PITANGUE Jean-Marie, François

Par André Balent, Jean-Pierre Besse, Delphine Leneveu

Né le 21 juin 1926 à Talence (Gironde), fusillé après condamnation le 31 mai 1944 à La Madeleine à Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) ; étudiant ; résistant des Mouvements unis de Résistance (MUR) ; de l’Armée secrète (AS) de l’Hérault.

Jean-Marie Pitangue
Jean-Marie Pitangue
Cliché tiré des archives familiales. Publié avec l’autorisation de Jean-Claude Richard-Ralite, éditeur de l’ouvrage de Gérard Bouladou, op. cit., hors-texte, planche 10.
Reproduction et recadrage : André Balent. D’après l’ouvrage de Gérard Bouladou (éd ; Jean-Claude Richard-Ralite, op. cit.)

Jean-Marie Pitangue était le fils de Louis, François Pitangue, bibliothécaire de l’université de Bordeaux (Gironde) né le 7 septembre 1897, catholique pratiquant, et d’Ursule Marcelle Dupart, sans profession née le 16 février 1904. Étudiant en lettres à Montpellier (Hérault), Alors qu’ils étaient élèves en classe de première au lycée Joffre de Montpellier, Jean-Marie Pitangue et son condisciple, Raymond Migliario appartenaient à un groupe de résistance des lycéens du mouvement Combat. Ayant un an d’avance et titulaire du baccalauréat, Jean-Marie Pitangue fut ensuite étudiant. Il suivit simultanément des cours à la faculté de Droit et à la faculté de Lettres de l’université de Montpellier. À la faculté de Droit, il côtoya à nouveau Migliario. Remarquons au passage que la faculté de Droit de Montpellier fut un foyer précoce de résistance. Le mouvement Liberté et, à sa suite Combat, virent le jour dans cette faculté à l’initiative de professeurs et, à leur suite, d’étudiants.

Condamné le 25 juin 1943 à un an de prison avec sursis et à cinq mille francs d’amende pour « propagande antinationale », il fut efficacement défendu par l’avocat Vincent Badie, ancien député radical de l’Hérault, l’un des quatre-vingt parlementaires qui refusèrent de voter les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940 — résistant, membre du Front national dont il fut le responsable pour l’Hérault avant d’être arrêté et déporté à Dachau. De ce fait, Pitangue n’effectua pas la peine à laquelle il avait été condamné. Il poursuivit son activité résistante et appartint ensuite au groupe franc des MUR de Montpellier. Il aurait été chef de groupe.

Il fut arrêté le 6 avril 1944 par la Sipo-SD à la suite de l’attentat à l’aide d’explosifs à l’hôtel Métropole de Montpellier en même temps que Raymond Migliario et Georges Pierru.

Des témoignages indiquent que le groupe auquel appartenaient Pitangue, Pierru et Migliario était infiltré par des agents allemands.

Dans son témoignage, (juillet 1955), Justin Solère, chef départemental (Hérault) des Corps francs des MUR, joint au dossier de Raymond Migliario : déclarait : « À une date que je ne peux préciser (7 ou 8 avril 1944) les Allemands avaient installé aux Établissements Darcy, rue de la Loge, un diorama du ``Paradis soviétique’’. Ce fait m’avait été signalé et des ordres avaient été donnés pour faire sauter au plastic la vitrine du magasin Darcy. C’est Pitangue qui, faisant également partie des Corps francs, avait été désigné pour cette mission. Ne pouvant la remplir en raison de la présence d’un Gardien de la Paix en faction devant le magasin, Pitangue se dirigea vers la rue [de] Maguelone, contourna la rue Clos René et au moment où il passait devant l’Hôtel Métropole, occupé par les Allemands, crut bon de se débarrasser de la charge de plastic en la lançant par une fenêtre du rez-de-chaussée à l’intérieur de l’Hôtel. » Selon ce témoignage, une série d’arrestations eut lieu le lendemain, dont celle de Raymond Migliario. Cette vague d’arrestations fut favorisée par une trahison. L’aéroport fut ensuite bombardé par les Alliés qui eurent entre leurs mains les plans de Fréjorgues récupérés par Pitangue et Migliario.

Une autre source signale que Jean-Marie Pitangue fut condamné à mort pour un autre fait de résistance (vols de plans, avec Migliario, de l’aérodrome de Fréjorgues à Montpellier).

En tout état de cause, les agents allemands, au courant des actions du groupe auquel appartenait Pitangue, décidèrent d’y mettre un terme.

En effet, nous savons par le témoignage de Gérald Suberville qui dirigeait l’Action ouvrière (AO) des MUR de la R3 que le groupe auquel appartenaient Pitangue, Pierru et Migliario était infiltré par des agents allemands, en l’occurrence deux militants du PPF tunisien affectés depuis juin 1943 à la Sipo-SD de Montpellier, Berger (alias "le Grand Pierre" ; alias "Bendi" ou "Banty"et Mouchet (alias "Henry"). Tous deux "travaillaient" pour Mahren, le responsable du SD de Montpellier. Ce fut Berger qui, d’après Suberville, confirmé par d’autres sources d’archives, fit tomber les trois jeunes Montpelliérains.

Interné à la prison de Montpellier puis à celle des Beaumettes à Marseille (Bouches-du-Rhône), Jean-Marie Pitangue fut condamné à mort, le 30 mai 1944, par le tribunal militaire allemand de Nîmes dans le Gard (OFK 894) qui siégea de jour-là à la citadelle de Montpellier, et fusillé le jour même avec Sénégas, Migliario, Pierru et Rachinel de Montpellier et deux résistants du Gard, François Gaussen, Aimé Sauvebois. Son exécution eut lieu sur le territoire de la commune de Villeneuve-lès-Maguelone mais son décès fut enregistré à l’état civil de Montpellier le 20 septembre 1944 : la date de sa mort est ainsi libellée "vers le 30 mai".

Il fut reconnu « Mort pour la France » en mars 1945. Avec Miglario, il fut cité à l’ordre de l’armée pour leur action audacieuse et leur esprit d’initiative. Il fut homologué lieutenant.

Son exécution ainsi que celle de Jean-Marie Migliario provoquèrent une grande émotion à Montpellier. Les militants de Combat qui avaient survécu aux épreuves de la vie clandestine et qui, pour certains avaient été déportés, voulurent perpétuer la mémoire des membre des fusillés du groupe franc auquel appartenait aussi Georges Pierru. Pour ce motif ils fondèrent à Montpellier, à la fin de 1944, l’Association nationale des anciens de la Résistance (ANAR) qui par la suite élargit son champ d’activité. C’est l’ANAR qui décida d’honorer leur mémoire ainsi que celle des autres fusillés par les Allemands en mai 1944 (Rachinel, Sauvebois, Gaussen et Sénégas) en décidant l’érection des stèles de Villeneuve-lès-Maguelone. L’hommage fut élargi aux autres fusillés de Villeneuve-lès-Maguelone, exécutés par les GMR.

Le nom de Jean-Marie Pitangue nom est inscrit sur les deux monuments ou plaques commémoratifs de la Madeleine. Une plaque a été posée à la butte de tir avec les seize noms de fusillés (par les GMR ou les Allemands) entre le 12 mars et le 11 juillet 1944. La date de son exécution gravée sur ce monument (31 mai 1944) ne correspond pas à celle de son acte de décès (30 mai]. Trois cent mètres en contrebas, un monument commémoratif a été érigé ultérieurement, le long de la route départementale reliant Montpellier à Sète.

Voir : Lieu d’exécution de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152180, notice PITANGUE Jean-Marie, François par André Balent, Jean-Pierre Besse, Delphine Leneveu, version mise en ligne le 4 janvier 2016, dernière modification le 24 avril 2022.

Par André Balent, Jean-Pierre Besse, Delphine Leneveu

Jean-Marie Pitangue
Jean-Marie Pitangue
Cliché tiré des archives familiales. Publié avec l’autorisation de Jean-Claude Richard-Ralite, éditeur de l’ouvrage de Gérard Bouladou, op. cit., hors-texte, planche 10.
Reproduction et recadrage : André Balent. D’après l’ouvrage de Gérard Bouladou (éd ; Jean-Claude Richard-Ralite, op. cit.)

SOURCES : DAVCC, Caen, dossier 21P 134858 (Notes Thomas Pouty). — Arch. dép. Hérault, 110 J, fonds Pitangue. — Gérard Bouladou, L’Hérault dans la Résistance, Lacour éditeur, Nîmes, 1992, 242 p. [dossier iconographique établi par Jean-Claude Richard-Ralite, photographie de Jean-Marie Pitangue, tirée des archives familales Pitangue]. — Gérald Suberville, "L’affaire ¨Pierre Marty intendant de police devant la Cour de justice de Toulouse", in Les lendemains de Libération dans le Midi, Actes du colloque de Montpellier 1986, Montpellier, Université Paul-Valéry Montpellier III, 2e édition, Montpellier, 1998, 240 p., 1e édition, 1997 [pp. 3-26]. — Annales de l’Université de Montpellier et du Languedoc méditerranéen-Roussillon, II, 1944, p. 170, p. 290-291 ; III, 1944, pp. 83-84. — État civil. — Note de Danièle Arnaud, courriel à André Balent, 30 mai 2016.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable