BOUCHAMA Abderrahmane [Dictionnaire Algérie]

Par Amar Benamrouche et René Gallissot

Né à Alger le 21 octobre 1906, militant d’abord aux JC à Blida, secrétaire de rayon communiste envoyé à l’école d’Orient à Moscou en 1932-1933 ; établi à Tlemcen, constructeur de médersas et de mosquées ; intermédiaire actif dans la collaboration du PCA et de l’Association des Oulémas au développement du Congrès musulman (1936-1937) ; installé à Alger, membre du comité central du PCA en 1949, président du Mouvement de la paix en Algérie ; continue son œuvre après l’indépendance, fidèle à ses idées d’alliance entre le communisme et une vision philosophique de l’Islam.

Le père d’Abderrahmane Bouchama était cadi (juge musulman) ; le garçon fait ses études en médersa puis au collège de Blida ; en 1927, il prend des cours de chimie à la Faculté des sciences d’Alger, faisant différents boulots pour subsister. Adhérent aux JC à Blida, prenant part à l’organisation de la grève de l’usine de pâtes, il devient responsable des Jeunes au rayon communiste de Blida ; en mars 1928, il est délégué à la conférence de la Région communiste à Alger, et en 1930, participe au Congrès des ouvriers arabes à Alger (voir au nom de René Cazala*). Dans son autobiographie pour l’IC (archives dites de Moscou), il déclare avoir été "suspendu pour avoir écrit une lettre d’injures à un camarade responsable d’Alger qui dénaturait les faits pour dégager ses responsabilités".

Tout en se disant sculpteur, il fait encore le garçon d’épicerie en 1931-1932, n’ayant plus le temps de militer. Il le retrouve un peu au contact de la paysannerie de la Mitidja, après avoir fait brièvement son service militaire à Blida (soldat de 2e classe indigène). En 1932, il part en France à Nantes où il est élève de l’Institut polytechnique, mais sans terminer les études d’ingénieur de la construction. Il appartient à la cellule communiste du centre de la ville.

C’est pour s’être distingué dans "le redressement du rayon communiste de Nantes" qui en fait un responsable de rayon, vraisemblablement à la suite de sanctions contre les dirigeants éliminés de la direction du parti (affaire dite Barbé-Celor), qu’il est adressé à l’école d’Orient à Moscou. Les observations portées sur sa bio de 1933, reconnaissant ses bonnes connaissances de l’arabe et du français, prennent note de sa volonté de combler "ses faiblesses théoriques" en jugeant son activité confuse notamment par rapport à l’Étoile Nord-africaine ; il lit beaucoup mais "très indistinctement".

On le retrouve en 1934, établi à Tlemcen comme architecte-géomètre. Il gagne en célébrité en conduisant la construction de la médersa Dar El-Hadith (Maison de la tradition prophétique). À Tlemcen ville de mosquées et dezaouias, des familles de bourgeoisie marchande et plus encore d’artisanat (voir au nom Badsi*), soutiennent l’éducation musulmane et fournissent des clercs et des magistrats ; l’Association des Oulémas avec le cheikh Larbi Tebessi s’implante fortement dans les années trente.

Nationalistes modérés de la Fédération des Élus ou radicaux de l’ENA puis du PPA d’autant que Messali* vient de Tlemcen, partisans des Oulémas et communistes se retrouvent dans les sociétés de musique notamment à la chorale de l’instituteur communiste Roger Bellissant*, et dans les activités locales de loisirs et de sports. A. Bouchama se voue à la rencontre du communisme et de l’Islam qui porte le rayonnement à Tlemcen et dans la campagne environnante, par le Congrès musulman, front algérien en parallèle du Front populaire (1936-1937). Il veut établir un pont ou élever une arche d’alliance.

Il installe ensuite ses bureaux d’architecte à Alger continuant à privilégier la restauration ou la construction d’édifices religieux. Abderrahmane Bouchama est élu membre du Comité central du PCA au 5e congrès qui se tient du 26 au 29 mai 1949. Emblématique de l’alliance entre les communistes et les Oulémas, il devient en 1950 président du Comité algérien du Mouvement de la paix qu’il représente dans toutes les manifestations et conférences du Conseil mondial de la paix. Arrêté tout après le déclenchement de l’insurrection nationale, il est interné au camp de Bossuet ; il est libéré au printemps 1962 et établit ses bureaux au quartier de Bab el Oued.

C’est à lui que s’adressent Abdelhamid Benzine* et les anciens d’Alger Républicain qu’il avait toujours soutenu, pour relancer le journal à l’indépendance, avant que Henri Alleg* ne les rejoigne depuis Prague. La première équipe travaille dans son bureau même. « une seule machine à écrire posée sur la cheminée, on tape debout ». Alger Républicain gagnera ensuite l’hôtel Albert 1er pour récupérer à proximité, les locaux de la Société nationale d’édition, près de la Grande Poste.

En liaison avec l’Association des Oulémas et les ministères successifs des Affaires religieuses, dans ses constructions d’édifices d’enseignement et de culte, Abderrahmane Bouchama n’a cessé d’imprimer à ses ouvrages, un style puisé dans l’héritage musulman. Fasciné par l’Alhambra de Grenade et le Taj Mahal indien, en quête permanente de « l’arceau qui chante » (c’est le titre d’un de ses livres-manifestes), il est allé acquérir cet esprit architectural au Maroc auprès des maâlim (maîtres), architectes et artisans de palais,

On lui doit notamment la construction de nombreux édifices publics sur les hauteurs de la capitale, la conception architecturale de l’Institut des sciences islamiques qui devient l’Institut des sciences sociales, et le schéma original d’une grande mosquée, restée inachevée, à Aïn Defla dans l’Ouest algérien. Le rapprochement avec les Oulémas n’apparaît pas tactique chez cet homme doté d’une double culture, philosophique et religieuse. A. Bouchama, on est tenté de dire que ses convictions communistes n’ont d’égal que sa croyance en Dieu.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151688, notice BOUCHAMA Abderrahmane [Dictionnaire Algérie] par Amar Benamrouche et René Gallissot, version mise en ligne le 30 décembre 2013, dernière modification le 13 mai 2015.

Par Amar Benamrouche et René Gallissot

ŒUVRE  :L’arceau qui chante, SNED, Alger, 1966. — Mouvements pensants et matière, SNED, Alger, 1968. — La grandeur de l’unité, SNED, Alger, 1976. — L’oasis géante, ENAL, Alger, 1984.

SOURCES : Notes de A. Taleb-Bendiab. — Presse communiste, notamment Saout Echaab, organe du PAGS. — B. Khalfa, H. Alleg, A. Benzine, La grande aventure d’Alger républicain, Messidor, Paris, 1987. — RGASPI (arch. dites de Moscou), 495 189 35.

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