BOUDIA Mohamed [Dictionnaire Algérie]

Par Amar Benamrouche

Né le 24 février 1932 à la Casbah d’Alger ; assassiné à Paris le 28 juin 1973 dans l’explosion de sa voiture ; homme de théâtre en France et écrivain révolutionnaire, à Dijon puis à Paris ; à partir de 1955, activiste de l’Organisation spéciale de la Fédération de France du FLN ; arrêté en 1958, évadé de la prison de Fresnes en 1961 prenant place dans la troupe de théâtre du FLN à Tunis ; directeur du théâtre national algérien (1963-1965) ; en exil en France (Théâtre de l’Ouest parisien à Boulogne-Billancourt), activiste de la cause palestinienne.

Mohamed Boudia
Mohamed Boudia

Après avoir été scout musulman, à l’âge de 17 ans à Alger, Mohamed Boudia découvre le théâtre qui sera sa passion et son activité publique. En 1950 il part en France faire son service militaire à Dijon. Démobilisé en 1952, il se mêle à l’action théâtrale en Bourgogne puis à Paris, tout en étant lié aux groupes nationalistes en France du PPA-MTLD. Partagés entre fidèles de Messali* et partisans du Comité central, ceux-ci sont travaillés par l’impatience de passer à l’acte insurrectionnel. En 1955 à Paris, il crée une troupe théâtrale pour laquelle il écrit un certain nombre de textes dramatiques qui restent pour la plupart inédits. Mohamed Boudia est doublement un activiste.

Il participe à l’avant-garde théâtrale marxisante qui s’exprime dans la revue Théâtre Populaire, mais en étant plus proche de l’agit-prop des années 1920 et du jeune Brecht que de la théorisation de la mise en scène et du jeu des acteurs que Brecht désigne ensuite comme pratique de la distanciation. Le fondement n’en est pas moins la critique sociale et l’insurrection contre les puissances et les systèmes de domination. L’activisme politique qui tend à être premier est celui de l’engagement direct dans la lutte de libération.

Volontaire de l’Organisation spéciale de la Fédération de France du FLN, il participe à des opérations coup-de-poing ; habitant en compagnie de Mourad Bourboune* dans le Nord-Est de Paris, il appartient aux groupes de choc qui affrontent les groupes du MNA ; en 1956, il est blessé à la main ; ces groupes sont appelés par la suite à monter des actions de sabotage d’installations industrielles françaises. C’est d’ailleurs à la suite de l’une de ces actions menée en 1958 à Marseille qu’il est arrêté et condamné à 20 ans de prison.

Incarcéré à la prison de Fresnes (au sud de Paris) en compagnie d’Étienne Bolo*, il profite de ce répit carcéral pour écrire Naissances et L’olivier ses deux principales pièces. Il adapte des textes du théâtre classique français, en particulier des comédies de Molière. En 1961 il s’évade pour rejoindre à Tunis l’équipe théâtrale du FLN dirigée alors par Mustapha Kateb* ; il en devient l’administrateur.

En Algérie à l’indépendance, il sera à l’origine avec Mourad Bourboune*, de la publication de deux organes de presse  : Novembre (1963) revue culturelle, et plus éphémère Alger ce soir (1964), quotidien. Dans la période Ben Bella, il organise et dirige le Théâtre national algérien (TNA). Recherché après le coup d’État du 19 juin 1965, il se réfugie en France et devient pour la Région parisienne le responsable de l’ORP (Organisation de la Résistance populaire) puis ORP-PAGS. Grâce à George Gorse* devenu ambassadeur de France à Alger, ancien socialiste SFIO et plus encore gaulliste qui travaille à son implantation politique et vise la conquête de la mairie, il est accueilli au Théâtre de l’Ouest parisien à Boulogne-Billancourt où il fera fonction d’administrateur.

Toujours voué à l’action théâtrale, il mène à nouveau une double vie. Il s’investit totalement dans le mouvement de libération de la Palestine et adhère à l’une de ses fractions marxisantes la plus radicale  : le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), dirigé par Georges Habache. Il devient un des responsables du réseau clandestin opérant en Europe. Malgré des contacts, il ne peut guère faire fond sur des soutiens venant d’Alger. Il est tué au quartier latin à Paris le 28 juin 1973 par l’explosion d’une bombe à l’ouverture de sa voiture. Ses funérailles eurent lieu à Alger dans une semi-clandestinité. Le considérant comme un opposant, les autorités algériennes et les autorités françaises pour n’avoir pas à reconnaître l’action des services israéliens, se rejoignent dans une complicité du silence qui dure encore. L’action en justice pour cet assassinat politique commis en France reste sans suite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151698, notice BOUDIA Mohamed [Dictionnaire Algérie] par Amar Benamrouche, version mise en ligne le 30 décembre 2013, dernière modification le 30 décembre 2013.

Par Amar Benamrouche

Mohamed Boudia
Mohamed Boudia

SOURCES  : A. Cheurfi, Écrivains algériens, dictionnaire biographique, Casbah-éditions, Alger 2003. — A.Cheniki, Le théâtre en Algérie, itinéraire et tendance, thèse de doctorat, Université Paris IV-Sorbonne, 1993, publié sous le titre  : Le théâtre en Algérie. Histoire et enjeux. Edisud, Aix-en-Provence, 2002.

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