MORISSE Gaston, Laurent

Par Daniel Grason

Né le 3 mai 1900 à Saint-Arnoult (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), mort le 16 avril 1952 à Paris (XIIIe arr.) ; terrassier ; militant communiste ; résistant ; déporté à Buchenwald (Allemagne).

Gaston Morisse prisonnier matricule 20767
Gaston Morisse prisonnier matricule 20767

Fils de Julien, Émile, journalier et de Marie, Angélique, née Pisios, ménagère, Gaston Morisse alla à l’école primaire et obtint le CEP. Il épousa Antonia Loosbergh le 6 septembre 1924 à Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), le couple vivait 16 rue de Martinville. Le 11 juin 1925 il fut interpellé dans le jardin de l’Hôtel de Ville par des gardiens de la paix alors qu’il recueillait des signatures contre la guerre menée par l’armée française au Maroc dans le Rif contre les combattants menés par Abdel Krim. Emmené au commissariat, il déclara que la pétition émanait de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC). Il fit l’objet d’un non-lieu le 28 juin.
Le 21 juillet 1925, par télégramme le 2ème Bureau demandait au Commandant de la Marine du Havre « de faire effectuer une enquête discrète » concernant le yacht turc Nimet Allah. L’équipage de huit nationalités différentes était composé de 29 hommes dont le communiste ou supposé tel Gaston Morisse. Le commissaire soupçonnait un trafic d’armes à destination Rif. Le propriétaire du bateau, un Khédive (seigneur) assisté d’un secrétaire, plus un originaire de Fiume (Trieste) incita le commissaire à la prudence. En attendant que le navire lève l’ancre.
Le couple vint en Région parisienne eut quatre enfants, vivait 89 bis rue de Tolbiac à Paris XIIIe arrondissement, son épouse était la concierge de l’immeuble, faisait des ménages chez des particuliers. Gaston Morisse adhéra au Parti communiste et milita activement, notamment pour la solidarité avec la République espagnole. Mobilisé à Elbeuf, fait prisonnier, il fut libéré le 26 avril 1941 du fait qu’il était père de quatre filles âgées de vingt, dix-sept, quinze et quatorze ans, l’aînée était mariée. Il reprit son métier de terrassier pour le compte des Établissements Versillé 26 avenue Émile-Zola à Paris (XVe arr.), il travaillait sur un chantier à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine).
Contacté, il accepta de participer à l’activité communiste clandestine, de distribuer des tracts. Après une dénonciation par lettre anonyme, il fut interpellé le 24 août 1942 par la police municipale du quartier de la Gare (XIIIe arr.). Lors de la perquisition de sa cave, un paquet de quatre cents tracts de publication récente intitulés « Contre la force, il faut employer la force » étaient saisis. Dans une valise se trouvaient des documents, des tracts et des brochures qui concernaient les actions de solidarité avec la République espagnole de 1936 à 1939, des exemplaires de l’Humanité et l’Avant Garde antérieurs à la dissolution de l’organisation.
Le tract « Contre la force il faut employer la force » était signé par « L’Union des comités populaires de la région parisienne ». Le premier paragraphe était résolument dirigé contre les occupants allemands : « La haine des Parisiens contre les boches et leurs valets vient encore d’augmenter dans tous les cœurs. »
« Quels sont en effet les gens qui ne seraient pas révoltés devant le spectacle offert par la police soi-disant française contre les juifs. »
« Avec brutalité, sauvagerie, des gosses ont été arrachés à leurs mères, des portes enfoncées, etc… Certains flics y allaient de leur larme, mais ces poltrons accomplissaient quand même la tâche commandée par les boches. »
En conclusion, l’organisation déclarait : « Mieux vaut lutter en France que d’aller mourir en boche sous les bombes de la R.A.F. »
« Mieux vaut souffrir s’il le faut et lutter avec les partisans, avec tous les patriotes que de vivre en esclaves. »
« A l’action avec courage et l’ennemi sera battu en 1942 ! »
« A l’action avec courage et la victoire sera plus rapide ! »
Incarcéré à la prison de la Santé, le 16 septembre 1942 il était entendu par un Juge d’instruction. Il nia avoir été membre du Parti communiste « mais simplement fait partie du Secours populaire de France », organisation à laquelle il adhéra en 1925. Il affirma que le paquet de tracts saisi à son domicile lui avait été confié en dépôt le 29 juillet par un militant Henri Legendre qui n’était pas venu les rechercher. Il fit remarquer que les tracts « étaient enveloppés dans un papier ficelé. » Les policiers recherchèrent en vain Henri Legendre.
Le 19 octobre 1942 le Procureur de la République l’inculpait d’avoir « exercé une activité ayant directement ou indirectement pour objet de propager les mots d’ordre de la IIIe Internationale ». Gaston Morisse demanda au Juge d’instruction un avocat commis d’office.
Il comparut le 2 novembre 1942 devant la Section spéciale de la Cour d’Appel de Paris, fut condamné à un an de prison et mille deux cents francs d’amende. Interné à la caserne des Tourelles (XXe arr.), les Allemands vinrent le chercher le 5 juillet et l’emmenèrent au Frontstalag 122 à Compiègne, le 3 septembre 1943 il était dans le convoi de neuf cent quarante-trois déportés à destination de Buchenwald (Allemagne). Gaston Morisse fut membre de la Brigade française d’action libératrice formée par le Parti communiste.
La libération du camp eut lieu le 11 avril 1945, dans l’après-midi l’armée américaine conduite par le général Patton libérait Buchenwald. Un Comité militaire clandestin international l’accueillit. Le Comité des intérêts français était composé de : Frédéric-Henri Manhès, Albert Forcinal, Marcel Paul, Robert Darsonville et Jean Lloubes représentaient les français au sein de ce comité précisa Olivier Lalieu.
Dans son ouvrage 1945 La découverte, Annette Wieviorka soulignait : « c’est avec l’arrivée du résistant communiste Marcel Paul, en mai 1944, qui devient l’interlocuteur des dirigeants allemands, que le parti communiste français s’organise véritablement à Buchenwald et qu’il rassemble d’autres courants de la Résistance dans le Comité des intérêts français. Désormais, le Comité est à présent dans l’organisation de résistance du camp et peut protéger certains détenus. »
L’épouse de Gaston Morisse, Antonia témoigna auprès de la commission rogatoire du 15 janvier 1945. Elle déclara ignorer si son mari avait été frappé, elle précisa que rien n’avait été dérobé lors de la perquisition de leur domicile effectuée par trois inspecteurs.
Gaston Morisse matricule 20767, était parmi les quatre cent quinze survivants du convoi (44%). Il fut homologué au titre de la Résistance intérieure Française (RIF).
Divorcé le 24 janvier 1949, Gaston Morisse mourut le 16 avril 1952 à son domicile 13 rue Dunois à Paris (XIIIe arr.), à l’âge de cinquante-deux ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151474, notice MORISSE Gaston, Laurent par Daniel Grason, version mise en ligne le 29 mars 2021, dernière modification le 27 mars 2021.

Par Daniel Grason

Gaston Morisse soldat en 1940 (à droite)
Gaston Morisse soldat en 1940 (à droite)
Gaston Morisse avec sa fille Jacqueline
Gaston Morisse avec sa fille Jacqueline
Les filles Morisse
Gaston Morisse prisonnier matricule 20767
Gaston Morisse prisonnier matricule 20767

SOURCES : AN Z/4/65, le dossier AN 1-13-48303 a été transmis par Patrick Lancelin que nous remercions. – Arch. – Arch. PPo. BA 2056, PCF carton 13 rapports hebdomadaires des Renseignements généraux sur l’activité communiste, 77W 406, 77 W 5349-294402. – Bureau Résistance GR 16 P 431764. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Annette Wieviorka, 1945 La découverte, Éd. du Seuil, 2015. – Olivier Lalieu, La zone grise ? La résistance française à Buchenwald, préface de Jorge Semprun, Éd. Tallandier, 2005. – Pierre Durand, Les Français à Buchenwald et à Dora, Éd. Sociales, 1977. – État civil, Sainte-Arnoult. – Renseignements et clichés fournis par Patrick Lancelin.

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