HEM DAY [DIEU Marcel dit]

Par Xavier Bekaert révisé par Marianne Enckell

Né le 30 mai 1902 à Houdeng-Goegnies (Hainaut, Belgique), mort le 14 août 1969 à Bruxelles ; militant, bibliographe, éditeur anarchiste et pacifiste.

Le premier acte contestataire de Marcel Dieu fut de se proclamer végétarien alors que son père était boucher. Cet esprit de contestation ne devait plus le quitter jusqu’à son dernier moment. Vinrent la Grande Guerre et l’occupation allemande de 1914-1918. Le jeune Marcel comprit bien vite l’inutilité, la bêtise et l’atrocité des guerres, ce qui le conduisit à un antimilitarisme actif qui, très vite, se mua en anarchisme. Ayant répudié la religion et refusant de croire en Dieu, il était fort embêté de se présenter sous son nom. Voilà pourquoi il prit un pseudonyme, les initiales MD, qu’il écrivit Hem Day.

Le mouvement anarchiste belge fut particulièrement actif durant les années vingt ; outre une situation sociale explosive, la tragique affaire Sacco et Vanzetti mobilisait l’activité des libertaires. En 1927, sous l’impulsion d’Hem Day, le Comité de Défense Internationale Anarchiste (CIDA) rédigea une pétition en faveur des condamnés ; elle recueillit des milliers de signatures et une manifestation de masse fut organisée. Peu après Hem Day entreprenait une nouvelle campagne, cette fois en faveur d’Ascaso, Durruti et Jover, réfugiés en Belgique, menacés d’extradition, ce qui les eût livrés aux bourreaux de Primo de Rivera.

C’est principalement à partir de 1928 que Hem Day commença sa lutte pacifiste radicale en prônant la résistance à la guerre et le refus d’obéissance. En 1933, le ministre de la Défense Nationale déposa un projet de loi interdisant toute propagande pacifiste et toute diffusion d’idées antimilitaristes. Sans attendre, Hem Day renvoya son livret militaire en compagnie de son ami Léo Campion, secrétaire de la section belge des Résistants à la Guerre. La réponse ne tarda guère, un mois après, par mesure de discipline, les deux hommes devaient rejoindre leur unité. Ils refusèrent et furent arrêtés quelques jours plus tard.

Le jour du procès, la foule s’écrasait dans l’enceinte du tribunal et les journalistes accourus de partout éprouvèrent grand-peine à trouver place. Personne n’attendait une condamnation, mais seulement une joute oratoire, les notes relatives au service militaire des prévenus étaient bonnes ; tout ce que l’on pouvait leur reprocher était d’avoir refusé de répondre à un rappel imposé à titre de sanction. Hem Day y déclara entre autres : « Ce n’est pas en accusé, Messieurs, mais en accusateur que je me présente devant vous. En accusateur du gouvernement qui inscrit dans sa constitution le Pacte Briand-Kellog et qui renie sa signature […] Nés dans un même pays, parlant la même langue, nous ne nous comprenons pas […] Vous êtes des guerriers, je suis pacifiste. Nous sommes tous pacifistes, direz-vous. Mais la différence entre mon pacifisme et le vôtre, c’est que moi je suis en prison et vous sur ces sièges, pour me juger. »

Le Conseil de Guerre condamna Dieu à deux ans de prison et Campion à dix-huit mois. Le casier judiciaire de Campion était en effet vierge de condamnations, alors que Hem Day en comptait plusieurs : avoir publié une affiche sans nom d’éditeur, avoir giflé un agent de police, outragé des gendarmes et refusé de satisfaire à ses devoirs d’électeur.

Une fois leur peine terminée, les condamnés allaient être rappelés et, refusant à nouveau de se soumettre à cette injonction, seraient à nouveau condamnés. De nouvelles protestations s’élevèrent et le recours contre le jugement obtint une réduction des emprisonnements. Les condamnés firent alors la grève de la faim. L’opinion publique, craignant que la plaisanterie ne tournât au tragique, exigea une libération immédiate. La pression exercée fut si forte que le sort du gouvernement s’en trouva menacé. Ils furent finalement renvoyés de l’armée car indignes de figurer plus longtemps dans ses rangs. Cette affaire conduisit également à l’abandon du projet ministériel.

Hem Day, quoique refusant de participer à toute guerre entre nations ne rejetait alors pas la guerre civile révolutionnaire sur le plan du principe. Il partit en 1937 pour l’Espagne afin de participer à la révolution sociale. Il ne tarda pas à constater que du fait de l’intervention étrangère la guerre civile dégénérait en une véritable guerre internationale avec toutes ses conséquences atroces. Il opta dès lors pour la non-violence. Lors d’une conférence contre le militarisme en 1937, il déclara : « Entreprendre une révolution […] au moyen de la violence extrême, apparaît aujourd’hui comme affreusement absurde. Tout autant que la guerre. La dépendance entre les États […] ainsi que la monstrueuse efficacité des instruments de destruction, rendent catastrophique le recours à la violence extrême collective. […] Il nous semble donc nécessaire, non tant point de la condamner, mais d’en montrer les risques trop gros, la folie, et de conseiller une autre méthode de lutte pour supprimer le capitalisme ou abattre le fascisme. »

À son retour d’Espagne, Hem Day fit des conférences contre le danger du nazisme, ce qui lui valut d’être expulsé de France. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il donna asile à grand nombre de réfractaires.

Hem Day s’était fait dès 1927 écrivain et éditeur. Il publia d’abord des périodiques éphémères, Rebelle, Droit d’asile, Ce qu’il faut dire. Journal à parution irrégulière au moment de la guerre d’Espagne, Pensée et Action devint une revue qui reparut clandestinement après la guerre puisque l’occupation nazie avait supprimé la liberté de la presse. Après la Libération, il fallait demander des autorisations en règle pour avoir du papier et le droit d’imprimer toute revue. Mais Hem Day se passa de toutes les autorisations, il publia sa revue et personne n’osa l’inquiéter. La revue se transforma, ensuite, en Cahiers : une trentaine de volumes consacrés pour la plupart à des bio-bibliographies d’écrivains libertaires, d’Erasme et Rabelais à Hem Day lui-même.

Si la revue fut sa tribune, sa librairie, Aux Joies de l’Esprit, fut son bureau, un lieu ouvert à tous dans une semi-clandestinité, dans une résistance organisée bien avant que les militaires n’inventent la leur. Dans sa boutique se rencontraient des compagnons de tous les pays du monde : antifascistes italiens des années 30, exilés espagnols, déserteurs français et allemands fuyant les prisons militaires en 1939, Juifs et Allemands antinazis au plus fort de la répression, ainsi que, plus tard, des insoumis des guerres d’Indochine et d’Algérie. La librairie vendait livres et revues anarchistes, mais pour les connaisseurs elle était spécialisée en ouvrages sur l’érotisme et la gastronomie, opération évidemment plus rentable.

Dans les années 1960, Hem Day collabora à la revue Anarchisme et non violence. Il fut aussi actif au sein de l’Internationale des résistants à la guerre (IRG-WRI), et était franc-maçon.

Ce fut le 14 août 1969 que s’éteignit cet infatigable défenseur de la paix et de la liberté. Il avait accumulé d’énormes collections d’imprimés en tous genres, ainsi que des fichiers bio- et bibliographiques, qui ont été déposés à la Bibliothèque royale de Belgique et au Mundaneum.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151206, notice HEM DAY [DIEU Marcel dit] par Xavier Bekaert révisé par Marianne Enckell, version mise en ligne le 18 décembre 2013, dernière modification le 15 juillet 2021.

Par Xavier Bekaert révisé par Marianne Enckell

ŒUVRE : Pour son imposante bibliographie, voir le site cgecaf.com

SOURCES : Bibliographie de Hem Day, Pensée et Action, Bruxelles 1964. — Autour d’un procès. Léo Campion, Hem Day, Pensée et Action, Paris-Bruxelles, 1968. — Hommage à Hem Day, Pensée et Action, Paris-Bruxelles, 1970. — Jean De Meur, L’anarchisme en Belgique, Bruxelles 1970. — Jean-Pierre Jacquinot, présentation in Anarchie et non-violence. Hem Day et Ramus Pierre, Le Havre Libertaire, 1987. — Voir aussi Jean Puissant, DIEU Marcel, dit Hem Day, Dictionnaire Belgique, Site du maitron-en-ligne.

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