GUATTARI Félix [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 30 mars 1930 à Villeneuve-les-Sablons (Oise, France), mort le 29 août 1992 à La Borde (Loir-et-Cher, France) ; psychanalyste, philosophe, anticolonialiste soutenant La Voie communiste, abritant, à la clinique de La Borde, des nationalistes de la Fédération de France du FLN, clandestins recherchés dans les années les plus dures de la guerre d’Algérie.

Issu d’un milieu familial relativement aisé, Félix Guattari grandit à La Garenne, une banlieue ouvrière proche de Paris. C’est à la suite de la Résistance en France, durant les années 1945-1946, encore lycéen, qu’il commence ses activités militantes en faisant partie du Mouvement révolutionnaire de la jeunesse ainsi que du Mouvement laïque des auberges de la jeunesse. Après avoir entrepris des études de pharmacie et ensuite de philosophie (il ne reçut jamais son diplôme de la Sorbonne), cet étudiant libre s’oriente vers la psychanalyse.

Connaissant déjà la clinique psychiatrique du Château de Saumery près de Blois (Loir-et-Cher, France), à l’âge de vingt ans, il prend part, en 1953, à la fondation de la clinique de La Borde (Loir-et-Cher également), qu’il appelle la clinique de la « Constitution de l’an I ». C’est là que le docteur Fernand Oury, dont Félix Guattari connaissait le frère, Jean, depuis 1945, va développer les préceptes d’une analyse antipsychiatrique basée sur l’étude des milieux institutionnels où évoluent les individus. Les cours donnés par Fernand Oury à La Borde ont contribué à la création du Groupe de Travail Psychologique et de Sociologie Institutionnelle où de nombreux textes de Félix Guattari vont être présentés comme papier de travail avant d’être publiés en 1972 sous le titre Psychanalyse et Transversalité.

En 1953, Félix Guattari rencontre également son autre grand maître, Jacques Lacan, avec qui il entreprit une analyse jusqu’en 1960. Il rejoint celui-ci à l’École Freudienne de Paris comme analyste. Toutefois, malgré les insistances de Lacan pour l’avoir entièrement au sein de cette école, il n’abandonne jamais La Borde, où il devient le principal collaborateur de Jean Oury.

Au cours des années 1956-1962, il participe à la revue La Voie communiste, qui a pour sous-titre « organe de l’opposition communiste », et qui réunit des communistes critiques antistaliniens et des militants libertaires. En rupture avec le PCF depuis le vote des « pouvoirs spéciaux » pour le maintien de l’ordre en Algérie en mars 1956, le groupe de La Voie communiste s’est engagé au soutien de la Fédération de France du FLN notamment en participant aux activités des réseaux Jeanson puis Curiel. Félix Guattari apporte son concours financier et la mise à l’abri.

En 1965, avec, entre autres, Daniel Cohn-Bendit, Jean-Jacques Lebel et Julian Beck, il contribue à la fondation de la Fédération des groupes d’études et de recherches institutionnelles et de sa revue Recherches. À cette époque, Félix Guattari participe au Groupe jeune hispano, à des Amicales d’infirmiers, aux Amitiés franco-chinoises (en ce temps des « communes populaires »). Il poursuit l’action anticolonialiste auprès des Comités Vietnam. À travers le Mouvement du 22 mars, il est l’un des protagonistes actifs des événements de Mai 1968. C’est à ce moment qu’il rencontre Gilles Deleuze à l’université de Vincennes, avec qui il va co-écrire L’Anti-Œdipe en 1972, Kafka - Pour une littérature mineure en 1975, Rhizome en 1976, Mille Plateaux en 1980 et Qu’est-ce que la philosophie ? en 1991.

Aux dualismes psychanalytiques, Félix Guattari préfère substituer le concept de « transversalité » ainsi qu’une analyse du lien social en terme de désir. Contre les élaborations théoriques de la psychanalyse (réduisant le désir aux figures du père et de la mère et s’enfermant dans le triangle œdipien), Gilles Deleuze et Félix Guattari ont créé le concept de « machines désirantes ».

En 1970, Félix Guattari fonde le Centre d’études et de recherches et de formation institutionnelle, qui reprend la direction de la revue Recherches. En 1975, il devient le président du Collectif de soutien aux radios libres et fonde, au cours de cette période, Radio Bleue ainsi que Radio Tomate. Il est attiré par l’expérience gauchiste autonome italienne. Il publie, en 1977, La révolution moléculaire qui insiste sur le besoin d’explorer de nouvelles voies au sein des grandes structures politiques traditionnelles, et de rendre efficaces les petits groupuscules en les amenant à abandonner une violence révolutionnaire improductive.

Ami des peuples arabes, il s’insurge au cours des années 1980 contre les propos xénophobes de Jean-Marie Le Pen et du Front National. Il écrit également des textes dans la Revue des études palestiniennes, réagissant notamment contre les massacres de Sabra et Chatilla.

En 1987, il fait paraître avec Gilles Deleuze, le premier numéro de la revue Chimères. Vers la fin de sa vie, il prend en considération les mouvements écologistes ; aux élections régionales de 1992, il figure sur la liste parisienne des Verts.

« Le militantisme ‘immanent’ de Félix Guattari est lié avec une multiplicité de groupes, d’associations, plus ou moins formés, qui cherchent à inventer des espaces de libertés non pas à partir des entreprises menées par des spécialistes, mais dans des cadres d’action élaborés par ceux qui vivent eux-mêmes les problèmes ». Pour plus de développement sur ses ouvres et sa pensée, se reporter à la notice reprise partiellement ici, et citée ci-dessous, du DBMOMS.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151466, notice GUATTARI Félix [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 24 décembre 2013, dernière modification le 24 décembre 2013.

Par René Gallissot

SOURCES : Gary Genosko, Félix Guattari : an aberrant introduction, Continuum, Londres, 2002. — Philip Goodchild, Deleuze and Guattari : an introduction to the politics of desire, Sage, Londres, 1996. — François Dosse, Gilles Deleuze et Félix Guattari, biographie croisée, La Découverte, 2007. — Notice Félix Guattari par Jean Zaganiaris, DBMOMS, op.cit., tome 6, 2010.

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