RENARD Daniel André, dit Garnier, Tarrant François, Rodier [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 25 avril 1925 à Asnières (Seine, France), mort le 15 décembre 1988 à La Penne-sur-Huveaune (Bouches-du-Rhône) ; syndicaliste CGT à l’usine Renault-Billancourt, exclu de la CGT en 1950 ; syndicaliste de la Fédération FO des métaux à partir de 1958 ; membre du PCI (4e Internationale) en 1944 ; après l’exclusion du PCI français en 1952, partisan de Pierre Lambert* ; activiste de la Commission ouvrière du groupe Lambert, voué au soutien de Messali et lié au parti MNA créé en décembre 1954 face au FLN et au syndicat USTA (1956) jusqu’à la prise de distance à partir de 1958 sous De Gaulle ; suit les reconductions du PCI lambertiste en OCI, OT, MPPT.

Les parents, Jacques Renard et Marguerite Lefeu, qui venaient d’un milieu paysan de la région d’Orléans, étaient coiffeurs à Asnières à l’ouest de Paris. Après l’école primaire, Daniel Renard entre en 1940 au centre d’apprentissage des usines de carrosserie automobile Chausson à Asnières. Il devient ainsi ouvrier chaudronnier sous appellations diverses selon les classifications ; Daniel Renard restera ouvrier pour militer. En 1941, au mouvement des Auberges de jeunesse, il rencontre des militants trotskystes qui, sous l’occupation allemande et le régime de Vichy, mènent une action clandestine. Embauché à l’usine Chausson en 1942, Daniel Renard qui adhère en 1943, commence à avoir des responsabilités au PCI à partir de février 1944. Recherché par la Gestapo, il devient alors clandestin avant de reprendre place à l’usine Chausson de juillet à la fin de l’année 1944 ; il y organise la commission des jeunes de la CGT ; c’est l’époque où à la CGT, au sortir de la Résistance, Pierre Boussel qui prendra le pseudonyme de Lambert*, est responsable des Jeunes.

En 1945 Daniel Renard devient chef de service permanent du Mouvement laïque des auberges de jeunesse (MLAJ) ; il s’occupe de l’organisation des sorties en auberges de jeunesse, de jeunes ouvriers. Il reste permanent jusqu’au 30 avril 1946. Il repart alors travailler en carrosserie automobile aux usines Coder à la Garenne-Colombes. Il est devenu suppléant au comité central du PCI et secrétaire général de la Jeunesse communiste internationaliste (JCI), l’organisation de jeunesse ; il est en même temps responsable public du mensuel La Jeune Garde.

Le 6 décembre 1946, Daniel Renard est embauché, cette fois, à l’usine nationalisée des automobiles Renault à Billancourt ; il travaillera à l’atelier des forges où les manœuvres puis OS algériens sont de plus en plus nombreux. Il prend une part très active à la grève d’avril 1947 qui veut faire pression sur le gouvernement dirigé par le socialiste Paul Ramadier et qui précipite l’exclusion du gouvernement des ministres communistes ; cette exclusion n’en est pas moins le fait commun des gouvernements d’Europe de l’Ouest dans l’orbite des Etats-Unis. Il rédige au nom de son Parti, une « lettre ouverte aux ouvriers grévistes de Renault », datée du 8 mai, qui appelle à la grève générale. Syndiqué à la CGT, il est délégué au congrès CGT de l’entreprise en novembre 1947. Il est élu en novembre-décembre 1947, membre du comité central de grève ; non seulement la CGT anime avec force ces grèves, mais cette fois le PCF, entré en opposition directe avec le gouvernement et se situant dans la guerre froide, est partie prenante du mouvement. En cette année 1947, Daniel Renard intègre pleinement le comité central du PCI ; dans le département des usines Renault où il travaille, il a créé une cellule du PCI qui au demeurant ne cessera majoritairement de le suivre. C’est particulièrement lors de ces grèves qu’il a noué des liens avec des militants algériens qui appartiennent au parti MTLD dirigé par Messali. En 1948, il épouse Annie Cardinal, institutrice militante du SNI qui occupe une grande place à la FEN ; leur appartement de Boulogne-Billancourt devient aussi un lieu de réunion.

Au sein de la Fédération des métaux de la CGT, il tente de regrouper les partisans d’une ligne « lutte de classes », conformément au choix fait par le PCI, avec le journal Front Ouvrier dont il est l’un des animateurs. Dans cette concurrence au nom de la lutte de classes, l’opposition au PCF se durcit à l’intérieur de la CGT ; elle redouble quand sa tendance trotskyste opte pour le soutien bruyant à Tito contre Staline ; Daniel Renard appartient à la tendance L’Unité, animée par Pierre Lambert. Il est un des dirigeants de l’Association des jeunes qui forment des Brigades pour la Yougoslavie envoyant dans l’été 1950 en Yougoslavie environ 300 jeunes de chez Renault, Il est exclu de la CGT en novembre 1950

En avril 1951, Daniel Renard intègre le bureau politique du PCI. Il est en juin candidat de ce parti dans le 5e secteur de la Seine ; au 3e Congrès mondial de la IVe Internationale en août 1951, Daniel Renard est l’un des représentants de la section française (PCI-SFQI) qui se range encore dans la majorité. Quand dans la crise du mouvement trotskyste qui porte en partie sur l’attitude à avoir par rapport à l’URSS de Staline et aux partis communistes d’obédience soviétique face à l’impérialisme dans la guerre froide grosse d’une guerre mondiale, le PCI français se retrouve minoritaire du moins devant les tenants du Secrétariat international avec Pierre Frank (cf. Michel Raptis*, Pablo). Le groupe Lambert, majoritaire en France parmi ces cercles trotskystes restreints, maintient un « PCI exclu » de la IVe internationale ; Daniel Renard devient membre du nouveau bureau politique. La scission est consommée en juin 1952. En décembre 1952, Daniel Renard est candidat du « PCI exclu » aux élections législatives dans le 1er secteur de Paris face à son ancien camarade Pierre Frank ; il obtient 0,7 % des suffrages exprimés.

Déjà à l’usine Renault de Billancourt, Daniel Renard et les lambertistes de la Commission ouvrière du PCI, encadraient ou cherchaient à encadrer des ouvriers algériens, généralement syndiqués à la CGT et pour une part, membres du parti messaliste PPA-MTLD, légalement la Fédération de France du MTLD. À son congrès de juillet 1951, le PCI reconnaissait le MTLD comme étant le parti du prolétariat derrière Messali. Cependant l’influence communiste à travers la CGT reste prépondérante auprès des travailleurs algériens ; elle s’exerce notamment par la Commission nord-africaine de la CGT (cf. M. Youkana* et Belouachrani*) qui a le soutien des trotskystes de la IVe Internationale partisans du Secrétariat international (cf. Clara et Henri Benoits*), quel que soit le contentieux entre communistes français et nationalistes qui aboutira après le vote des pouvoirs spéciaux par les députés du PCF en mars 1956, au basculement au sein de la Commission nord africaine de la CGT, du PCF au FLN.

Pour l’heure en mai 1952, le rapprochement avec le MTLD s’effectue en venant directement porter secours à Messali expulsé d’Algérie et assigné à résidence à Niort (Deux-Sèvres). Madame Cardinal et sa fille Annie, épouse de Daniel Renard s’occupent des deux enfants Messali, Ali et Djanina, alors que leur mère, Emilie Busquant*, « Mme Messali », est restée bloquée à Alger-Bouzaréah. Ce dévouement se poursuivra assurant l’entourage du leader nationaliste algérien. Pour répliquer au FLN qui a lancé l’insurrection en Algérie, le 1er novembre 1954, Messali crée le MNA en décembre 1954 qui se dotera en février 1956, d’une organisation syndicale, l’USTA. Menant campagne pour la libération de Messali et des détenus messalistes, le groupe Lambert s’est déjà totalement placé derrière Messali ; il va coller au MNA jusqu’à l’époque du général De Gaulle en 1958.

Ce soutien engage dans l’affrontement entre MNA et FLN. Daniel Renard prend part en septembre 1957, à la campagne de pétition contre l’assassinat de militants du MNA par le FLN. Il est arrêté en octobre 1957 et emprisonné à Compiègne durant trois semaines pour avoir été interpellé en compagnie de militants du MNA. Avec Gérard Bloch, Stéphane Just et Pierre Lambert, tous dirigeants de l’organisation, il est plusieurs fois interpellé ; il est jugé en juillet 1959 par le Tribunal permanent des forces armées de Paris pour « atteinte à l’intégrité du territoire français » et « entreprise de démoralisation de l’armée ».

Le 23 mars 1955, Daniel Renard a été licencié avec d’autres militants de Renault-Billancourt pour fait de grève. Il est jusqu’en septembre 1956, permanent du « PCI exclu ». Il reprend ensuite le travail en usine à Paris (13ème) puis à Chevilly-Larue et à St Ouen de 1958 à 1967. Depuis 1958, il est syndiqué à FO et à partir de 1963 occupe des responsabilités en région parisienne à la Fédération FO des métaux. Embauché par la suite dans les ateliers mécaniques de l’aéroport de Paris, il y reste de septembre 1967 au 30 juin 1984. Il y anime le groupe d’Informations ouvrières. A la fin des années 1970, il est un des fondateurs du Centre d’études et de recherches sur les mouvements trotskystes et révolutionnaires internationaux (CERMTRI).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152064, notice RENARD Daniel André, dit Garnier, Tarrant François, Rodier [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 22 janvier 2014, dernière modification le 22 janvier 2014.

Par René Gallissot

SOURCES : Articles, témoignages d’Annie Cardinal et arch. du CERMTRI citées dans la notice par J-G. Lanuque, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, op. cit. - Brochure « Quatre militants trotskystes traduits devant le Tribunal Militaire », mai 1960. -Informations Ouvrières, n°1398, 21/12/1988 - Les cahiers du CERMTRI, n° 52, mars 1989 - Cahiers Léon Trotsky, n° 38, juin 1989 et n° 56, juillet 1995 – S. Minguet, Mes années Caudron. Syllepse, Paris, 1997. –J. Simon, Messali Hadj (1898-1974). La passion de l’Algérie libre. Tirésias, Paris, 1998. — État civil.

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