ZO D’AXA (GALLAUD Alphonse, dit) [version ancienne par Jean Maitron]

Par Jean Maitron

Né à Paris le 24 mai 1864 ; mort à Marseille (Bouches-du-Rhône) le 30 août 1930 ; créateur du journal l’En Dehors et de la Feuille ; pamphlétaire et écrivain anarchiste.

On peut dire de Zo d’Axa qu’il se situe au-delà de toute idéologie, au-delà de l’anarchie, et nul mieux que lui-même n’a défini sa position : « Celui que rien n’enrôle et qu’une impulsive nature guide seule, ce passionnel tant complexe, ce hors-la-loi, ce hors-d’école, cet isolé chercheur d’au-delà... » (cf. L’En Dehors, 12 mai 1891).

Rien pourtant ne semblait prédisposer Alphonse Galland à devenir un révolté. Issu d’une famille bourgeoise et fortunée, il fit ses études au collège Chaptal à Paris et, en 1881, entra à l’école de Saint-Cyr. Mais le joug familial lui pesait et, en 1882, le jeune homme s’engagea dans un régiment de cuirassiers, puis, désireux d’aventures, aux chasseurs d’Afrique. Ne pouvant supporter la vie militaire, il déserta et se réfugia à Bruxelles où il devint reporter au journal Les Nouvelles du Jour. Puis, il passa en Suisse et en Italie. En 1889, amnistié, il rentra en France.

En mai 1891 parut le premier numéro de l’En Dehors. L’article de fond était signé d’un étrange pseudonyme « Zo d’Axa ». Parmi les rédacteurs de la revue figuraient des anarchistes : Malato, Darien, Fénéon, Sébastien Faure, Émile Henry, mais aussi Georges Lecomte et Henri de Régnier, Lucien Descaves, Octave Mirbeau, Camille Mauclair, Tristan Bernard, Ajalbert, Émile Verhaeren, d’autres encore.

Chaque semaine, Zo d’Axa s’en donnait à coeur joie malgré les saisies et les condamnations. Son nihilisme, il l’exprimait ainsi : « Nous allons — individuels, sans la Foi qui sauve et qui aveugle. Nos dégoûts de la Société n’engendrent pas en nous d’immuables convictions. Nous nous battons pour la joie des batailles et sans rêve d’avenir meilleur. Que nous importent les lendemains qui seront dans des siècles ! Que nous importent les petits-neveux ! C’est en dehors de toutes les lois, de toutes les règles, de toutes les théories — même anarchistes — c’est dès l’instant, dès tout de suite que nous voulons nous laisser aller à nos pitiés, à nos emportements, à nos douceurs, à nos instincts — avec l’orgueil d’être nous-mêmes. » (cf. En Dehors, choix d’articles, Paris, 1896, pp. 123-124). Bientôt, l’En Dehors fut poursuivi.

Après l’arrestation de Ravachol, le 30 mars 1892, de Chaumartin et de quelques autres (voir ces noms), l’En Dehors, ouvrit une souscription en faveur des familles des détenus. Zo d’Axa fut arrêté, puis mis en liberté provisoire après un mois de détention à Mazas. Peu après, pour échapper à de nouvelles poursuites, il partit pour l’Angleterre, où il retrouva Malato, Matha, Louise Michel, Darien, Pouget, Luce, Meunier, Malatesta. Il gagna ensuite la Hollande, puis l’Italie d’où il fut expulsé. Il se rendit alors en Grèce.

En France, cependant, avaient eu lieu plusieurs procès. Le 1er juin 1892, Zo d’Axa avait été condamné contradictoirement, devant la cour d’assises de la Seine, à dix-huit mois de prison pour provocation au meurtre et au pillage, et le 5 juillet 1892, par défaut, à deux ans de prison et 2 000 f d’amende, toujours pour provocation au meurtre.

À l’étranger, Zo d’Axa était recherché par la police. Une dépêche du 10 décembre 1892 indiquait qu’un individu vêtu d’un costume ecclésiastique, sur présentation d’un livret militaire au nom de Victor Alphonse Gallaud, avait obtenu de la légation française à Athènes un passage pour Constantinople ; et la Dépêche concluait : « pourrait être le nommé Zo d’Axa ».

De fait, Zo d’Axa fut arrêté à Jaffa fin décembre 1892. « Ficelé comme un saucisson et mis aux fers sur le pont » à bord du navire français La Gironde, il fut ainsi rapatrié (cf. Contre-Courant, mi-octobre, mi-novembre 1960) et arriva à Marseille.

Interné à la prison Sainte-Pélagie, il vit la peine prononcée contre lui le 5 juillet 1892 réduite à six mois, par arrêt du 29 mars 1893. L’En-Dehors avait cessé de paraître ; le dernier numéro est daté du 19 février 1893.

Libéré le 1er juillet 1894, le jour des funérailles nationales du président Sadi Carnot victime de l’anarchiste Caserio, Zo d’Axa fut arrêté à sa sortie de prison et gardé vingt-quatre heures au Dépôt. Il publia alors De Mazas à Jérusalem, qu’il avait écrit au cours de sa détention et qui connut un grand succès. En 1898, il publia la Feuille « à chaque occasion », et il eut souvent quelque chose à dire. Steinlein, Luce, Willette, d’autres l’illustrèrent. En 1900, il reprit sa vie errante : Les Amériques, la Chine, le Japon, les Indes, l’Afrique. À son retour en France, il s’installa à Marseille.

Jusqu’à sa mort volontaire, Zo d’Axa resta « en dehors », mais ne publia plus. En 1921, dans le Journal du Peuple, une seule fois, il rompit le silence : « ... me taire ne suffirait peut-être pas à me préserver de l’honneur de figurer comme repenti [...] Les derniers amis de l’En Dehors et de la Feuille connaissent le sens d’un passé que le présent n’entend pas renier. Pendant un bon bout de chemin, contre les laideurs du temps, nous avons réagi ensemble. On nous traitait d’anarchistes, l’étiquette importait peu.

« [...] Qu’est-ce donc vivre, si ce n’est passer, selon sa nature, un moment ? J’aime le matin sur les routes proches ou lointaines et sans stylo, sans autre ambition ni but que de comprendre la journée claire en dehors des mirages flottants, en dehors ainsi que toujours, à des feuilles d’écriture près... »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151209, notice ZO D'AXA (GALLAUD Alphonse, dit) [version ancienne par Jean Maitron] par Jean Maitron, version mise en ligne le 19 décembre 2013, dernière modification le 20 février 2014.

Par Jean Maitron

OEUVRE : De Mazas à Jérusalem, Paris, 1895, 253 p. ; autre titre : Le Grand Trimard. — En Dehors, Paris, 1896, 248 p. — Les Feuilles, Paris, 1900, 305 p. (extraits de La Feuille, 1897-1899).
Journaux : L’En Dehors, 5 mai 1891-19 février 1893, 90 n° Bibl. Nat. Gr. Fol. Lc 2/5 814. — La Feuille, 6 octobre 1897-28 mars 1899, 25 n°s.
Les nombreux inédits laissés par Zo d’Axa ont été brûlés avant mort (cf. Léo Campion, Zo d’Axa, Bruxelles, s. d. [1936], p. 55).

SOURCES : Arch. Nat. BB 18/ 1885-709 A 92. — Pensée et Action n° 35-36, janvier-juin 1968. — J. Maitron, Histoire du Mouvement anarchiste..., op. cit. et archives.

ICONOGRAPHIE : Pensée et Action, op. cit.

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