GUYOT Pierre [Dictionnaire Algérie]

Né le 20 avril 1938 à Paris (VIe arr.), mort le 23 juin 2013 à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis) ; fils du dirigeant du PCF, Raymond Guyot, ancien secrétaire de l’Internationale communiste des Jeunes ; bloqué avec sa mère en URSS de 1939 à 1945 ; entré à son tour au PCF, participant en 1958 à la campagne communiste momentanée de refus de combattre en Algérie ; emprisonné en Algérie en 1959 puis en Corse, libéré en 1960 pour deux ans de service militaire hors d’Algérie.

Le père, Raymond Guyot, déjà responsable communiste des campagnes antimilitaristes dans le département de l’Aube, à Troyes (France), avait fait son service militaire en Algérie dans les Chasseurs d’Afrique à Sétif de 1924 à 1926. Il fut sanctionné d’un mois de rabiot de service, pour des billets antimilitaristes publiés à Alger dans La Lutte Sociale. Il se vengea en faisant de son capitaine la première cible au « concours des gueules de vaches ». Il revint d’Algérie, longtemps sujet à des crises de paludisme.

Après s’être défaussé dans l’affaire Barbé-Célor de liquidation par Moscou du groupe venant des Jeunesses communistes, permettant la promotion de Maurice Thorez à la direction du parti face à Jacques Doriot, il fut jusqu’en 1935 un des animateurs de l’agit-prop. anti-militariste du PCF, avant l’abandon ce cette « action anti- », lors du passage au Front populaire acceptant la défense et l’idée nationale.

Partis au début de l’été 1939 en URSS, la mère de Pierre Guyot, qui avait deux ans, Fernande, née Ricol, y reste bloquée par la guerre, avec ses deux enfants pendant près de six ans. Le père, dirigeant du PCF, est parachuté en France en mars 1942. La famille ne se retrouve réunie à Paris qu’en mars 1945 s’installant au début des années 1950 dans un luxueux appartement de la place de la République.

« Pour Pierre commença alors la vie d’un enfant de la nomenclature, rythmée par des vacances dans les camps des élites communistes en URSS, des escales à Prague chez sa tante Lise London et sa famille avant l’arrestation d’Artur London. » (Marc Giovaninetti). Artur London, beau-frère de Raymond Guyot, ayant épousé la sœur de Fernande : Lise Ricol, était un dirigeant du PC de Tchécoslovaquie, pris dans la suite des purges staliniennes (L’Aveu).
Pierre Guyot suit l’école primaire dans le IIIe arrondissement de Paris et adhère et milite aux Jeunesses démocratiques puis au Parti communiste. Abandonnant les études secondaires, il fait une formation professionnelle et devient ajusteur en usine.

Appelé au service militaire en mai 1958, il suit ses classes en Alsace. La direction du PCF n’avait soutenu ni l’insoumission d’appelés et de rappelés du contingent ni le refus de combattre en Algérie, laissant à l’isolement l’acte d’Alban Liechti. Cependant, après le coup de force colonial d’Alger et le retour du général de Gaulle, le PCF autorise une opération de refus de combattre en Algérie, supervisée par Raymond Guyot. Pour l’exemple, Pierre Guyot est engagé dans cette campagne. Avec quelques dizaines d’autres jeunes communistes, il écrit au Président de la République son refus d’aller servir en Algérie dans une guerre coloniale.

Transféré en Algérie, Pierre Guyot renouvelle sa lettre de refus, soutenu en métropole par une campagne de meetings et de tracts reproduisant sa photo et ses courriers. Il est condamné à deux ans de prison, comme la quarantaine de jeunes communistes dans sa situation, ses parents étant empêchés de venir assister à son procès. Il purge sa peine d’abord en Algérie, puis à Marseille et enfin au pénitencier agricole de Casabianda en Corse, dans des conditions tout à fait supportables. Pierre y reçoit plusieurs fois la visite de son père, devenu sénateur.

Alors que le Manifeste des 121 approuve l’insoumission, la direction du PCF fait savoir aux détenus de Corse que le parti continue à la condamner. Le groupe d’une dizaine de jeunes communistes se divise alors entre ceux qui s’opposent à cette injonction derrière Alban Liechti, et ceux qui l’acceptent et soutiennent inconditionnellement les décisions comme Pierre Guyot.

Libéré en septembre 1960, le jeune homme effectue ses deux ans de service militaire, mais sans être renvoyé en Algérie.

Il poursuit sa vie professionnelle et militante à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis, France) puis à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis) sans guère s’élever dans le parti. Il demeure militant communiste quand son père est écarté du bureau politique et de sa direction de la section internationale, en 1972.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151491, notice GUYOT Pierre [Dictionnaire Algérie], version mise en ligne le 24 décembre 2013, dernière modification le 29 juin 2021.

SOURCES : Reprise partielle de la notice de Marc Giovaninetti, auteur d’une thèse sur Raymond Guyot, dans DBMOMS, op.cit., t. 6, Paris, 2010, citant : arch. Nat. (Fontainebleau), 19890464, article n° 1, dossier 446 ; arch. du PCF (Bobigny), 283 J 70 et ses entretiens avec Pierre Guyot et Fernande Guyot-Ricol. — Paul Thorez, Les Enfants modèles, Lieu commun, Paris, 1982. — Alban Liechti, Le Refus, Le Temps des cerises, Paris 2005. — L’Humanité, 1958-1962.

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