Par Jean-Louis Planche
Né à Alger le 28 juillet 1902 et mort à Alger le 14 avril 1987 ; à Paris en 1919 avec sa mère, la romancière à la mode orientale, Elissa Rhaïs ; études d’art et collaborateur de Maurice Viollette*, Gouverneur général démissionnaire ; communiste en février 1934 ; de retour à Alger au PCA, en 1936 secrétaire de la Maison de la culture ; au sortir du camp d’internement, après 1943, rédacteur à Alger Républicain et à Liberté ; apportant son soutien à la lutte armés du FLN ; détenu et assigné à résidence ; fait citoyen algérien après l’indépendance.
Son père, Moïse Amar est rabbin à la synagogue de la rue Sainte, l’une des plus fréquentées du quartier juif de la Basse-Cabah. Sa mère, née Rosine Boumendil est la fille d’un boulanger de Blida qui lui avait fait donner une solide éducation à l’école française. Divorcée peu après la déclaration de la guerre, celle-ci s’est remariée avec un riche négociant juif, Maurice Chemoul, et tient salon à la Villa des fleurs, la villa Savorgnan de Brazza près de la Colonne Voirol. Y fréquentait Louis Bertrand qui facilite le départ en avril 1919 de la mère et du fils pour Paris où est publié le premier roman Saada la Marocaine sous le pseudonyme d’Elissa Rhaïs. De nombreux récits romancés se succèdent pour répondre aux images d’orientalisme que l’on prête à « une Algérie arabe et juive ». Elissa Rhaïs revient vivre à Blida ; le jeune Roland commence des études de médecine à la Faculté d’Alger ; il en conserve un manuel de chimie qu’il mettra en 1955-1956 au service du « laboratoire des bombes » des étudiants chimistes du PCA et du FLN.
Le jeune homme reprend à Paris des études d’art, de lettres et d’histoire. Il fréquente l’atelier d’André Lhote le théoricien des cubistes, touchant ensuite à l’enseignement, au journalisme (Annales coloniales). Il signe du nom de Roland Elissa-Rhaïs. Le ci-devant Gouverneur d’Algérie, Maurice Viollette* lui procure un emploi de rédacteur à la délégation qu’entretenait à Paris, le Gouvernement général de l’Algérie. Roland Rhaïs publie en 1931 une brochure Dans l’intérêt de la France, en marge de l’Exposition coloniale. Il publie des articles plus anticolonialistes dans la revue Maghreb (animée par Robert-Jean Longuet, socialiste minoritaire et arrière petit-fils de Marx) et dans le périodique de gauche L’Ere nouvelle.
Les émeutes du 6 février 1934 à Paris le bouleversent et le portent aussitôt au Parti communiste, adhérant le 8 février au rayon du 14e arrondissement. Il est utilisé un temps comme contact avec Messali, plus épisodiquement avec le groupe des étudiants marocains nationalistes de la Sorbonne. Il rencontre Jean-Chaintron qui sous le nom de Barthel* va partir en Algérie comme instructeur communiste. Barthel le convainc que sa place est à Alger.
Rentré à Alger le 4 août 1936, Roland Rhaïs y retrouve Barthel qui le nomme responsable de la diffusion de la littérature du parti et collaborateur de la Lutte sociale. Son talent de peintre qui lui avait valu à Paris, d’être chargé de la décoration et de l’aménagement du pavillon de l’Algérie à la fête de l’Humanité, le mène à dessiner début 1937, l’insigne du PCA : faucille et marteau sur fond de croissant. Il devient secrétaire de la Maison de la culture d’Alger à son ouverture. Il y amène Albert Camus* qu’il avait persuadé d’adhérer au PCA à la suite d’une longue discussion sous les arcades de la rue Bab Azzoun où il fut question de l’esprit et de la matière. En 1937, il est présent lors de la séance où Camus est exclu du PCA. Selon son témoignage, Camus reproche moins au parti son absence de sincérité que le refus d’ériger ce manque de sincérité en pratique systématique, et quitte la salle en claquant la porte. Roland Rhaïs qui le tient pour un fieffé opportuniste, vote son exclusion.
En décembre 1937 lors du 2e congrès du PCA, Roland Rhaïs entre au Comité central. Il habite alors à Bab-el-Oued, un appartement qu’il partage avec le jeune oranais Kaddour Belkaïm*. Il vit d’enseignement et de l’aide que lui fait parvenir sa mère en pleine gloire à Blida. Il milite à la section de Bab-el-Oued dont le secrétaire est alors l’ouvrier imprimeur Rachid Dalibey*.
Arrêté sur dénonciation familiale fin juillet 1940, à la sortie du cimetière où il vient d’enterrer sa mère, il est interné au camp saharien de Djenien-bou-Rezg jusqu’en 1943, puis transféré au camp de Lodi. Libéré, pendant un an, il est rédacteur au Gouvernement général. Il y est le trésorier de la cellule que les communistes ont créée. Renvoyé du Gouvernement général, il entre comme rédacteur à Alger républicain d’abord puis à Liberté en 1954, tout en ayant la charge des archives du parti. En 1954, dans l’hebdomadaire du PCA, il commence la publication d’un roman historique Massinissa, que fait interrompre André Moine* au nom du Secrétariat du PCA ; le livre sera publié en 1968. Roland Rhaïs est lié à Mohamed Dib* jusqu’au moment où celui-ci quitte le parti, peu avant la publication de son premier roman La Grande Maison dont il avait revu le manuscrit. Il est aussi l’ami de *Kateb Yacine jusqu’à l’exclusion de celui-ci qui refusait de renoncer à ses fréquentations nocturnes que le PCA lui reprochait ; l’entêtement réciproque et les violences verbales ont exaspéré le dialogue.
En 1954, il vient habiter au 11 boulevard Saint-Saëns (Mohammed V) dans un immeuble à double entrée où se tient en 1955, le premier Comité central clandestin du PCA réunissant une douzaine de personnes autour d’Alleg*, Khalfa*, Khellef*, Moine*, Zannettacci*. Fin 1955, il est arrêté en compagnie de Ahmed Khellef* qu’il hébergeait dans son appartement. Interné à Lodi jusqu’en 1959, il est ensuite assigné à résidence à Alger. En 1963 lui est accordée la nationalité algérienne. Ayant donné la villa de Blida au PCA, il vit laborieusement de cours et d’écritures.
Par Jean-Louis Planche
SOURCES : J. Dejeux, Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française. Karthala, Paris, 1984. – Notices Elissa Rhaïs et Roland Rhaïs dans Parcours, op.cit., n°13-14, Paris, 1990. — Interviews réalisées à Alger par J-L. Planche, janvier 1981.