant de Jean Baptiste Roux âgé de 50 ans (né le 1er mai 1864), scieur de long et de Louise Belleville âgée de 47 ans (née le 10 août 1867), domiciliés au bourg de Villabon. Les recensements successifs de 1921 à 1931 indiquent qu’il passa son enfance et sa jeunesse à Villabon où il est indiqué écolier en 1926 (il a alors 12 ans) puis employé d’usine en 1931, à 17 ans. Son inscription sur la plaque commémorative 45 rue Théophile Lamy, de la section du PCF de Bourges (Cher) semble indiquer qu’il partit travailler à Bourges en usine dans les années 30 et qu’il y adhéra au Parti communiste. Au début des années 40 Eugène Roux était ouvrier à la Manufacture nationale d’armes de Châtellerault.
Il s’engagea dans la Résistance rejoignant les FTPF de Châtellerault. Dans le dossier d’homologation des formations FFI au SHD Vincennes (op. cit.) Eugène Roux apparaît dans la liste des membres du groupe FTPF de Châtellerault entre octobre 1940 et décembre 1942 comme sous-chef du 1er groupe, secteur Sud.

Placée sous une double direction franco-allemande et contrainte de produire pour la machine de guerre allemande, la Manufacture nationale d’armes de Châtellerault abrita le premier embryon de Résistance châtelleraudaise. C’est une minorité, au maximum quarante employés, surtout des jeunes communistes et sympathisants, dont quelques femmes, qui s’engagea contre l’occupant à l’automne 1940. Si l’information clandestine constitua leur activité première, ils effectuèrent aussi des sabotages, des collectes de fonds pour les familles d’internés, sans oublier les actes de résistance passive à portée d’un nombre plus important d’ouvriers. La grande manifestation du 26 novembre 1942 est un exemple significatif : face aux réquisitions de main-d’œuvre toujours plus pressantes pour aller travailler en Allemagne, la fronde monta à la « Manu ». Eugène Roux, un des meneurs de la grève avec Fernand Marit et Jean Chiquet, mobilisa les ouvriers de l’atelier 39. Marcel Fillaud, ouvrier spécialisé, affirme : « L’atelier 39, le plus important, fabriquait la plaque d’aluminium et le joint de culasse. Depuis ma sortie de l’école d’apprentissage, j’avais toujours travaillé à l’atelier réglage, chargé de mettre en route la chaîne de fabrication... Au moment des événements du 26 novembre 1942, je travaillais en équipe avec Eugène Roux, un très bon camarade. » Ce 26 novembre 1942, 80 % des ouvriers de la Manu débrayèrent. Réunis à l’extérieur, ils entonnèrent « La Marseillaise ». Éliane Devergne, usineuse à la plaque à l’atelier 39, se souvient : « Profitant de la cohue à l’affichage des listes, l’un d’entre nous coupe le courant. C’est le signal. Dans chaque travée, un ou deux camarades entraînent les ouvriers vers la sortie. [...] C’est formidable. [...] Nous sommes près de 2 500 dans la cour [...] De toutes les poitrines une vibrante ``Marseillaise’’ résonne. Nous sommes devant les bureaux de la direction française et allemande. On nous y attend armé et menaçant. [...] Nous parlementons. [...] Nous donnons l’ordre de dispersion [...]. La liste suivante de requis fut réduite de trente noms. »
Les sources divergent sur les circonstances de l’arrestation d’Eugène Roux. Certaines affirment qu’il fut arrêté le 18 décembre 1942 avec treize autres personnes suite à la grève du 26 novembre 1942, d’autres le mentionnent comme arrêté à Poitiers le 17 juin 1943 avec Pierre Tavernier, Robert Gaillard et Roger Aubugeau au cours d’une mission pour récupérer des tracts. Il fut interné à la prison de la Pierre-Levée, à Poitiers.
Condamné à mort par le tribunal militaire allemand de Poitiers (FK 677) le 16 juin 1943, il a été fusillé sur le champ de tir de Biard le 19 juin 1943 avec quatre autres camarades, Pierre Tavernier, Jean Chiquet, Robert Gaillard et Roger Aubugeau. Fait exceptionnel, les autorités d’occupation diffusèrent dans la presse locale l’avis d’exécution de ces hommes.
Son corps, avec celui de ses sept camarades de la Manu fusillés sur le champ de tir de Biard, fut rapatrié dans le carré des fusillés dans le cimetière de Châteauneuf à Châtellerault par la section du Parti communiste le 10 novembre 1944. Le 30 novembre 1944 furent célébrées des funérailles officielles.

Il obtint la mention mort pour la France par décision du 20 juillet 1945. Son nom est inscrit sur le monument érigé à la mémoire des 128 fusillés sur le champ de tir de Biard, inauguré le 8 mai 1949, et sur le monument des martyrs de la Résistance à Châtellerault. Il figure également sur la plaque commémorative 45 rue Théophile Lamy, de la section du PCF de Bourges (Cher) sous l’inscription "Honneur à nos morts tombés pour que vive la France" .

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article150634, notice ROUX Eugène par Virginie Daudin, Michel Thébault, version mise en ligne le 28 novembre 2013, dernière modification le 24 novembre 2021.

Par Virginie Daudin, Michel Thébault

SOURCES : SHD AVCC, Caen. – Arch. Dép. Vienne, 1921 W 4 et Arch. Dép. Cher (état civil, recensements) — Mémoire des hommes, dossiers d’homologation des formations FFI, groupe FTPF Châtellerault GR 19 P 86/44 — Marie-Claude Albert, Châtellerault sous l’Occupation, La Crèche, Geste Éd., 2005. — Au nom de la Résistance, hommage aux 128 fusillés, coll. Centre régional « Résistance & Liberté » et MIMC Office national des anciens combattants Vienne, Poitiers, 2013. — Mémoire des Hommes — Mémorial genweb.

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