RAFFINI Georges [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Élève du lycée de Constantine à la fin des années 1920 ; volontaire aux Brigades internationales en Espagne de 1937 à 1938 ; participe à la réorganisation du PCA clandestin à Alger en 1940 ; arrêté en 1941, condamné à mort au procès des 61 (communistes) en mars 1942, libéré en mars 1943 ; responsable du Secours populaire et membre du Comité central du PCA à partir de 1949 ; journaliste à Alger Républicain  ; mort au maquis des Aurès de l’ALN, probablement exécuté à la fin de 1955.

Fils d’un cheminot du dépôt de chemins de fer de Sidi Mabrouk, foyer de syndicalisme rouge près de Constantine, Georges Raffini est déjà un militant des Jeunesses communistes quand au lycée de Constantine, il a pour camarade à la fin des années 1920 et au début des années 1930, Maurice Laban venu de l’oasis de Biskra et qui est interne. Les deux jeunes gens ne semblent pas s’être concertés pour partir volontaires en 1936 combattre en Espagne républicaine ; G. Raffini est alors étudiant en droit à Alger, et Maurice Laban vient de Paris où il fait des études de chimie. Ils se retrouvent à la fin de 1937 quand est formée la 14e Brigade ; arrivé en octobre, Georges Raffini est responsable de l’organisation communiste du bataillon. En mars 1938 sur le front de Madrid, G. Raffini emporte sur son dos pour le porter aux brancardiers, son camarade Laban, atteint d’une balle de mitrailleuse qui lui a fracturé le crâne et fracassé la mâchoire.

Revenus en Algérie, ils se retrouvent à nouveau dans l’été 1940. Appelé par les communistes espagnols réfugiés mais resté organisés, Thomas Ibanez* fait venir de Constantine où il l’a connu, Georges Raffini pour aider à la réorganisation du PCA clandestin et très affaibli à Alger. Georges Raffini est chargé de l’imprimerie qui publie La lutte sociale. À la conférence clandestine du PCA tenue à l’automne dans le secret, par cooptation, G. Raffini est compté parmi les membres du Comité central projeté. En janvier 1941, clandestin sous le nom de Pierre Durand, il est arrêté au lieu de rendez-vous avec un imprimeur (« Jo », un Français) qui devait lui fournir des caractères d’imprimerie. Selon la reconstitution établie par Jean-Luc Einaudi (cf. Sources), les policiers le frappent jusqu’à ce qu’il avoue où se trouve l’imprimerie. Le 12 janvier 1941, Mohamed Kateb*, Maurice Laban* et Odette Dei son amie, sont arrêtés à la villa Atlantide au quartier des Deux-Moulins. Parmi les tirages de la Lutte sociale, la police saisit Le Manifeste du PCA qui appelle à l’indépendance ; ce sont ces positions qui avaient été traitées de « tendance nationaliste » par le correspondant en France du PCF, Roland Lenoir*. À la prison de Barberousse, ses camarades déjà détenus auront du mal à reconnaître, à son arrivée, Georges Raffini tant il est marqué par les coups encaissés.

Par l’intermédiaire de Lisette Vincent* emprisonnée au quartier des femmes ainsi que Reine Raffini, la femme de Georges, ayant pu établir un plan assez complet de la prison, sciant les barreaux de leur cellule, Maurice Laban* et le plus corpulent Raffini difficilement, en compagnie d’un communiste français René Cazau leur co-détenu, s’évadent dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1941. Ils se réfugient d’abord chez Gaby Gimenez*, leur comparse encore en liberté, qui les conduit à la cache où s’abrite leur camarade Jacques Bentolila*, cheminot révoqué car de famille juive, qui leur trouve une autre planque dans le quartier Air-de-France. Malheureusement, un des gardiens de Barberousse qui habite ce quartier, sanctionné de surcroît après leur évasion, reconnaît Georges Raffini dans la rue, aussitôt arrêté le 9 novembre 1941. Maurce Laban est pris dans sa fuite ; René Cazau se rendra à la police. A nouveau à la prison, G. Raffini est tabassé horriblement ; il crache le sang dans sa cellule ; il faut une grève de la faim pour leur camarade qu’ils surnomment mouflon, pour que les détenus communistes le tirent de cette mauvaise passe.

Au procès des communistes d’Alger (les 61), ouvert en février 1942 devant le Tribunal des forces armées, Georges Raffini vient au rang des accusés, après Thomas Ibanez*, secrétaire général du PCA clandestin, Maurice Laban*, le grand Satan, survivant de la guerre d’Espagne, et Lisette Vincent*, l’institutrice rebelle. Ne tenant pas compte de l’avocat commis d’office, G. Raffini avait rédigé un texte pour sa défense s’attaquant vigoureusement à Pétain « qui étrangla la République et mit des chaînes au peuple français ». Le directeur de la prison qui avait saisi le texte, le dépose au tribunal. G. Raffini fait partie des six condamnés à mort le 21 mars 1942, avec Thomas Ibanez*, Lisette Vincent*, Daniélus Dietmar*, Emile Touati*, et par contumace Ahmed Smaïli*. De la prison de Maison-Carrée, les condamnés sont envoyés au bagne de Lambèze où ils se déplacent dans le camp, boulets aux pieds.

Ils ne sont pas graciés comme on l’écrit souvent mais leur exécution est suspendue sur l’intervention d’un oncle de Lisette Vincent, le docteur Leroux, élu politique de droite et pétainiste, maire de Saint-Leu près d’Oran, et d’une tante par alliance de Georges Raffini qui était de Constantine et une amie de la femme du général Gouraud très proche du Maréchal Pétain à Vichy. Après le débarquement allié du 8 novembre 1942, ce n’est que le 5 février 1943 que les 27 députés communistes français détenus à la prison de Maison-Carrée sont libérés ; le 4 mars 1943, le général Giraud qui commande à Alger, accorde une remise de peine aux condamnés du procès des 61 qui ne sortent de prison que le 16 mars 1943.

Georges Raffini rejoint alors l’armée française d’Afrique du Nord et prend part aux campagnes d’Italie et de France, gagnant citations et croix de guerre. Après 1945, il est un dirigeant communiste actif à Constantine et dans le sud-constantinois. Il soutient la campagne de formation des groupes communistes paysans sur les oasis de Biskra et à partir de Batna dans le massif des Aurès. Il est appelé à Alger pour prendre la responsabilité du Secours populaire dont il devient le secrétaire pour l’Algérie. Il entre au Comité central du PCA en 1949, peut-être pour compenser le non-renouvellement de Maurice Laban*. À Alger, il fait partie de l’équipe d’Alger républicain. Cette proximité des dirigeants du PCA à Alger explique peut-être les distances qu’il manifeste à l’égard de Maurice Laban* quand celui-ci est à nouveau blâmé en 1953 pour « tendance nationaliste » et « esprit de groupe » (des communistes du sud-constantinois) ; ces motifs ne sont pas sans le concerner pour leur passé commun.

Cependant il semble reprendre les contacts au début de 1955 avec ses camarades de Biskra et de Batna qui sont en relation avec les maquisards des Aurès. Après la dernière campagne électorale menée dans cette région par l’avocat Laïd Lamrani* également membre du Comité central du PCA, Georges Raffini est condamné en juin 1955 à un mois de prison. À sa sortie, il est frappé d’une interdiction de séjour dans le département d’Alger.

Il ne regagne pas Alger mais en juillet 1955 avec Laïd Lamrani*, rejoint le maquis de l’ALN dans les Aurès. Le jeune frère de Laïd Lamrani est l’adjoint du commandant de maquis Mostefa Ben Boulaïd, alors emprisonné après son arrestation par l’armée française. Le Dr Counillon, médecin à l’hôpital psychiatrique de Blida, vient s’ajouter à ce renfort de figures intellectuelles communistes très connues. Autre dirigeant communiste notoire et ancien du PPA, Abdelhamid Benzine* tente en novembre 1955 d’entrer au maquis de Tazourt, site de montagne. Il repart en se heurtant à des réactions de rejet et face aux conflits entre chefs et groupes de maquis qui retrouvent alors leur ancien commandant Mostefa Ben Boulaid qui vient de s’évader ; mais certains se défient de ce retour.

En novembre-décembre d’autres communistes de Constantine gagnent des maquis des Aurès. Parlant de la disparition de Laïd Lamrani*, du docteur Counillon et de Georges Raffini, J-L. Einaudi conclut son enquête par témoignages : « C’est sans doute à cette fin d’année 1955 qu’ils sont assassinés dans un maquis des Aurès par des nationalistes anticommunistes ». Comme le reconnaît Henri Alleg* dans son livre Mémoire algérienne, paru en 2005, « on laissa croire longtemps qu’ils avaient été tués au combat. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article151992, notice RAFFINI Georges [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 6 janvier 2014, dernière modification le 6 janvier 2014.

Par René Gallissot

SOURCES : Arch. Outre-mer, Aix-en-Provence, 11H 58 et 59. – Arch. de la justice militaire. tribunal d’Alger, conservées à Le Blanc (Indre, France) citées par J-L. Einaudi, Un rêve algérien. Histoire de Lucette Vincent, une femme d’Algérie. Dagorno, Paris, 1994. et Un Algérien Maurice Laban. Le cherche midi éditeur, Paris, 1999. – A. Moine, Déportation et résistance en Afrique du Nord. 1939-1944. Editions sociales, Paris, 1972. –H. Alleg, Mémoire algérienne. Stock, Paris, 2005.

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