GARRIVET Henri [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Instituteur ; secrétaire de la section SFIO de Guelma, adjoint au maire, président du comité de La France combattante animant la milice municipale et s’illustrant au Tribunal de Salut public multipliant arrestations et exécutions lors des « massacres de Guelma » en mai 1945 ; élu et réélu maire de Guelma et conseiller général de 1945 à 1958 ; secrétaire adjoint de la Fédération SFIO de Bône en 1958, expulsé momentanément en France en juillet 1958.

Jeune instituteur, avant la Deuxième Guerre mondiale, H. Garrivet adhère au PCA. Mobilisé en Algérie, après le débarquement allié de novembre 1942, il prend place en se réengageant, tout en restant en Algérie, dans l’armée française d’Afrique du Nord passant au titre de la France libre au service des troupes alliées poursuivant leurs campagnes en Tunisie et en Europe.

Démobilisé en mars 1945, il devient, à Guelma, secrétaire de la section socialiste SFIO et président de La France combattante. Dans ce mouvement, les gaullistes sont très minoritaires. Les socialistes, avec leur leader l’instituteur Garrivet, et les communistes en second mais s’appuyant sur la CGT entrainée par les frères Cheylan*, rivalisent à la direction du comité de Guelma et pour former des milices patriotiques locales. Les socialistes ont également les faveurs du sous-préfet arrivant en mars 1945, André Achiary* qui se réclame de la SFIO, nommé par le Gouverneur général Chataigneau, lui aussi membre de la SFIO.

Le nouveau sous-préfet a le choix des « volontaires de place » pour constituer une « garde territoriale » faisant appel à des « auxiliaires indigènes », sous la hantise du « complot nationaliste » préparé par le PPA. Après la répression des manifestations du 8 mai 1945, le 9 mai au soir en pleine place de la ville, le candidat des Amis du Manifeste de la Liberté (AML) aux élections cantonales, Marcel Roggui, est assassiné. Doublant l’adjoint au maire qui est radical socialiste, Henri Garrivet, qui est aussi adjoint, se trouve à la tête d’une milice de 280 hommes recevant des armes (dont seize au titre de la SFIO, trente-cinq de la CGT, six du PCA et quarante-trois gauches républicains).

Le sous-préfet André Achiary* conduit lui-même la répression de la « semaine sanglante de Guelma » du 12 au 19 mai 1945. 2 500 « Musulmans » sont arrêtés par la milice municipale, enfermés dans les « cachots de la mort » dessous la mairie, torturés fréquemment, et adressés à un « Tribunal de salut public » institué par le sous préfet et où siège Henri Garrivet. Le 18 mai au soir, on comptait 530 exécutions perpétrées. Le 20 mai, à la demande du ministre de l’intérieur Adrien Tixier (membre de la SFIO), le sous-préfet fait déposer les armes ; il fait transporter les nombreux cadavres d’autres victimes, laissés à découvert, pour être incinérés dans les fours à chaux de la ferme Lavie à Héliopolis.

Henri Garrivet est élu conseiller général ; en juin, la section SFIO de Guelma vote à l’unanimité une motion de confiance pour son action au Tribunal de salut public ; en août 1945 il est élu maire de Guelma.
Après la démission du général de Gaulle en janvier 1946, André Achiary* s’emploie à ce qu’aucun « Européen » ne soit inculpé ; les juges prononcent des non-lieux car les victimes ne sont pas des morts assassinés, mais des « disparus ». Avec le concours du maire Henri Garrivet, le sous-préfet veille à ce que les plaintes, notamment de la famille Reggui, soient écartées, en accordant faveurs et subventions à l’auxiliaire de police, traducteur au Tribunal d’exception, Abdelkrim Faci, pour obtenir son silence. En 1951, le préfet de Constantine, Mauriceé Papon, approuve le maire Henri Garrivet qui fait reconduire les subsides à Abdelkrim Faci. Henri Garrivet est intervenu à Paris auprès de la direction de la SFIO, et à Alger auprès du nouveau Gouverneur général Léonard, pour procurer des bourses scolaires aux enfants d’A. Faci et lui renouveler sa licence de café maure. « Faci n’avait tué personne lui-même ; il était l’interprète et l’indicateur ».

Réélu maire et conseiller général, Henri Garrivet devient, en 1958, secrétaire adjoint de la Fédération SFIO de Bône (Annaba). Pour avoir, lors de la Conférence d’information de la SFIO de juillet 1958, défendu la politique du général de Gaulle, à la manière de Joseph Begarra, porte-parole des socialistes d’Algérie, il est rembarqué de force dans l’avion de Paris, par intervention des plus ultras au Comité de salut public formé en mai 1958 et dominé par des militaires français. Il fait encore des allers et retours entre Paris et Guelma. La mairie fait place à une Délégation spéciale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article150937, notice GARRIVET Henri [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 9 décembre 2013, dernière modification le 9 décembre 2013.

Par René Gallissot

SOURCES : Notes des Renseignements généraux (Préfecture de Constantine), Arch. de la France d’Outre-mer, Aix-en-Provence, 81 F 753, 866, 867. — Arch. Nat. de France, F 1a 3210 et 3284. — Arch. Nat. de France, Centre des archives contemporaines, Fontainebleau, dossier Achiary 1979846. — Arch. de l’Ours note de Parpais à Guy Mollet, 4 juin 1953, citée par Gilles Morin dans notice H. Garrivet par J. Girault et G. Morin, DBMOMS, op.cit., tome 5, 2000. — M. Reggui, Les massacres de Guelma. Algérie, mai 1945 : une enquête inédite sur la furie des milices coloniales, Préface de Jean-Pierre Peyroulou, La Découverte, Paris, 2006. — J.-L. Planche, Sétif 1945. Histoire d’un massacre annoncé, Perrin, Paris, 2006. — J.-P. Peyroulou, Guelma 8 mai 1945 : une subversion européenne dans le département de Constantine Algérie française , École des Hautes Études en Science sociales, Paris, septembre 2007.

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