HABLAL Nassima [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Secrétaire de Ramdane Abane dirigeant du FLN à Alger en 1955-1956 ; membre de base du secrétariat administratif de l’UGTA à sa création ; arrêtée et torturée en 1957 ; en résidence en France, passe en clandestinité à Paris au service de l’Amicale Générale des Algériens en France (AGTA) avant de gagner Tunis.

Entrée en militantisme au PPA clandestin dès les années 1940 à Alger tant dans son milieu familial à Belcourt que dans un groupe de jeunes filles de la Casbah, Nassima Hablal se joint aussi dans les années 1950 à la petite équipe des chrétiens de gauche autour de Pierre Chaulet* et d’André Mandouze (Association de la jeunesse algérienne d’action sociale) se rendant aux week-ends dans les bidonvilles. Dès 1950, Nassima Hablal, qui est secrétaire de direction, se distingue comme militante à l’Association des femmes musulmanes d’Algérie mise en avant par le MTLD (voir Mamia Chentouf). Aux côtés de jeunes syndicalistes, aussi bien nationalistes que communistes ou sympathisants, délégués par l’Union CGT d’Algérie, elle participe au Festival de la jeunesse organisé à Prague en 1953 par la Fédération des Jeunesses démocratiques qui est d’obédience communiste et invite largement des représentants des pays dominés. Dans le défilé, elle est en tête de la délégation, drapée dans le drapeau algérien.

Habitant près du Jardin d’essai et veillant à son hébergement, elle devient la secrétaire de Ramdane Abane quand, en 1955, celui-ci exerce la responsabilité politique du FLN à Alger ; il est le principal dirigeant de l’intérieur de la lutte de libération. L’appellation de secrétaire couvre une activité multiple de véritable co-organisatrice, tant pour les rencontres, les caches, les prises de textes, et certes lourdement la dactylographie et le tirage à la ronéo. C’est elle qui prépare les documents, met en forme et tire le programme de la Soummam du congrès du FLN de septembre 1956. Elle devait partir à Paris avec son ami Mustapha Ben Mohamed, formé au PPA-MTLD venu de Cherchell à Alger auprès du bureau du FLN, envoyé par R. Abane à la direction de la Fédération de France, quand celui-ci est arrêté. Arrêtée à son tour momentanément, à sa sortie, elle devient permanente de l’UGTA.

Dès la création en février 1956, elle travaille au secrétariat administratif de l’UGTA ; en fait, elle est la personne de base qui accueille au siège de l’UGTA, ordonne les réunions et dirige le secrétariat au sens propre de rédaction, dactylographie, tirage. Double charge donc, politique clandestine et en même temps organisatrice de la centrale syndicale. Ses absences du siège quand elle travaille pour R. Abane ou exécute des missions pour le FLN, ne sont pas toujours comprises de la direction de l’UGTA qui souhaite l’avoir totalement à sa disposition et pense un moment la sanctionner. En tout cas, dans ce que l’on désigne comme le secrétariat de l’UGTA qui ne comprend que des hommes et connaît des recompositions après arrestations, elle n’est que secrétaire administrative ou chargée du secrétariat technique comme encore dans le Comité désigné pour suivre la grève de huit jours de la fin janvier 1957.

Le siège de l’UGTA est situé dans l’ancien cercle Chérif Saadane du parti de Ferhat Abbas, l’UDMA, dont les fenêtres à l’étage donnent sur la Place Lavigerie où se trouvent l’archevêché et la mosquée Ketchaoua devenue cathédrale. Lors de l’attentat contre le siège de l’UGTA le 30 juin 1956, N. Hablal venait de sortir depuis quelques minutes pour acheter des stencils, quand explosa une charge de plastic dans l’escalier qui conduisait aux bureaux. Au retour elle sauve la machine à écrire et la ronéo qui sont portés dans la salle proche du cinéma l’Odéon, alors fermé. Le secrétariat de l’UGTA s’installe un temps dans les anciens locaux du MTLD, place de Chartres en faisant sauter les scellés ; il sera ensuite chassé des lieux. C’est dans la clandestinité qu’elle participe activement au Comité de grève de janvier 1957, d’autant qu’elle assure la liaison avec la direction politique du FLN, Larbi Ben Mehidi et R. Abane logé dans un appartement acheté par Mustapha Ben Mohamed, pour l’heure emprisonné.

Arrêtée le 21 janvier 1957, deux jours avant l’arrestation de L. Ben Mehidi dans l’opération de démantèlement par les parachutistes français du FLN à Alger, elle est durement torturée de « villas en villas », et au centre de tortures de l’armée française de la villa Sésini dite Susini. Condamnée par le tribunal militaire à dix ans de réclusion, elle est transférée dans des prisons de France métropolitaine, puis placée en résidence surveillée dans un village de Bourgogne. En 1961, elle gagne Paris où Mohamed Farès*, alors responsable de l’Amicale des Algériens en France, la confie à son oncle Abderrahmane Farès*, l’ancien président de l’Algérie algérienne quand il était élu SFIO, réfugié à Paris et s’étant mis au service de la Fédération de France du FLN pour gérer ses finances. Elle est convoyée vers Genève, passe en Allemagne auprès d’Omar Boudaoud qui est à la tête de la Fédération du FLN ; il hésite à la faire rentrer à Alger et l’envoie à Tunis pour reprendre place auprès de la direction de l’UGTA qui est dans la dépendance à la fois du GPRA et des appareils du FLN.

Déconcertée par les pratiques manœuvrières et clientélistes qui règnent à Tunis, H. Hablal ne sait comment se situer entre clans rivaux qui entendent s’approprier le secrétariat de l’UGTA, surtout après les accords d’Évian de mars 1962 qui annoncent le retour à Alger. Krim Belkacem, vice-président du GPRA envoie ainsi pour réorganiser la Zone autonome d’Alger du FLN, en marge des willayas, l’ancien responsable du MTLD qui a connu longuement la prison, Mohammed Ben Mokkadem ; Krim Belkacem s’appuie également sur Abdennour Ali Yahia pour prendre en mains l’UGTA. Mais à Alger, les envoyés de Benyoussef Ben Khedda, président du GPRA, le commandant Azzedine et Omar Oussedik* sont déjà aux commandes de la Zone autonome tandis que les survivants de l’ancienne direction fondatrice de l’UGTA s’efforcent de réorganiser la direction syndicale. Hassima Hablal revient à Alger en mai 1962.

Devenue Mme Ben Mokkadem, elle se tient à l’écart de la scène politique et syndicale, et exerce simplement pour de longues années, la direction d’un institut de formation professionnelle féminin à Alger. Dans son ouvrage qui témoigne de l’histoire fondatrice de l’UGTA (Les syndicalistes algériens, op. cit.), Boualem Bourouiba, pour sa première mention, a cette juste formule d’hommage : « militante algérienne hors du commun, jouera un rôle irremplaçable à l’UGTA dès sa création en 1956 ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151810, notice HABLAL Nassima [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 1er janvier 2014, dernière modification le 1er janvier 2014.

Par René Gallissot

SOURCES : M. Farès, Aïssat Idir, op. cit. — B. Stora, Dictionnaire biographique des militants nationalistes algériens, op. cit., Les syndicalistes algériens, op. cit. — Entretien avec Nassima Hablal, El Watan, Alger, 16 juin 2005.

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