GIBON Albert, Charles

Par Daniel Grason

Né le 12 mars 1916 à Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis), mort le 7 avril 1995 à Salouël (Somme) ; ouvrier boulanger ; militant communiste ; résistant déporté.

Fils de Constant, employé de chemin de fer et d’Antoinette, née Jeannin, sans profession, Albert Gibon demeurait 7 passage Robespierre dans sa ville natale. Il épousa Yvonne Omnès le 29 juillet 1939 en mairie de Montesson (Seine-et-Oise, Yvelines). Communiste, il poursuivit son activité militante pendant la guerre, en mai 1941, il fut chargé du dépôt des imprimés du secteur de Saint-Denis.
Des inspecteurs de la Brigade spéciale d’intervention (BSi) du commissariat de police de la localité l’interpellèrent dans la localité le 26 août 1941 Place de la République. Il était porteur d’une serviette de cuir contenant des tracts du parti communiste clandestin et d’une édition de l’Avant-Garde, ainsi que des papillons. Le matériel devait être distribué aux ouvriers à la sortie de l’usine Alsthom tout près de la Place de la République. Lors de la perquisition effectuée à son domicile, des stencils et des carnets d’adresses étaient saisis. Albert Gibon fut terriblement battu par des policiers, le lendemain, cinq autres militants étaient arrêtés : Louis Duguet, André Collin, Lucien Germa, Louis L. et Louis Proudhon.
Inculpé d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, il comparut le 21 novembre devant la section spéciale de la Cour d’appel de Paris, fut condamné à sept ans de travaux forcés. Il purgea sa peine dans différentes prisons : Fresnes, Caen, à Fontevrault le 16 juillet 1942, puis à Blois le 17 septembre 1943.
Transféré au Fronstalag 122 à Compiègne, le 22 mars 1944 il était dans un convoi à destination de Mauthausen (Autriche) qui comprenait mille deux cent dix-huit hommes, six cents quarante d’entre eux moururent. Albert Gibon matricule 595985 fut envoyé à la prison de Linz. Les troupes américaines libérèrent le camp de Mauthausen et Linz le 5 mai 1945.
Le 15 février 1951, la Fédération nationale des déportés et internés patriotes (FNDIRP) appela avec l’appui du parti communiste à manifester à Paris contre la venue de généraux allemands et le réarmement de l’Allemagne de l’Ouest. Les déportés étaient appelés à défiler en tenue rayée, avec leurs décorations, l’Humanité qualifia cette initiative de « Journée patriotique ». Selon la préfecture de police, il y eut quatre cent cinquante arrestations dont vingt-sept déportés, Albert Gibon était du nombre.
Le 24 mai 1957, l’un des policiers Ernest H. alias Robert Harding comparut devant le tribunal des Forces Armées de Paris à la caserne de Reuilly pour « intelligence avec l’ennemi ». Il apparut que le commissariat de Saint-Ouen comptait une dizaine de policiers dans sa BSi, les Renseignements généraux transmettaient les noms des militants à surveiller puis à arrêter. Celui qui se faisait appeler Robert Harding était en liaison avec la police allemande, fut révoqué de la police le 3 mars 1942 pour « absence irrégulière » et devint commerçant. Le président du tribunal reprocha au policier son « zèle […] à l’époque où la Russie était devenue l’alliée de l’Angleterre, puis des États-Unis et où les communistes en France luttaient contre l’Allemagne dans les organisations de la Résistance ».
Albert Gibon témoigna que « descendu à la cave et frappé à coups de nerfs de bœuf et de queue de billard ». Ernest H. l’avait fait se dévêtir, un policier revêtu de ses habits s’était rendu à la station de métro Liège où il avait un rendez-vous avec Lucien Germa et Louis Proudhon. Ils furent arrêtés et déportés. Le Commissaire du Gouvernement estima qu’il existait un « doute […] sur cette affaire », il demanda une peine de principe. L’avocat de la défense jeta notamment le doute sur les témoignages à charge qualifiés de « mensonges et de faux témoignages », plaida pour une « sanction de principe ».
Le tribunal condamna Ernest H. alias Robert Harding à quatre ans d’emprisonnement assortie de l’amnistie, une peine dérisoire. Or, il était responsable de l’arrestation d’Eugène Lumeau, Henri Debray, Alphonse Jouis et Étienne Duban qui furent fusillés et de la déportation de quatorze communistes dont neuf ne revinrent pas. Albert Gibon a été homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF).
Albert Gibon habita Sartrouville (Seine-et-Oise, Yvelines), divorça, se remaria avec Jeanne Damelincourt le 12 mai 1962 en mairie du Vésinet. Il mourut le 7 avril 1995 à Salouël dans la Somme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151121, notice GIBON Albert, Charles par Daniel Grason, version mise en ligne le 15 décembre 2013, dernière modification le 12 janvier 2020.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. BA 1928, BA 2056, BA 2057, PCF carton 11 rapports hebdomadaires des Renseignements généraux sur l’activité communiste, 77W 1731. – Arch. Mun. Saint-Ouen. – Bureau Résistance GR 16 P 254617. – Roger Poitevin, Abbaye-Bagne de Fontevraud, 1940-1944, AFMD Maine-et-Loire, 2009. – Yves Santamaria, Le Parti de l’ennemi ? Le PCF dans la lutte pour la paix (1947-1958), A. Colin, 2006. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – État civil, Saint-Ouen.

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