BRAUN Pierre [Dictionnaire Algérie]

Par Frédérick Genevée

Avocat à Paris, secrétaire du groupe des avocats communistes ; avocat anticolonialiste du collectif des avocats pendant la guerre d’Algérie, faisant la navette Paris et l’Algérie.

Né dans une famille de petits commerçants parisiens, Pierre Braun fut contraint à cause de ses origines juives, quand arriva la Seconde Guerre mondiale, de se réfugier avec sa famille dans la région de Grenoble. C’est dans cette ville, qu’il poursuivit des études de droit. Il rejoignit alors les rangs de l’Union patriotique des étudiants, et participa à la Résistance. Pendant la Résistance, il noua des contacts avec les communistes. À la Libération, il entretint aussi des relations avec l’intellectuel trotskiste Laurent Schwartz. Malgré ces dernières et par « souci d’efficacité », il adhéra au PCF en 1946. Sur le plan professionnel, Pierre Braun embrassa la carrière d’avocat en prêtant serment le 5 décembre 1945, devenant alors le plus jeune avocat de France. Il participa activement dans les années cinquante au « groupe » des avocats communistes dont il devient le secrétaire….

La cause politique dans laquelle Pierre Braun s’investit le plus, en tant qu’avocat et militant communiste, fut la défense anticolonialiste. Il appartint au cercle restreint d’avocats engagés dans la défense anticoloniale après 1945 partout où la répression emprunta la voie judiciaire. En 1950, il fit ses premières armes dans la défense anticoloniale en AOF durant la vague de procès collectifs visant à

démanteler les différentes sections territoriales du Rassemblement démocratique africain (RDA) présidé par F. Houphouet-Boigny. Pendant deux ans, il se rendit à plusieurs reprises en Afrique noire pour des séjours de deux mois durant lesquels il plaida dans des conditions difficiles comme au Niger, en Côte d’Ivoire et surtout au Cameroun où il défendit le leader de l’UPC, Um Nyobé. Ces plaidoiries

lui valurent d’être affublé du titre « d’avocat blanc au cœur noir », et une franche hostilité de la part des autorités coloniales.

Parallèlement il intervint en Algérie sous l’égide du SPF et du MTLD de Messali Hadj* dans trois types d’affaires politiques entre 1950 et 1954  : les procès liés aux suites des événements de 1945 (Affaire Zérouali et les maquis de Kabylie), les procès liés à l’utilisation de l’article 80 (atteinte à la sécurité extérieure de l’État) qui concernaient aussi bien des militants nationalistes et communistes, enfin les procès de l’Organisation spéciale du MTLD dans lesquels il défendit Ahmed Ben Bella.

C’est tout naturellement que Pierre Braun joua un rôle central dans la mise en place des collectifs de défense pendant la Guerre d’Algérie. Fort de son expérience coloniale il s’affirma comme un des animateurs du collectif d’avocats mis sur pied avec le concours du PCF et en relation avec la Section coloniale du PCF (Élie Mignot*) et dont le but était de jeter un « pont aérien juridique » entre la France et l’Algérie pour assurer une défense politique aux milliers de nationalistes poursuivis. Il se rendit ainsi régulièrement en Algérie (surtout dans la région de Constantine) pour plaider la cause algérienne devant les cours d’assises puis les tribunaux militaires. Avec la différenciation de la défense politique en Algérie, il entretint des relations conflictuelles avec le collectif autonome mis en place par le FLN autour de Jacques Vergès ; le FLN donnant des instructions aux militants, de déconstituer les avocats du collectif communiste.

En 1958, il fut l’objet de poursuites pour entreprise de démoralisation de l’armée, en raison d’un article, "Justice à la chaîne", écrit dans l’hebdomadaire communiste France Nouvelle du 19 décembre 1957 dans lequel il dénonçait la répression judiciaire. Cette procédure n’aboutit pas car elle fut éclipsée par son arrestation le 15 mai 1958 par des parachutistes, en compagnie de l’avocate Gisèle Halimi* lors du putsch à Alger et alors qu’ils venaient de s’embarquer sur le « Kairouan » pour rejoindre la France. Acheminés d’abord vers le Casino de la Corniche à Alger, un centre de tri et d’interrogatoire commun aux policiers et aux parachutistes, les deux avocats furent internés à Ain Taya, où ils furent rejoints le 22 mai par deux autres avocats parisiens Dominique Stefanaggi et Michel Kaganski. Ils ne durent leur libération, le 6 juin 1958, qu’aux pressions exercées par de nombreuses personnalités, les barreaux, l’AIJD, sur le Cabinet de Gaulle par l’intermédiaire de l’avocat gaulliste Henry Torrès, et plus globalement à l’émotion suscitée par cette atteinte fondamentale aux droits de la défense. Interdit de séjour en Algérie jusqu’en 1962, il poursuivit la défense en métropole.

Pierre Braun, comme la plupart de ses confrères communistes, n’exercèrent pas de responsabilités importantes au sein du PCF. Il fut élu secrétaire à l’organisation de l’une des sections du XVIIe arrondissement de Paris. En 2002, Pierre Braun exerçait toujours son activité au sein du Barreau de Paris ; il était toujours membre du PCF.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151746, notice BRAUN Pierre [Dictionnaire Algérie] par Frédérick Genevée, version mise en ligne le 30 décembre 2013, dernière modification le 30 décembre 2013.

Par Frédérick Genevée

SOURCES  : Entretien avec Pierre Braun. — Archives du ministère de la Justice. (en collaboration avec Sharon Elbaz) — Extrait de la notice du DBMOMS, op.cit.,t. 2, 2006.

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