BRUSQ Emmanuel dit Manu

Par Gilles Pichavant

Né le 13 août 1923 à Audierne (Finistère), fusillé le 21 avril 1944 sur les dunes de Poulguen en Penmarc’h (Finistère) ; résistant des FTPF.

Fils de Joseph Alain, retraité des Postes, et de Jeanne, Madeleine Poyard, son épouse, Emmanuel Brusq, dit Manu, naquit à Audierne (Finistère) le 13 août 1923. Il était le quatrième enfant d’un premier mariage au Sénégal, dont les trois premiers décédèrent en bas âge des suites de maladie. Il avait quatre ou cinq ans quand son père divorça ; il fut alors placé chez une dame, « Tante » Jeanne Bonizec (ex-bonne et amie de la famille), domiciliée à Audierne, où il apprit le breton.
En 1930, son père se remaria, et son épouse éleva Emmanuel comme son propre fils. De cette union, naquit son demi-frère Alain. « Manu » effectua un séjour de trois ans à Porto-Vecchio (Corse) où il apprit la langue corse. Il revint ensuite à Pont-Croix puis à Audierne en 1936. Après ses études à l’école primaire, il fut pensionnaire au cours complémentaire de Plozévet. En 1939, il s’engagea dans la Marine et, d’avril 1940 à octobre 1942, il suivit les cours de formation à l’école des mécaniciens de la Marine nationale située à Saint-Mandrier (Var). Il s’engagea alors pour cinq ans et embarqua sur le torpilleur « Lansquenet » à Toulon en qualité de matelot de 2e classe. Après le sabordage de la Flotte à Toulon en novembre 1942, Emmanuel Brusq revint en permission pour trois mois à Audierne.
Le 1er avril 1943, il obtint le brevet élémentaire de mécanicien et reçut un certificat de bonne conduite avec la mention « exemplaire ». Il se retira définitivement chez lui pour y exercer le métier de marin pêcheur. Ne supportant pas l’occupation allemande, il participa à quelques coups de main avec des jeunes, et, en fin 1943, il partit avec quelques amis audiernais dont Constant Le Floch et Jo Le Gac pour tenter de rallier l’Angleterre en passant par l’Espagne. Il fut arrêté avec Constant Le Floch, dans les Pyrénées. Les Allemands trouvant un « noir » accompagné d’un « blanc », les prirent pour des aviateurs américains et les interrogèrent en anglais. D’abord surpris, ils leur répondirent en breton. Les Allemands, interloqués, ne savaient que penser. Ils furent internés au fort du Hâ à Bordeaux le 29 juin. On plaça un « mouton » dans leur cellule, mais eux continuèrent à communiquer en breton. La supercherie dura quelques jours, mais, sous la torture, une expression française échappa à l’un d’eux, qui les trahit. Le 31 août, ils furent transférés au stalag 22 du camp de Compiègne.
Le 18 septembre ils furent enfermés dans un wagon de marchandise en direction de Dachau. Dans la nuit du 18 au 19, Manu réussit à forcer la porte du wagon, car, de grande taille, il était doté d’une force « herculéenne ». Profitant d’un ralentissement, il sauta du train avec quelques autres, et tous se dispersèrent. Les mitrailleuses crépitèrent ; Constant Le Floch ne le suivit pas, et rentra de Dachau en 1945.
Manu Brusq regagna Audierne en voyageant de nuit, souvent dans des wagons de marchandises, parfois caché par des cheminots. Trop facilement reconnaissable « au pays », du fait de la couleur de sa peau, il fut mis en contact avec Yves Le Meur, responsable des FTPF, par le cultivateur d’Audierne chez qui il s’était réfugié. Sa mise en sécurité jointe aux difficultés dues à l’afflux de réfractaires au STO fut à l’origine de la création par les FTP du maquis de la forêt de Cascader, près de Scaer. Malheureusement ce maquis fut dispersé par les Allemands le 23 octobre 1943.
Emmanuel Brusq rentra alors à Audierne où il dût vivre caché, parfois chez ses parents, parfois dans les fermes du pays, dont celle de M. Rogel dans le hameau de Kerhuon. Il fut repris le 19 février 1944, lors d’une opération des FTP, et incarcéré à la prison Saint-Charles à Quimper et condamné à mort par un tribunal allemand.
Dans la nuit du 20 au 21 avril 1944, il fut transporté avec une trentaine de ses camarades, dont Charles Le Port, pour être fusillé dans les dunes de Penmarc’h. Une dame, habitant dans une maison isolée proche de là, regarda à travers ses volets. Elle racontera plus tard : « j’ai vu un grand noir sauter du camion, accrocher l’officier du peloton par le cou, lui arracher sa baïonnette et le tuer ». Manu fut gravement brutalisé avant d’être fusillé.
La fosse fut ouverte le 31 août 1944 et livra trente-cinq cadavres.
Mort pour la France à l’âge de vingt ans, Emmanuel Brusq était sergent-chef des Forces françaises de l’intérieur (FFI).
La voie qui longe la plage d’Audierne porte son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151619, notice BRUSQ Emmanuel dit Manu par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 28 décembre 2013, dernière modification le 29 avril 2022.

Par Gilles Pichavant

SOURCES : AVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Site Les Amis de la Résistance du Finistère. – Arch. Muni. Quimper, fonds Alain Le Grand, 22 J 210. — État civil. Pointe de Cornouaille, 1940-1944, chronique d’une région maritime bretonne durant la Seconde Guerre mondiale, de Jean-Jacques Doaré et Alain Le Berre, mars 2006, ISBN : 2-9624073-0-4. – An disonj ne ket bezo ho eil sebeil, L’oubli ne sera pas leur second linceul, de Mme Yvonne Bouer-Trividic. – Témoignage d’Alain Brusq, son demi-frère. – Rapport d’activité d’Yves Le Meur. – Le site Aux marins, mémorial national des marins morts pour la France. — Arch Mun. Quimper, archives Alain Le Grand.

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