BOUHALI Larbi [Dictionnaire Algérie]

Par Jean-Louis Planche

Né le 15 mars 1912 à El Kantara dans le Constantinois, communiste depuis 1934, permanent du Secours rouge international, membre du comité central du PCA en 1937 ; arrêté en 1940, libéré en 1943 du camp de Djenien-bou-Rezg ; secrétaire du Bureau politique du PCA en 1944 puis premier secrétaire de 1947 à 1962 ; depuis 1956, représentant du PCA à l’extérieur.

Larbi Bouhali
Larbi Bouhali

Les parents de Larbi Bouhali étaient de petits paysans en difficulté qui tentèrent de s’établir à Biskra en tenant un commerce de fruits et légumes ; ils avaient une douzaine d’enfants qui meurent la plupart en bas-âge. Très tôt orphelin de père qui s’était un temps employé comme cheminot alors que sa mère se remarie avec un autre cheminot rapidement renvoyé puis télégraphiste congédié lors de la crise économique, le jeune garçon fréquente épisodiquement l’école coranique et n’accède à l’école française qu’à l’âge de 11 ans. Malgré ce handicap, il obtient une bourse pour l’école primaire supérieure de Constantine, mais après deux années de cours, sa bourse est suspendue ; il est contraint d’interrompre ses études avant d’avoir pu obtenir le brevet.

De mars 1930 à juin 1934, il est employé comme aide-comptable à Alger dans une maison de vente d’instruments de musique alors qu’il a à sa charge un jeune frère et son parâtre. Il n’est guère attiré par le Cercle du progrès d’où rayonne l’Association des Oulémas, et lui préfère l’Association des travailleurs sans-dieu. Il a rassemblé autour de lui une vingtaine de camarades, pour la plupart kabyles, persuadés que l’Islam, opium du peuple, anesthésie toute volonté de résistance à l’oppression. Cette adhésion sans lendemain participe de la soif de comprendre et d’entreprendre qui a saisi une partie de la jeunesse algérienne en ces débuts des années trente.

C’est par un militant d’origine italienne que Larbi Bouhali prend contact avec le Parti communiste au printemps 1934 ; ce camarade le présente bientôt à Benali Boukort* secrétaire de la Région algérienne. Sous l’impulsion d’André Ferrat*, délégué par le bureau politique du PCF, la Région, en profonde réorganisation, est à la recherche de cadres. En juin 1934, muni d’un faux passeport, Larbi Bouhali s’embarque pour Marseille. Il passe un mois à Paris à la section coloniale du PCF auprès de A. Ferrat, puis sous une nouvelle identité, gagne la Belgique où le bureau de Bruxelles du Komintern le prend en charge. Il quitte Anvers à bord d’un cargo soviétique et débarque, début septembre, à Leningrad, pour suivre à Moscou des cours à l’École des peuples d’Orient.

Selon ses souvenirs recueillis en 1989, Larbi Bouhali se retrouve avec deux autres algériens qui ont fait le voyage ensemble, un venant de Perrégaux (Mohammadia), l’autre de Sidi-Bel-Abbès. Tenus sous surveillance policière, isolés, ils reçoivent des cours particuliersen italien que traduit en français, un interprète soviétique. Ils n’ont d’autre lecture que La Correspondance internationale, l’organe de l’Internationale communiste. Selon les dires de Larbi Bouhali, ayant violemment protesté et demandé à regagner l’Algérie à la fin de la première année, les trois élèves algériens sont autorisés à suivre les cours de deuxième année en compagnie de quatre autres algériens dont deux viennent de Tlemcen. Munis de passeports palestiniens, les sept condisciples regagnent l’Algérie en juillet 1936 en passant par la Scandinavie et la France ; seul Larbi Bouhali est resté communiste.

De retour à Alger, Barthel* (Jean Chaintron), l’envoyé du PCF pour relancer le parti communiste en Algérie, l’envoie en renfort à Constantine où Rachid Debabèche* et Paul Estorges* sont les représentants communistes au Congrès musulman dont le cheikh Ben Badis* est l’âme à Constantine. Mais l’organisation du PC à Constantine est trop pauvre pour appointer un permanent et Larbi Bouhali ne parvient pas à trouver un emploi. Il revient à Alger où en octobre, Barthel* lui propose d’entrer comme permanent au Secours rouge international. Larbi Bouhali s’y montre très actif, notamment dans l’aide à l’Espagne républicaine (collectes, départs des volontaires, accueil des réfugiés). En décembre 1937, il entre au comité central du PCA.

Fin août 1939, il participe avec Kaddour Belkaïm*, Pierre Fayet* et Amar Ouzegane* à l’organisation de la structure clandestine du PCA sur le point d’être interdit. Mais le trouble provoqué par la signature du pacte germano-soviétique est tel que Kaddour Belkaïm* fait fi des précautions les plus élémentaires ; il est arrêté ; Ouzegane* fait défection ; Benali Boukort*, le premier secrétaire du bureau politique, mobilisé, a rompu tous liens (début janvier 1940, dans une lettre publiée par la presse, il dénonce le pacte germano-soviétique et son appartenance au Parti communiste). La structure s’effondre.

Cependant un petit groupe renforcé par des Oranais (Thomas Ibanez* et Lisette Vincent*) et les anciens brigadistes dont Maurice Laban*, impulsé par le communiste espagnol Ramon Via* (Manuel) relance clandestinement La Lutte Sociale et projette même de former un Comité central. Au début, Larbi Bouhali est en contact puis semble décrocher après les réserves prononcées au nom du PCF par Roland Lenoir*, ancien responsable des JC en Algérie qui depuis Marseille suit l’activité du PCA enliaison avec sa femme, Paulette Lenoir*, professeur de lettres, restée à Alger. Roland Lenoir et le PCF rejettent l’appel à l’indépendance de l’Algérie publié par La Lutte Sociale.

En avril 1940, Larbi Bouhali est arrêté ; il est rejoint en détention par Amar Ouzegane*. Tous deux sont envoyés au camp de Djenien-Bou-Rezg, sur la steppe du Sud oranais, où de nombreux communistes, des socialistes, des francs-maçons, des nationalistes et quelques partisans des Oulémas sont internés. Larbi Bouhali et Nicolas Zannettacci* sont désignés en octobre 1941 par la nouvelle direction communiste clandestine reconstituée par Paul Caballero*, comme étant les deux hommes qu’il importe de faire évader. Amar Ouzegane* s’y refuse. L’évasion réussit, mais une interruption imprévue du trafic ferroviaire les laisse à la merci des forces de sécurité lancées à leur poursuite. Repris, ils sont internés six mois à Oran puis renvoyés au camp. Six mois seulement après le débarquement allié du 8 novembre 1942, sur intervention des députés communistes déportés en Algérie et enfin libres, Amar Ouzegane* et Larbi Bouhali et d’autres cadres communistes algériens sont transférés en mai 1943 au camp de Bossuet. Amar Ouzegane* est libéré en premier et Larbi Bouhali quelques semaines après en juin.

C’est Larbi Bouhali qui est choisi avec Nicolas Zannettacci*, au nom de la pratique d’association d’un dirigeant « musulman » auprès d’un dirigeant « européen » par la délégation communiste du PCF à Alger dirigée par François Billoux* pour présenter le rapport politique à la première conférence légale que tient le PCA le 15 août 1943. C’est indiquer qu’ils sont destinés à assurer la direction du parti. Amar Ouzegane* est chargé du rapport à l’organisation. C’est ensuite Amar Ouzegane* qui va passer en premier sous l’impulsion d’André Marty chargé de mission par Moscou pour suivre les PC d’Afrique du Nord. À la conférence des Partis communistes d’Afrique du Nord tenue à Alger le 30 novembre 1943, l’intervention d’Amar Ouzegane* est déjà mise en avant. Son rôle est officialisé par la Conférence centrale du PCA du 23-24 septembre 1944 ; Amar Ouzegane* est désigné pour présenter le rapport politique et devient premier secrétaire du PCA. Nicolas Zannettacci* et Larbi Bouhali restent secrétaires du Bureau politique mais le premier chargé de l’Oranie et le second du Constantinois.

Au sein de la direction communiste, Larbi Bouhali aussi bien qu’Amar Ouzegane* soutiennent la création en septembre 1944 des Amis de la démocratie, une association que les communistes veulent mettre en place pour répliquer aux Amis du Manifeste de la Liberté, association lancée par Ferhat Abbas et que les militants messalistes du PPA transforment en mouvement de masse. Aussi le PCA apparaît-il en porte-à-faux en mai 1945 lors des massacres de Sétif et Guelma. Comme les manifestations violentes et la répression touchent principalement le Constantinois, au Comité central du PCA du 9 mai 1945, c’est l’action de Larbi Bouhali qui est mise en cause pour sa faiblesse tant par Amar Ouzegane* que par Alice Sportisse*, mais les membres du Comité central venant du Constantinois se montrent solidaires de Larbi Bouhali.

En mettant à l’écart Amar Ouzegane*, le congrès de 1947 du PCA rend à Larbi Bouhali la place de premier secrétaire du bureau politique qu’il conserve nommément jusqu’en 1962. Depuis lors, quels que soient les tournants et les contre-coups du XXe congrès du Parti soviétique en 1956 et après, Larbi Bouhali s’identifie à la ligne de continuité pro-soviétique du PCA, tout en étant capable en interne de dire ses reproches face aux dirigeants soviétiques.

Durant la guerre de libération après l’interdiction du PCA et les nombreuses arrestations, la direction intérieure est assurée principalement par Bachir Hadj Ali* et Sadek Hadjerès*. En septembre 1956, Larbi Bouhali quitte clandestinement l’Algérie ; il s’embarque sur un cargo vers la Chine pour aller représenter le PCA au VIIIe congrès du Parti chinois. Au retour par la France puis par l’Albanie, il gagne Prague en décembre 1956 pour diriger la délégation extérieure du PCA, prenant ses quartiers dans cette place centrale et de relais de l’action communiste soviétique dont les positions s’expriment dans La Nouvelle Revue Internationale.

À l’indépendance, Larbi Bouhali revient prendre place dans la direction du PCA interdit mais toléré sous Ben Bella. Après le coup d’État du colonel Boumédienne, après le passage à l’ORP, opposition clandestine, quand le PCA se réorganise en Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS), en 1966, il repart dans les pays de l’Est assurer la représentation extérieure. Il se montre critique des partis frères qui continuent à privilégier les relations avec le FLN, plus proche en cela du PCF que du PC de l’URSS, bien qu’il soutienne le rapprochement du PAGS, non reconnu, avec le régime de Boumédienne ; il adresse dans ce sens un long rapport au Comité central du PC soviétique daté de Paris, 29 mars 1967. Après 1972 ou 1973, il n’exerce plus de responsabilités.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151713, notice BOUHALI Larbi [Dictionnaire Algérie] par Jean-Louis Planche, version mise en ligne le 30 décembre 2013, dernière modification le 18 mai 2017.

Par Jean-Louis Planche

Larbi Bouhali
Larbi Bouhali

SOURCES  : Arch. de la Commission coloniale du PCF, microfilms remis à l’Institut Maurice Thorez, IRM Paris. — Interview de Roland Rhaïs*, Alger, 1985. — Interview de Larbi Bouhali, Paris 1989. — Première version de notice par J.-L. Planche, Parcours, op.cit., n° 11, 1989, complétée par R. Gallissot sur Arch. RGASPI de Moscou, 495 189 14, dossier Larbi Bouhali, comprenant deux autobiographies de 1952 et le rapport cité de mars 1967, sorte de testament.

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