POUPON Thérèse [née MATTER Thérèse, Marie, Rosalie]

Par Jocelyne George

Née le 8 février 1939 à Paris (XVe arr.) ; laborantine ; féministe, catholique, militante associative de 1953 à 1966, syndicaliste CGT à partir de 1966, militante communiste à partir de 1970, membre de la commission exécutive de la CGT de 1969 à 1992, membre du bureau confédéral de la CGT de 1982 à 1989, membre du bureau de l’Union confédérale des retraités de 1989 à 1995, membre du conseil économique et social de 1974 à 1984 et de son bureau de1989 à 1993.

Thérèse Poupon
Thérèse Poupon
Secrétaire de l’Union départementale CGT de l’Allier

Symphorien Matter, le père de Thérèse né le 23 août 1904 dans un petit village près de Strasbourg , travailla à l’hôpital de cette ville. À la fin des années vingt, il gagna Paris où il devint le valet de chambre du directeur d’un lycée privé dans le XVIe arrondissement ; là il rencontra sa femme, Julie Laurent, âgée de dix-huit ans, originaire de Lozère, occupée à la cuisine. Ils se marièrent en 1932 et eurent un fils en 1934, une fille Thérèse en 1939, une autre fille née en 1940 en Lozère et, en 1955 un autre garçon né à Annonay (Ardèche)

Dès l’été 1939 Symphorien Matter mit sa famille à l’abri en Lozère chez ses beaux-parents. Lorsque la guerre éclata il fut fait prisonnier mais s’évada ; fin 1940 il trouva du travail à Annonay dans une tannerie. Lorsque la zone libre fut occupée il rejoignit les maquis de l’Ardèche. Julie resta seule avec ses trois enfants et fit des lessives pour gagner sa vie.

En 1941, Thérèse Matter alla à l’école enfantine, que l’on appelait encore asile, et apprit à lire dès l’âge de quatre ans. En 1944, elle tomba gravement malade et après trois mois d’hospitalisation, passa un an dans un préventorium. En 1947, le père étant au chômage, les enfants contribuèrent à la survie de la famille, en effectuant, en dehors des heures scolaires et pendant les vacances, différents travaux : travail à domicile pour une entreprise textile, garde d’enfant, vendanges... Thérèse réussissait très bien à l’école. En 1953, à quatorze ans, à la fin du cours complémentaire, son BEPC en poche, elle se prépara à travailler à l’usine mais la directrice de l’école voulut qu’elle continue ses études et convainquit une famille bourgeoise catholique de prendre en charge sa scolarité pour l’Institution Notre-Dame, école des jeunes filles de la bourgeoisie d’Annonay. Ce fut une immersion dans un monde qui lui était totalement étranger. À la même époque, elle adhéra à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et fit le serment à ses camarades de rester fidèle à la classe ouvrière. Elle était monitrice du patronage « Ames Vaillantes » et lisait Témoignage Chrétien que lui passait le vicaire de la paroisse et l’Humanité Dimanche qu’achetait régulièrement son père. Elle obtint ses baccalauréats en 1955 et 1956, s’inscrivit à la faculté catholique des sciences de Lyon car elle aurait aimé faire de la recherche scientifique. Elle militait alors à la fois à la Jeunesse étudiante chrétienne et à la JOC.

À la faculté, elle rencontra Jacques Poupon qui devient son mari. En 1957 avec d’autres étudiants d’origine ouvrière, favorables à la paix en Algérie, ils créèrent l’UNEF dans la faculté catholique.

Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur chimiste en 1958, Jacques Poupon partit au service militaire et suivit l’école des officiers ; Thérèse Poupon interrompit ses études à la même époque et trouva une place de laborantine aux Hospices Civils de Lyon. Ils se marièrent en février 1960, Jacques Poupon partit en Algérie le mois suivant. Le père de Thérèse mourut quelques jours après et elle se retrouva en charge de sa mère et de son petit frère qui n’avait que 5 ans. En août 1960, Thérèse Pouponrejoignit son mari en Algérie.

En janvier 1961, au retour d’Algérie Jacques Poupon fut embauché par l’entreprise Saint-Gobain et nommé à Montluçon (Allier) en juin.. Cette période de leur vie fut celle d’une grande activité associative et celle des grandes amitiés. Thérèse Poupon créa localement l’association nationale d’entraide féminine pour accueillir bénévolement de jeunes mineures délinquantes, et leur chercher du travail . elle créa aussi l’Union féminine civique et sociale ; c’est à ce titre qu’elle rencontra la CGT lorsque celle-ci organisa en 1965 sa grande campagne pour le Temps de Vivre. Dans le cadre de la Mission de France , des amitiés se nouèrent, en particulier avec un ouvrier de l’usine où travaillait Jacques. Il y avait trois Jacques dans le groupe, l’un était à la CFTC, son mari, l’autre à la CGT, le troisième était le trésorier de l’Union départementale FO.

Thérèse Poupon voulait travailler pour pouvoir se syndiquer ; en 1966 l’usine de confection pour hommes Mavest qui s’installait à Montluçon faisait passer des essais, elle fut embauchée comme mécanicienne et devait coudre 240 boutons à l’heure. Lorsqu’elle alla à l’Union départementale CGT en septembre pour demander sa carte, le secrétaire André Périnaud* lui demanda de créer le syndicat ; en janvier elle avait réuni soixante adhésions. En octobre1967, elle fut élue au secrétariat de l’UD plus spécialement chargée de la main d’œuvre féminine. En 1968 l’entreprise décida de licencier, Thérèse Poupon organisa la résistance. Une entrevue eut lieu avec Jacques Chirac alors secrétaire d’État à l’emploi dans le ministère Jeanneney. La manifestation organisée en mars 1968 dans les rues de la ville, Thérèse Poupon en tête, fut plus forte que ce que pouvait supporter la direction de Pechiney Saint-Gobain, devenu Rhône- Progil qui convoqua Jacques Poupon et le somma de choisir entre la mutation et le divorce. Jacques choisit la mutation et dès le mois de juin 1969, il se retrouvait à Ribécourt dans l’Oise où Thérèse le rejoignit en octobre. Après son licenciement en avril 1968, elle devint permanente à l’UD où elle veilla plus particulièrement à la montée de cadres féminins et à la diffusion d’ Antoinette, le magazine féminin de la CGT. Lors du 37e congrès de la CGT, en novembre 1969, Thérèse fut élue à la commission exécutive confédérale . Depuis 1967 elle faisait partie du collectif confédéral féminin.

Près de Compiègne se trouvait le laboratoire Diamant, faute d’emploi de laborantine, Thérèse prit un contrat à durée déterminée d’ouvrière conditionneuse avec des cadences qu’elle avait des difficultés à tenir. Malgré cela, son contrat terminé, la direction du laboratoire lui proposa de le reconduire, en attendant un poste de laborantine . C’est alors qu’André Allamy✶ ancien secrétaire de l’UD dans l’Allier, lui proposa d’être responsable des femmes à l’UD de l’Oise. Le Premier mai 1970 Thérèse décida d’adhérer au Parti communiste avec son mari. De 1970 à 1973 elle milita dans l’Oise. La classe ouvrière y était très différente de celle de l’Allier, formée de paysans ouvriers dépourvus de traditions, plus près de la révolte que de l’action organisée.

En mars 1973, Christiane Gilles, secrétaire confédérale chargée du secteur féminin lui demanda de devenir permanente à la confédération pour seconder Simone Bouillot, ✶ elle aussi originaire de l’Allier. Thérèse avait quatre heures de trajet par jour, elle rentrait tard, Jacques qui était également conseiller municipal de Ribécourt, s’occupait des quatre enfants qu’ils adoptèrent entre 1972 et 1977 dont un enfant de sept ans autiste.

La décennie 1970 fut une période d’affirmation des femmes de la CGT. À l’occasion de l’année internationale des femmes en 1975 un travail en profondeur fut mené sur tous les thèmes concernant les femmes salariées. Une enquête sociologique conduite par la CGT sur la condition des femmes travailleuses donna lieu en 1976 à une importante publication Femmes à l‘usine et au bureau. Thérèse Poupon s’impliqua dans la préparation de la sixième conférence nationale des femmes en mai 1977 , choisissant les interventions pour le livre qui en rendit compte et surtout rédigeant la brochure qui reflétait la conférence d’où fut issu le document adopté par la commission exécutive du 3 novembre 1977 sous le titre : La CGT et les femmes salariées. On sait que la crise politique qui suivit la rupture de l’union de la gauche affecta particulièrement la direction du secteur féminin et ce document resta lettre morte.

En 1978, le secrétaire du bureau confédéral CGT Henri Krasucki lui demanda de prendre la direction du secteur social. Ce fut un nouvel apprentissage avec de nouvelles batailles : contre l’amiante, avec les ouvrières d’Amisol à Clermont-Ferrand, contre l’autorisation du dépassement d’honoraires par les médecins en 1981, pour les élections à la Sécurité sociale en 1982 qui furent les dernières ; des rencontres eurent lieu avec les organisations de médecins sur les problèmes de santé, contre les projets de loi directement inspirés par le patronat des assurances pour mettre en pièce la Sécurité Sociale. Thérèse se souvient de l’arrogance du ministre Pierre Bérégovoy qui ne voulait pas recevoir les dirigeantes femmes de la CGT ne voulant n’avoir affaire qu’aux secrétaires généraux.

En 1982 Thérèse Poupon fut élue au bureau confédéral. En mai 1987, malgré l’opposition d’une partie du bureau mais avec le soutien sans faille d’Henri Krasucki elle organisa avec son équipe l’une des plus importantes manifestations de l’après-guerre pour sauver la Sécurité Sociale, qui réunit plusieurs centaines de milliers, de personnes. Elle quitta le bureau confédéral en 1989 pour des raisons de santé. Une sclérose en plaques s’était déclarée en 1981 qu’une intervention préconisée par le neurochirurgien José Aboulker permit de stopper.

Thérèse Poupon représenta la CGT au Conseil économique et social de 1974 à 1984 et fit partie du bureau de cet organisme de 1989 à 1993. En 1992, elle fut l’auteure du rapport sur « le potentiel productif des personnes handicapées » ; à cette date elle reçut la médaille de l’Ordre National du Mérite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151086, notice POUPON Thérèse [née MATTER Thérèse, Marie, Rosalie] par Jocelyne George, version mise en ligne le 12 décembre 2013, dernière modification le 26 avril 2015.

Par Jocelyne George

Thérèse Poupon
Thérèse Poupon
Secrétaire de l’Union départementale CGT de l’Allier
Responsable femme de la CGT
Responsable femme de la CGT
Thérèse Poupon visitant une usine
Thérèse Poupon visitant une usine
Thérèse Poupon, 1er rang, 3e à partir de la droite
Thérèse Poupon, 1er rang, 3e à partir de la droite

SOURCES : Témoignage de l’intéressée. — Antoinette avril 1969. — Jocelyne George, Les féministes de la CGT. Histoire du magazine Antoinette, édition Delga, 2011.

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