ROGE Léon François

Par Gilles Pichavant, Henri Rogé

Né le 9 juillet 1924 à Paris, mort le 12 septembre 1969 à Dieppe (Seine-Maritime), professeur d’éducation physique ; militant à la JOC à Saint-Ouen (Seine) ; militant communiste de la Seine-Maritime ; conseiller général de Dieppe (1964-1969) ; sénateur de la Seine-Maritime (1968-1969) ; membre de la commission des affaires culturelles du Sénat, Membre du groupe communiste.

Léon Rogé
Léon Rogé
Sénateur de Seine-maritime

Léon Rogé fut le fils ainé d’Henri Rogé, né en 1895 à Siguer, près de Tarascon-sur-Ariège (Ariège), et mort en 1974, et d’Henriette, née en 1899 à Pouydesseaux (Landes), et morte en 1976. Léon Roge eut deux frères : Henri (né en 1927, et mort en 1949), et Jacques (né en 1928). Les conditions de vie et de travail de la famille furent très difficiles. Son père travaillait aux Halles de Paris en tant que livreur boucher ; sa mère faisait des ménages, et s’occupait du foyer. La famille vécut à Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis) dans une seule pièce.

Léon Rogé fréquenta les écoles Émile-Zola et Jean-Jaurès de Saint-Ouen (Seine), puis l’école Saint-Michel à Paris. Il passa le baccalauréat. Les faibles revenus de ses parents l’obligèrent à travailler pour poursuivre ses études. Il fut docker (1943-1944), professeur d’enseignement général (1944-1948), puis professeur d’éducation physique à la Ville de Paris. Durant cette époque, il milita à la JOC, dont il fut le responsable à Saint Ouen jusqu’à son départ à l’École nationale supérieure d’éducation physique (l’Ensep).

En 1949, il fut étudiant à l’Ensep de Joinville-le-Pont, dont il sortit professeur d’éducation physique en 1952. C’est à l’Ensep qu’il s’engagea au Parti communiste français à l’occasion de l’affaire Mérand. Robert Mérand était un enseignant formateur à l’Ensep. Il était aussi un militant engagé au PCF. Le pouvoir politique de l’époque décida d’évincer Mérand car il n’avait pas enseigné cinq ans dans un établissement scolaire. Plus de la moitié des étudiants de la promotion de 1949-1952, étaient adhérents au PCF dont Yvon Adam, (voir ce nom). Une riposte massive s’organisa tant au niveau des enseignants, que des étudiants de l’Ensep. Ce fut l’occasion pour Léon Rogé d’adhérer au PCF. Mérand ne fut réintégré à l’Ensep qu’en 1956.

Affecté à Dieppe en 1952, au collège de garçons Jehan Ango, Léon Rogé adhéra au Syndicat National de l’éducation physique et sportive – Snep – affilié à la Fen et milita également à la FSGT, section rugby. Son engagement se fit cependant de façon prioritaire au sein du PCF. Il se maria le 12 septembre 1955 avec Janine Foucault, née le 4 juin 1926 à Trouville-sur-Mer (Calvados). Le couple eut trois enfants.

La section de Dieppe du PCF, que Léon Rogé rejoignit dès son arrivée, était une organisation composée de militants ouvriers aux tendances ouvriéristes, "anarcho-syndicalistes", et anti-intellectuelles très marquées. La tâche difficile qui lui fut alors confiée, fut de diffuser l’Humanité dans les quartiers bourgeois de la ville.

Très vite, Léon s’imposa comme un dirigeant reconnu chez les communistes dieppois. Élu secrétaire de la section de Dieppe en 1954, il privilégia la diffusion de l’Humanité et les collages d’affiches dans les quartiers populaires : les cités « provisoires » du Val-Druel, du quartier Michel, de la Cité Million, le quartier du Pollet, et la commune voisine de Neuville, etc., en s’appuyant sur des militants comme Bernard Maréchal et Michel Bougon.

Léon Rogé fut élu conseiller municipal de Dieppe en 1953, parmi les 5 élus de la liste conduite par Jean Mallet, et le resta jusqu’en 1965. C’est lui qui conduisit la liste du PCF pour les élections municipales suivantes, le 24 février 1957, comme le 8 mars 1959, face au maire sortant, le conservateur Gueirard : cette liste était composée notamment, d’Augusta Pieters, de Bernard et Eugène Maréchal, Roland Bréard, Robert Crochet, Ernest Riolland, Robert Morisse, Robert Cadorne, Michel Bougon, et de Jules Ducrocq.

L’année 1956 fut marquée par le renfort d’un militant local important : Charles Pieters. En 1956, l’activité militante, très proche de la population, que développa Léon Rogé, contribua à ce qu’il acquiert une grande popularité parmi la population laborieuse de Dieppe. Il devint membre du comité fédéral de Seine-Maritime en 1957, lors de la conférence fédérale, dans une fédération dont le secrétaire était Roland Leroy, entouré des dirigeants communistes départementaux éminents de l’époque, parmi lesquels on comptait Colette Privat, René Cance, André Duroméa, Jacques Eberhard, Louis Eudier, Olivier Goubert, Bernard Isaac,Jean Lemoine, Henri Levillain, Jean et Lucette Malvasio, Germaine Pican, Martial Spinneweber, Pierre Toutain, etc., qui tinrent des fonctions électives importantes dans les décennies 1970 et suivantes. Et ce fut l’année 1958, où De Gaulle arriva au pouvoir.

En 1959, Léon Rogé fit la connaissance de Jean Garraud, comme lui professeur d’Éducation physique et sportive, et de Rachel Garraud, son épouse, elle aussi professeur d’EPS ; tous les deux furent nommés au lycée d’Eu. Léon et Jean, à partir de ce moment eurent des relations très proches, notamment lors de leurs déplacements pour le comité fédéral où Jean passait prendre Léon à Dieppe.

Les années soixante furent également marquées par des luttes importantes notamment au niveau électoral. La fin des années 1950 et le début des années 60 furent marqués par la guerre d’Algérie. Les communistes français, Léon et Jean en particulier, furent en première ligne et menacés par les fascistes de l’OAS. Jean Garraud fut même agressé à son domicile, pendant qu’un jeune algérien de la Ville d’Eu était kidnappé. Celui-ci ne devra sa libération qu’à la mobilisation et l’intervention déterminée initiée par Léon Rogé, Jean Garraud et les communistes de la région.

Ce fut en souvenir de Daniel Féry, jeune militant communiste de 15 ans, assassiné par la police du Préfet Papon au métro Charronne lors d’une manifestation co-organisée par le PCF le 8 février 1962, pour la paix en Algérie et l’interdiction de l’organisation fasciste qu’était l’OAS, que Léon et Janine Rogé donneront comme troisième prénom, Daniel, à leur 3e enfant.

Léon Rogé créa l’événement lors des élections législatives de novembre 1962.
Grâce à l’action conjuguée des sections du PCF de Dieppe et de Eu-Le Tréport, Léon Rogé obtint 8 393 suffrages contre au 8 800 au socialiste Louis Boisson, le candidat de la SFIO. Léon Rogé se désista et contribua à l’élection de ce dernier à l’Assemblée Nationale. En 1967, c’est le scénario inverse qui se produisit : Léon Rogé, dont le suppléant était Marcel Dolique, cheminot au Tréport, (conseiller municipal puis maire de Flocques), obtenait 13 443 voix, contre 12 787 à Louis Boisson. C’était la 1ère fois, qu’un candidat communiste arrivait en tête des forces de gauche dans la 9e circonscription. Candidat unique de la gauche au second tour, Léon Rogé, fut battu par le candidat de droite Raymond Offroy, ne bénéficiant pas d’un bon report de voix des électeurs socialistes, contrairement à ce qui s’était passé en 1962 où les voix communistes n’avaient pas fait défaut à Louis Boisson. Il fut à nouveau candidat en 1968, mais fut devancé cette fois par Louis Boisson, qui fut battu au second tour par Raymond Offroy.

Le 8 mars 1964, porté par son résultat aux législatives de 1962, dans un contexte marqué par un renforcement de l’organisation de la section du Parti communiste, tant en nombre d’adhérents qu’en cellules nouvelles, et une mobilisation militante exceptionnelle, Léon Rogé devint conseiller général du canton de Dieppe. Dans la période, le parti communiste avait démultiplié ses cellules dans tous les quartiers de la ville, que ce soit au Pollet (Maurice Levasseur), à Janval (Valentin Feldman), au centre-ville (Jacques Delestre), de Neuville-lès-Dieppe, ainsi que des cellules d’entreprises comme celle des dockers (Marcel Kérélo), des employés de la sécurité sociale (Ambroize Croizat), ou des PTT (Anne-Claude Godeau), ayant à leur tête des équipes renouvelées, avec de nouveaux militants. Dans le comité de section élu par la conférence de section le 30 avril 1964, dont le secrétaire était Léon Rogé, on trouvait Charles Pieters (sécurité sociale), Émile Rispoli (PTT), Claude Delaplacette (docker), Michel Bloc (Docker) - tous les quatre membres du secrétariat -, ainsi que Michel Bougon, Augusta Pieters, Guy Jacquot etc.

Les années soixante furent aussi le théâtre de luttes revendicatives importantes avec le rôle déterminant de la CGT et de l’union locale dont Irénée Bourgois était le secrétaire. Pendant les grandes mobilisations de 1967, contre les ordonnance sur la Sécurité sociale, comme durant le conflit de mai-juin 1968, Léon Rogé fut très présent. Il eut le souci permanent d’être au contact des gens, à l’écoute, attentif aux réflexions et propositions qui émanaient des militants ouvriers et des salariés. Mai-juin 1968, fut aussi l’époque où il rencontra Georges Trébot*, un jeune militant qui occupa une place importante dans les mouvements sociaux des années soixante, soixante-dix et quatre-vingt en tant que militant CGT à la Cellophane à Arques-la-Bataille (Seine-Maritime), puis en tant que secrétaire de l’Union locale CGT de Dieppe. Tous les jours, Léon Rogé se rendait à la sortie de l’assemblée générale des militants de l’Union Locale CGT qui se tenait dans les anciens locaux du parc Jehan Ango. Dirigeant communiste, il se devait d’être présent partout où les salariés s’engageaient dans des mouvements revendicatifs.

C’est aussi en mai-juin 1968 qu’un jeune enseignant d’EPS, Yves Lavieuville*, décida d’adhérer au PCF lors d’une discussion avec Léon Rogé et Jean Garraud. Yves, après avoir travaillé au CET « L’Émulation », enseignait au lycée Ango depuis la rentrée 1967. Il fut conseiller municipal de Dieppe à partir de 1977, puis 1er adjoint.

Léon Rogé fut présenté par la fédération de Seine-Maritime du PCF comme tête de liste pour les élections sénatoriales de Seine-Maritime le 22 septembre 1968, Jacques Eberhard, le maire conseiller-général de Gonfreville-l’Orcher, étant le second sur la liste. Léon Rogé fut élu, et ce fut la 1re fois dans l’histoire du département qu’un communiste fut élu sénateur. Il fit partie du groupe communiste du Sénat et devint membre de la commission des affaires culturelles.

Ses prises de parole en séance publique portèrent naturellement sur le domaine de l’Éducation nationale. Il intervint tout d’abord sur le projet de loi d’orientation de l’enseignement supérieur en 1968 puis, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 1969, il formula des observations sur les maisons de la culture et sur la politique gouvernementale en matière d’éducation physique. Il posa enfin une question orale au secrétaire d’État chargé de la jeunesse et des sports, sur le recrutement au professorat d’éducation physique. Ses préoccupations nationales ne l’empêchèrent nullement de s’investir dans la défense des intérêts de son département d’élection. C’est ainsi qu’on le vit intervenir dans l’hémicycle sur les pêches maritimes en général et sur la situation du port de Dieppe en particulier, puis sur le nettoyage des plages polluées par le mazout provenant du « dégazage » de navires en pleine mer.

Ne ménageant pas sa santé, fumeur plus que de raison, travailleur infatigable et très fatigué, soumis au stress, ayant moins de pratique physique, toutes les conditions étaient réunies pour que Léon Rogé soit victime d’un foudroyant malaise cardiaque. Le 11 septembre, il anima une réunion politique à Dieppe avec le cercle des Jeunes Communistes. Dans la nuit, le 12 septembre, il s’effondra, victime d’une crise cardiaque. Appelé par son épouse Janine Rogé, le docteur Jean Mérault ne put que constater le décès de Léon. Il avait 45 ans.

Irénée Bourgois, avant le 15 septembre, vint remettre personnellement son adhésion au Parti communiste à Janine Rogé.

Le lundi 15 septembre, Léon fut inhumé au cimetière de Janval envahi par le monde venu rendre un dernier hommage à Léon Rogé. René Cance, maire du Havre et Jean Malvasio, secrétaire fédéral du PCF, prirent la parole.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151852, notice ROGE Léon François par Gilles Pichavant, Henri Rogé, version mise en ligne le 4 janvier 2014, dernière modification le 21 janvier 2022.

Par Gilles Pichavant, Henri Rogé

Léon Rogé
Léon Rogé
Sénateur de Seine-maritime

SOURCES : Site Internet du Sénat – Archives de la section de Dieppe du PCF – l’Humanité Dimanche, 1964 (N°809) – les Nouvelles de Normandie Paris-NormandieLes Informations Dieppoises – Fonds ancien de Dieppe, Médiathèque Jean Renoir, quai Bérigny, Dieppe – Mai-juin 68 en Seine-Maritime, un printemps de luttes qui ont changé la vie, IHS-CGT-76, ISBN 978-2-9526-374-1-1 – Dieppe 1968, entre deux marées, de Serge Lucas, ISBN 978-2-917190-02-9 » – Témoignages contre l’oubli, de Charles Pieters, éd. Le temps des cerises, 1995, L’Humanité Dimanche N°237 Les Nouvelles de Seine-Maritime du 21.09.1969. — témoignages d’Yvon Adam.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable