LIPCER Ephraïm alias FÉRAUD Émile, alias LEMONNIER André

Par Daniel Grason

Né le 6 juillet 1910 à Suwalki (Pologne), mort en 1943 à Auschwitz (Pologne) ; membre de la sous-section juive du Parti communiste ; agent de publicité à Presse nouvelle, marchand forain ; militant de la Main d’œuvre immigrée (MOI) ; résistant déporté ; victime de l’antisémitisme.

Ephraïm Lipcer
Ephraïm Lipcer

Né dans une famille juive polonaise, fils de Moïse et de Chaja, née Lew, Ephraïm Lipcer fit ses études au lycée de Radom obtint le baccalauréat. Il vint en France en 1929, espérant poursuivre des études universitaires à Montpellier (Hérault), mais du fait de difficultés financières, il travailla. Il épousa Gnisia [Germaine] Breynazin, le couple vivait 11 rue Neuve-Popincourt à Paris (XIe arr.). Il obtint la nationalité française par décret le 30 décembre 1937, exerçait sa profession d’agent de publicité à Presse nouvelle édité par la sous-section juive du Parti communiste.
Mobilisé en 1939, il fut affecté au 73e Groupe de reconnaissance, démobilisé en septembre 1940 à Fleurance (Gers). Il écrivit dans la presse clandestine juive J’Accuse édité en français et Unzer Vort (Notre Parole) édité en yiddish. Il rencontra Judas Barszczewski qu’il avait connu avant la guerre ; il entra dans l’organisation Solidarité et développa des activités de vente de gants qui permettaient d’alimenter la caisse de l’organisation : des militants, dont lui-même, proposaient des articles dans des magasins. Par l’intermédiaire de Judas Barszczewski, Ephraïm Lipcer eut des contacts avec Jankel Gelemer, Moszek Puterflam, David Apelbaum et Sura Rozemblum. Pour lui permettre d’exercer cette activité clandestine, Ephraïm Lipcer était muni de faux papiers, se métamorphosa en Émile Féraud et André Lemonnier, il quitta son logement de la rue Neuve-Popincourt pour le 2 Impasse du Maroc dans le XXe arrondissement, il était permanent appointé deux mille francs par mois.
Les policiers de la Brigade spéciale no 2 (BS2) filèrent des membres de la M.O.I pendant plusieurs semaines, Ephraïm Lipcer était vu : le 2 avril vers 11 heures 30 en compagnie de Gelemer ; le 23 avril avec Abraham Rajgnodzski dit Adam Rayski sur le boulevard Henri IV ; le 29 avril vers 9 heures 10 rue Secrétan avec Puterflam ; le 6 mai 1943, en compagnie de [Judas Barszczewski>152032] Porte d’Orléans, puis le 8 juin rue Monceau où se trouvait aussi Chana Goldgewitcht, le 24 juin vers 9 heures rue Monsieur le Prince avec Puterflam et Besserman. D’autres rendez-vous furent notés dans les rapports de filature des Brigades spéciales, son logement clandestin était connu, Lipcer surnommé « Maroc ». Il ne se rendit pas compte qui était filé, ce qui permis à la police de repérer beaucoup de militants.
Le 2 juillet 1943 vers 13 heures 15, trois inspecteurs de la BS2 appréhendèrent Ephraïm Lipcer à la hauteur du 130 rue de Belleville (XXe arr.), il portait une fausse carte d’identité au nom d’Émile Féraud, un carnet de notes. Dans son logement les policiers mirent la main sur les faux papiers qu’il utilisait, deux feuillets de rendez-vous, onze feuillets d’adresses et un carnet. Il avait été signalé aux Renseignements généraux dès janvier 1942 pour « commerce illicite », recherché sans succès.
Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales, tabassé, peut être torturé, Ephraïm Lipcer était interné sous le matricule 3200 à Drancy. Il était le 31 juillet 1943 dans le convoi 58 à destination d’Auschwitz, il y mourut. Sur un millier de déportés, il y eut vingt-huit survivants dont dix-huit femmes. Le nom d’Ephraïm Lipcer figure sur le mur des noms au Mémorial de la Shoah rue Geoffroy-l’Asnier, (IVe arr.) avec comme prénom Sylvain, avec le nom de sa femme Gnisia déportée dans le même convoi.
L’activité d’Ephraïm Lipcer sera occultée dans certains ouvrages de David Diamant, il fut en quelque sorte rendu responsable des chutes. En fait l’épouse de Lipcer née Gnisia [Germaine] Beynazin, française par naturalisation, appréhendée à son domicile par trois inspecteurs de la BS2 parla sans contrainte. Elle était présente lors de visites de membres de l’organisation communiste clandestine. Elle déclara qu’elle « était opposée aux doctrines de ce parti. J’ai toujours refusé d’entrer dans l’organisation clandestine et je me suis souvent disputée avec mon mari à ce sujet. » Elle reconnut sur photographies plusieurs d’entre eux : Judas Barszczewski dit Idl Kormann, Abraham Rajdgrodzi dit Adam Rayski, Moszek Puterflam, Gita Lederman épouse Rymland, et la femme Rozenblum. Pour l’essentiel, les arrestations étaient le résultat d’un travail intense et méticuleux des policiers des Brigades spéciales, les déclarations de Gnisia Lipcer ont été des confirmations.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151799, notice LIPCER Ephraïm alias FÉRAUD Émile, alias LEMONNIER André par Daniel Grason, version mise en ligne le 31 décembre 2013, dernière modification le 15 mars 2022.

Par Daniel Grason

Ephraïm Lipcer
Ephraïm Lipcer

SOURCES : Arch. PPo. BA 2298, GB 130, KB 25, PCF carton 14 rapports hebdomadaires de la préfecture de police sur l’activité communiste. – Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Denoël, 1986, p.207-211. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1989. – Site internet CDJC.

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