Par Daniel Grason
Née le 13 août 1914 à Paris VIe arr. (Seine), morte le 17 juillet 1969 à Lons-le-Saunier (Jura) ; déportée à Ravensbrück (Allemagne).
Fille de Gaston porteur aux Halles et d’Anaïs Louise Gilard, Simone Mas suivit des études après l’école primaire et obtint le baccalauréat. Difficultés de l’occupation elle vivait chez ses parents au 68 rue de Rivoli à Paris (IVe arr.), elle était mère de deux enfants âgées de cinq et deux ans et demi.
Le dimanche 30 août 1942 vers 10 heures du matin, alors qu’elle venait de déposer un bouquet de fleurs rouge sur la tombe d’Henri Barbusse auteur de Le Feu au cimetière du Père Lachaise, elle était appréhendée par deux gardiens de la paix habillés en civil de surveillance au cimetière.
Selon des rapports des Renseignements généraux, à l’appel du Parti communiste, cinq cents personnes étaient venues individuellement pour la Fête du travail, le 1er mai 1941, quatre-vingts dans la matinée du 25 mai et six cents l’après-midi, en hommage à la Commune de Paris. Depuis des policiers surveillaient les lieux en permanence.
Livrée à la BS1 deux inspecteurs perquisitionnèrent sa chambre. Ils saisissaient trois cents numéros de l’Humanité de 1938 et 1939 antérieurs donc à la dissolution du parti communiste furent saisis, ainsi que cinq brochures traitant du marxisme, deux almanachs de l’Humanité, de 1938 et 1939, trente numéros de l’hebdomadaire Regards, trente livres des Éditions sociales internationales.
Interrogée par un juge d’instruction, elle affirma ne pas être membre de l’organisation clandestine. Elle déclara avoir conservé les exemplaires de l’Humanité « par négligence ». Le procureur de la République en concluait néanmoins : « Bien que les publications découvertes au domicile de la fille Mas soient antérieures à la dissolution du parti communiste, celle-ci semble devoir tomber sous le coup de la loi du 31 décembre 1941. »
« Attendu qu’il en résulte contre la susnommée charges suffisantes d’avoir à Paris en 1942 détenu de mauvaise foi des tracts tendant à diffuser les mots d’ordre de la IIIe Internationale ou des organismes s’y rattachant. »
« Fait prévu et réprimé par le décret-loi du 26 septembre 1939 et la loi du 14 août 1941. »
Interrogée le 16 septembre 1942 par un Juge d’instruction assisté d’un commis-greffier, elle déclara : « Je n’ai jamais appartenu au parti communiste où à aucune organisation s’y rattachant. »
« Je n’exerce pas de profession, toutefois j’aide ma mère dans la vente des fleurs au coin du faubourg-Poissonnière et de la rue Lafayette. » Elle affirma : « Je n’ai jamais été sollicitée pour faire de la propagande communiste. »
Le Juge lui demanda pourquoi elle avait fleuri la tombe d’Henri Barbusse, elle répondit : « Si j’ai fleuri la tombe d’Henri Barbusse au Père Lachaise avec un bouquet de fleurs rouges, c’était parce que j’étais une admiratrice de sa littérature. » Quant à la présence de brochures et de journaux « d’inspiration communiste qui ont été saisis chez moi […] je les ai achetés à l’époque où c’était permis. Je les ai conservés ne pensant pas que leur détention était défendue. »
« Je n’en ai pas fait la diffusion. J’ai gardé ces documents plutôt par négligence. » En ce qui concernait les brochures et journaux, elle fit remarquer au Juge d’instruction qu’elle les acheta « à l’époque où c’était permis. Je les ai conservés ne pensant pas que leur détention était défendue. » Elle fit remarquer qu’elle n’avait « jamais eu l’intention d’adhérer à une organisation communiste. » Elle fit observer que ses « parents n’ont certainement pas fait attention à la littérature que je pouvais avoir dans ma chambre. »
Le juge d’instruction l’inculpa de « présomption de propagande communiste. »
Incarcérée le 21 septembre 1942 à la prison de la Petite-Roquette matricule n° 8582, elle écrivit le 27 octobre au Juge d’instruction.
« Monsieur le Juge, »
« Je suis détenue depuis le 1er septembre 1942 à la prison de la Roquette pour présomption de propagande communiste. »
« Or depuis bientôt deux mois, l’enquête a pu prouver que je ne me suis jamais livrée à aucune propagande politique quelle qu’elle soit. J’ai été arrêtée, au moment où je déposais quelques fleurs sur la tombe d’Henri Barbusse, geste tout à fait personnel, n’y attribuant aucune signification d’ordre social. »
« Par la perquisition menée chez moi, on a trouvé de vieux exemplaires de journaux et quelques brochures ou livres qui étaient légalement publiées entre 1936 et 1939 livres ayant surtout un intérêt littéraire et non un but de propagande. D’ailleurs ils étaient dans ma chambre, sur des rayons, ne désirant nullement les dissimuler. »
« Or sous cette inculpation ; on me détient depuis deux mois à la Roquette. Absolument certaine qu’aucune accusation n’a pu être portée contre moi. Je viens vous présenter la requête suivante. »
« Mère de deux petites filles âgées de cinq ans et de deux ans et demie. Je les ai toujours élevées par moi-même et ne m’en suis jamais séparé malgré les chagrins, les maladies. Ma plus jeune fille est d’une santé qui demande beaucoup de soins (séances de rayons ultra-violets, bains, massages etc.) J’ai encore en ma possession les ordonnances et fiches d’hôpital en faisant foi. Or ces petits sont laissés à la garde de ma mère, qui doit, pour vivre, travailler toute une journée, dehors, exposée à tous les temps, puisqu’elle est marchande de fleurs. Mon père est porteur aux Halles. Vous comprendrez que je me dois à mes enfants, aussi je viens solliciter de votre bienveillance la liberté. Bien qu’ayant passé l’instruction aucune nouvelle on m’a appris le cours de l’affaire, le peu d’importance de cette affaire, et mon absolue tranquillité sur le résultat de toute enquête me permettent de vous demander ma libération. »
« J’espère Monsieur le Juge, que vous prendrez me demande en considération, et dans l’attente je vous prie de croire, en l’assurance de mes respectueux sentiments. »
Le 31 janvier 1944 Simone Mas était dans le convoi de neuf cent cinquante femmes à destination de Ravensbrück (Allemagne). Affectée au Kommando de femmes de Flossenbürg à Holleischen dans les Sudètes (Tchécoslovaquie). Là, elle travailla avec les autres détenues dans une usine Skoda qui fabriquait des munitions. Les partisans tchèques libérèrent le camp le 5 mai 1945.
Elle mourut en 1969 à l’âge de cinquante-cinq ans.
Par Daniel Grason
SOURCES : AN Z/4/65 dossier 448. – Arch. PPo. BA 2056, KB 36. – Bureau Résistance (pas de dossier). – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – État civil, Paris 6e arr.