BEN LEKHAL Mahmoud ben Mahmoud [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 2 septembre 1894 à Alger, célébré par le mouvement communiste pour avoir été condamné pour son action en 1923 dans la campagne d’opposition à l’ocupation de la Ruhr par les troupes françaises ; membre de la direction de l’ENA ; envoyé en mission par l’Internationale communiste en Tunisie en 1925 ; candidat aux élections à Alger en 1927 ; déporté au Sahara ; retiré ensuite du PC.

Enfant d’une vieille famille de bourgeoisie citadine qui n’a cessé de manifester son opposition à la présence coloniale française et dont une partie s’est exilée en Orient, Mahmoud ben Mahmoud Ben Lekhal écrit aussi Ben Lakhal, suit son oncle Si Ahmed Ben Lekhal en 1907 en Syrie. Après un retour en Algérie, à la mort de son père, il repart en Orient au moment de la guerre de 1914. La Syrie-Palestine fait alors partie de l’empire ottoman qui est allié de l’Allemagne contre la France ; or il est sujet français en âge de service militaire, de là peut-être ses futurs déboires avec l’armée française. Le jeune homme aurait fait des études dans une université religieuse de Beyrouth. En tout cas, il est bilingue arabe et français. Il aurait été employé comme secrétaire à la mission militaire française et licencié en 1917, menacé d’être déféré en cour martiale. Il rentre à Alger après l’armistice de 1918 et se retrouve poursuivi pour insoumission au service militaire.

C’est à partir de 1921 ou 1922, qu’il est pris en charge par l’Internationale communiste pour servir à la propagande antimilitariste auprès des troupes nord-africaines de l’armée française dans la campagne d’agitation conduite par les Jeunesses communistes contre l’occupation de la Ruhr en Allemagne. Il participe à la rédaction des journaux et des tracts en arabe qui appellent à la fraternisation avec les ouvriers allemands. Arrêté, il est condamné par le tribunal militaire de l’armée d’occupation française, à cinq ans de prison au procès de Mayence en 1924. C’est pour cette action que Mahmoud ben Mahmoud Ben Lekhal sera célébré par le Parti communiste et présenté à plusieurs reprises comme candidat communiste à des élections à Alger.
Il est cependant difficile de suivre ce qu’il devient après sa condamnation. En France, le Parti communiste ou plus spécialement les Jeunesses communistes appuyées sur la CGTU, et son avocat le communiste André Berthon* mènent une vive campagne pour sa libération qui, pour couper court, intervient dès août-septembre 1924 selon le journal de l’Union intercoloniale Le Paria. Il est membre de la Commission exécutive de l’Union intercoloniale et de la Commission coloniale du Parti communiste ; il aurait participé aux discussions et décisions de transformer la Section nord-africaine de l’Union intercoloniale en organisation autonome qui sera en 1926, l’Étoile Nord Africaine. En 1928, l’Ikdam (La Vaillance), le journal de l’ENA placé sous les auspices de l’Emir Khaled* et publié sous contrôle communiste, le qualifie de « valeureux fondateur de l’ENA ».

Selon des renseignements de police, il serait en 1925 reparti momentanément en Syrie et peut-être passé par Moscou et la Commission coloniale centrale de l’Internationale communiste animée alors par l’indien Roy qui va la quitter. En mai 1925, il figure, derrière l’Emir Khaled, sur la liste dite du Bloc ouvrier et paysan présentée par le parti communiste aux élections municipales à Alger. L’Internationale communiste l’envoie cette même année en mission à Tunis pour reconstituer la CGTU et la fédération communiste de Tunisie, dispersées par la répression contre le mouvement de grèves conduit par la CGT tunisienne, CGTT, la première centrale nationale tunisienne, soutenue par les communistes. En 1926, les services de renseignements des Affaires étrangères signalent le refoulement de Tunisie du dénommé Mohamed Lakhal.

De retour en France, il reprend place au bureau de la Commission coloniale du parti communiste qui est réorganisée par Jacques Doriot, le héros communiste des Jeunesses et de la campagne contre la guerre du Rif ; il est un des cinq responsables désignés. Il regimbe comme d’autres, contre les méthodes expéditives qui disposent autoritairement des « camarades coloniaux » ; il adresse ses critiques dans une lettre au secrétariat du parti en concluant notamment : « Je suis dans l’obligation de décliner ma participation comme membre des commissions de l’Afrique du Nord parce que celles-ci n’ont pas été constituées conformément aux principes du centralisme démocratique, autrement dit par l’élection des camarades de la base ». Dans le PC français en profond recul à cette époque, une opposition s’exprime au nom précisément du centralisme démocratique. Messali* qui vient de suivre les cours de l’école de Bobigny du Parti communiste et appartient à l’ENA, le rencontre alors et lui conseille évidemment d’aller en mission à Tlemcen.

De fait, il part en Algérie conduire la campagne communiste pour les élections municipales d’avril 1927. Il est candidat à titre indigène à Alger contre la liste du Docteur Benthami, président de la Fédération des élus indigènes d’Algérie. Pour la première fois dans un meeting à Alger, un Algérien qui est communiste, en appelle à l’indépendance de l’Algérie. Il obtient 160 voix sur 1 800 électeurs (830 abstentions). Il est alors déporté au Sahara quand le ministre de l’intérieur, le radical Albert Sarraut, proclame à Constantine : « Le communisme, voilà l’ennemi ».

Un rapport de police de1929 le dit revenu à Alger et le compte parmi les membres communistes du Comité central de l’Étoile nord-Africaine ; cette mention semble toute honorifique. Mahmoud Ben Lekhal reste à l’écart de la tentative de Si Ahmed Belarbi* dit Boualem, de constituer avec les communistes subsistants en Algérie derrière l’Étoile nord africaine, un Parti National Révolutionnaire, selon les directives de l’Internationale communiste. M.Ben Lekhal aurait abandonné le Parti communiste en 1932. Au témoignage d’Amar Ouzegane* (interviews en 1976-1977), Mahmoud ben Mahmoud Ben Lakhal, rentré à Alger, se serait installé après 1930 comme patron de bain maure.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151580, notice BEN LEKHAL Mahmoud ben Mahmoud [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 26 décembre 2013, dernière modification le 18 novembre 2020.

Par René Gallissot

SOURCES : Arch. du ministère français des Affaires étrangères, sérieV, carton 63. — Arch. de la Wilaya d’Alger, rapports de police. — Arch. de la Commission coloniale et de l’Internationale communiste, IRM, Paris. — RGASPI (arch. de Moscou), 495 189 117 a, dossier Lakdar Benlakhal* (ci-dessus). — Le Paria, juillet et septembre 1924. — L’Ikdam Nord-Africain, juin-juillet 1927, mai 1928. — Interviews d’Amar Ouzegane par J.-L. Planche, Alger 1976. — C. Liauzu, Aux origines des tiers-mondismes, Paris, l’Harmattan, 1982. — O. Carlier, Entre nation et Jihad, op. cit. — B. Stora, Dictionnaire biographique des nationalistes algériens, op. cit.

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