RADJEF Belkacem [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 19 septembre 1909 au douar Oumalou, commune de Fort National (Larbaâ-Naït-Irathen) en Kabylie, mort en Algérie en mai 1989 ; émigré en 1929 en région parisienne, passé par les Jeunesses communistes, refondateur de l’Étoile nord-africaine avec Messali ; membre du Comité directeur du PPA (1937-1938) et du Comité central du MTLD (1946-1954).

Né dans une famille maraboutique de Kabylie, Belkacem Radjef (orthographié aussi par erreur Radjeff) a une formation religieuse ; il a été élève de l’école primaire indigène française et parlait avec éloquence le kabyle. À 20 ans, il émigre en région parisienne et travaille comme menuisier puis garçon de lavoir, habitant successivement à Billancourt et Levallois ; sa première femme est restée en Kabylie. À son arrivée, il commence à militer aux Jeunesses communistes, ce dont on est sûr malgré ses dénégations postérieures. Il est amené à l’Étoile nord africaine par Mohamed Djilani*, Si Djilani, natif du même village et membre du PC et de la 1re ENA. Lançant le journal El Ouma, l’ENA est en réorganisation après sa dissolution de 1929. 

En 1933, il devient marchand forain de quatre-saisons pour ne pas être totalement chômeur et se consacre à la relance de l’Étoile nord-africaine reconstituée en mai en parti politique sous la direction de Messali Hadj. Il s’installe même un temps au siège de l’ENA, rue Daguerre à Paris (14e ), et fait des tournées de propagande dans le Nord en juillet 1933 (Douai, Valenciennes, Lille). En décembre 1933, il est chargé de la trésorerie de l’ENA et de l’impression d’El Ouma. Arrêté le 17 janvier 1934 à la suite d’une manifestation de l’ENA à la Mosquée de Paris, il est condamné en novembre 1934 à 6 mois de prison et 2 000 francs d’amende avec Messali et Imache*. Condamné à nouveau en mars 1935, il reste en prison jusqu’en juin 1936.

B. Radjef est donc emprisonné alors que Messali est réfugié à Genève, et qu’Imache, libéré, assure effectivement la direction de l’ENA lui donnant une orientation nationaliste intransigeante et même anti-communiste. À sa libération, Radjef s’oppose à ce courant ; il représente une tendance modérée et de collaboration avec le Front populaire. À la différence d’Imache, il est partisan d’appeler des volontaires à rejoindre les Brigades internationales en Espagne. Le café qu’il tient, rue E. Vaillant à Boulogne-Billancourt, pris en gérance avec un parent, est le lieu de rassemblement de ses partisans algériens ; il fait l’objet d’une surveillance spéciale de la police. Radjef qui habite à Billancourt subit une perquisition à son domicile le 5 avril 1937.

A partir de 1937, marié avec une française picarde ayant ouvert un commerce au pays, il alterne les séjours entre la Bretagne et la région parisienne. Il sera moins présent qu’il ne le fut à l’ENA, tout en suivant Messali dès sa fondation en mars 1937, au Parti du Peuple algérien dont il fait partie du Comité directeur. Il s’oppose à la tendance plus populiste autour du groupe lyonnais avec Mohamed Bedek*. Pour lui, le parti a besoin de cadres intellectuels ; il propose de refuser aux analphabètes (en l’occurrence en français), l’accès au Comité central du parti. Peut-être par conviction ou pour se couvrir en cas d’interdiction du parti, ou en se retirant du PPA, il devient membre du Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) formé par Marceau Pivert à partir d’un courant d’extrême gauche de la SFIO.

Alors qu’il n’appartient pas au groupe du CARNA (Comité d’action révolutionnaire nord-africain) groupe issu du PPA et condamné par Messali, et qui a fait de la collaboration au service de l’Allemagne hitlérienne, selon les fiches des services de renseignements citées dans sa thèse par Janett Zagoria, s’étant rendu de lui-même à Berlin en 1939, Belkacem Radjef devient un des intervenants en langue kabyle sur Paris-Mondial, radio sous contrôle allemand à Paris. Il se retire peut-être assez tôt avant la libération de Paris en 1944. Pour des raisons de sécurité, il se réfugie quelque temps en Belgique à la suite des poursuites qui accompagnent la répression de mai 1945 en Algérie. Il prend part en 1945-1946, à la réorganisation en région parisienne, du PPA, toujours frappé d’interdiction. ; il s’appuie sur des étudiants choisis au 115 bd St.Michel à Paris, parmi les militants de l’AEMNA, toujours dans l’idée de promouvoir des intellectuels au parti. C’est lui qui accueille Messali, libéré de son éloignement à Brazzaville, pour son premier grand meeting de relance à Paris, salle Wagram en novembre 1946.

Il peut être d’autant plus considéré comme le refondateur de la Fédération de France du PPA sous la forme légale du parti MTLD qu’il a été fait appel à lui, kabyle et l’orateur du parti en kabyle (et en français), pour trouver une voie de sortie en 1949, de la crise dite berbériste dont il s’était mis à l’écart par un séjour de 1947 à 1949 en Bretagne dans la famille de sa femme. Il trouve un point d’équilibre dans la formulation nationale qui se réclame du nationalisme arabe dans une fédération qui repose sur une immigration aux deux tiers venant de Kabylie. Il s’appuie sur les éléments programmatiques fournis par le journaliste historien Mostefa Lacheraf et sur la nouvelle direction de la fédération de France assumée par le docteur Chawki Mostefai, un modéré, puis l’habile M’ahmed Yazid*. Membre depuis 1946 du Comté central du MTLD, dans la crise de 1953 qui sépare Messali sous surveillance en France, et les centralistes qui sont basés à Alger, s’il ne suit pas Messali qu’il connaît depuis vingt ans, il participe au dernier appel à une solution neutre au printemps 1954 avec, entre autres, Ahmed Mahsas ; ces « neutres » comme les « centralistes » sont pris de vitesse par les activistes qui déclanchent l’insurrection du 1er novembre 1954. Il est ainsi quelque peu hors jeu pendant les années de guerre, considéré comme un « vieux », lui qui a 45 ans.

Revenu en Algérie après l’indépendance, Belkacem Radjef s’est consacré à une association s’occupant des orphelins de guerre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151987, notice RADJEF Belkacem [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 6 janvier 2014, dernière modification le 7 octobre 2019.

Par René Gallissot

SOURCES : Arch. Préfecture de police de Paris, cartons 55 et 56, et dossier ENA. – Arch. Outre-mer, Aix-en-Provence, 9H et 11H. – J.D. Zagoria, The rise and fall of the movement of Messali Hadj in Algérie (1929-1954). Ph. doctorat, Université de Columbia (USA), 1973. - M. Harbi, Aux origines du FLN, la scission du PPA-MTLD, Ch. Bourgeois, Paris, 1975. – « Pages historiques du Parti nationaliste algérien », notes inédites de B. Radjef dans M. Kaddache. Histoire du nationalisme algérien. t.1, SNED, Alger, 1980. – O. Carlier, notice B. Radjef dans Parcours, op.cit., n° 13-14, octobre 1990, et Entre nation et Jihad, op.cit. – B. Stora, Dictionnaire biographique des nationalistes algériens, op. cit. -Notes de relecture d’Omar Carlier.

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