VIVALDI Lucien [Pseudonymes dans la Résistance : Félix, Lucien ERALD]

Par Robert Mencherini

Né le 6 octobre 1920 à Pontedera (Italie), fusillé le 26 janvier 1944 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; monteur en chauffage central ; résistant au sein des FTP-MOI.

Manuscrit de la dernière lettre de Lucien Vivaldi.
Communiqué par la famille.

Comme Marcel Bonein ou Albéric D’Alessandri, Lucien Vivaldi et son frère cadet Serge faisaient partie des jeunes hommes, souvent d’origine étrangère, recrutés par les Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) à Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône), où leur famille habitait. La petite ville, où les immigrés espagnols et italiens étaient nombreux et politisés – de sensibilité communiste –, constitua un vivier pour cette organisation. Lucien Vivaldi participa, à Marseille, à plusieurs attentats, et à l’exécution d’Henri Verdun, président de la Section spéciale de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Celui-ci fut abattu le 18 janvier 1944, vers 18 h 45, à l’angle de la rue Mistral et de la rue Cardinale, dans le centre d’Aix.
Trois jours plus tard, le 21 janvier, Lucien Vivaldi fut interpellé, par hasard, à Marseille, boulevard Dugommier, par une patrouille de police. Il se dégagea à coups de revolver, mais fut poursuivi jusque dans un hôtel, rue de la Providence. Il fut très durement interrogé par la 9e brigade de police mobile, à tel point que, selon des camarades arrêtés avec lui, il devint méconnaissable. Lucien Vivaldi admit, selon le rapport de police, avoir également participé aux attentats contre Jean Phialy, rédacteur à Gringoire, et Kupfer, directeur du Service du travail obligatoire (STO) des Bouches-du-Rhône, abattus, à Marseille, le 4 et le 19 janvier 1944. En application de la loi du 20 janvier 1944, il fut traduit devant une cour martiale de la Milice, la première en France. Condamné à mort le 25 janvier, il a été fusillé le lendemain à l’Estaque (Marseille).
« L’affaire Verdun » souleva des protestations dans la Résistance. Max Juvénal, en particulier, avocat et dirigeant des Mouvements unis de la Résistance (MUR), manifesta son désaccord avec l’exécution du magistrat. Pourtant, La Provence libre, journal des MUR, consacra un article très ému, sous le titre « Le deuxième martyr de Saint-Rémy », à la condamnation à mort de Lucien Vivaldi et reproduisit sa dernière lettre.
Cette affaire eut des conséquences aussi au sein des autorités régionales. Quelques jours plus tard, l’intendant de police, Robert Andrieu, en désaccord avec l’institution des cours martiales de la Milice et leur fonctionnement – il avait été dans l’obligation de mettre en place celle de Marseille –, démissionna et s’en expliqua dans un télégramme envoyé à Joseph Darnand. Il fut révoqué, interné, puis placé en résidence surveillée.
Lucien Vivaldi fut reconnu « Mort pour la France » en janvier 1946, et cité à l’ordre de la brigade avec attribution de la Croix de guerre avec étoile de bronze en novembre 1946.
Son nom figure sur une plaque commémorative disposée à l’entrée de la rue de Résistance à Saint-Rémy-de-Provence, avec treize autres noms, « Les amis des Francs-tireurs et partisans français de Saint-Rémy à leurs camarades de toujours [...] morts pour que vive la France, juin 1944-octobre 1945 ». Il est aussi gravé sur le monument aux morts de cette localité.

Marseille le 24-1-44
Chers parents
Je t’écrit cest quelque lignes, chère maman pour te faire savoir que je viens d’être arreté aussi je te demande davoir baucoup de courage. ainsi que Serge : mais pour lui ne te tracasse pas trop il seras bientot parmi-vous. Je vien de passer en cour Martiale a 6 h du soir ça était vite fait il y avait 9 personnes deriere une estrade qui avait de vrai tête de boche. Ces sales boches mon condamnai a etre fusillier, je regrette une chose c’est de pas à avoir asser tuer ; Mais j’espère que je serait vengais bientot. Je t’en suplie Maman ai du courage cela devait arrivait je l’ai voulu et j’ai voulu servir mon ideal c’est pour lui que je meur et je suis fier d’avoir donner Ma vie pour lui. cet de la folie dira-tu mais cela tu ne peu pas le comprendre. papa s’il était la, m’aprouverait ; ne te fait pas trop de mauvai sang pour Serge ce cher petit ils ne lui feron aucun mal, c’est un peu de ma faute sil se trouve mêler a cette histoire, mais j’espere maman que cela tu me le pardonnera je voulai qu’il suive le même chemin que moi qu’il ai la même foi.J’ai eu peu-être tort il étai encore bien jeune mais plus tard il comprendra ? car j’ai bien tenté de lui faire comprendre mais il n’a rien voulu savoir. Enfin maman je termine ma lettre je ne vois plus grand chose à te dire. Embrasse bien fort Claude et Sylvette tres fort pour moi, ainsi que toi maman je tembrasse fort.
j’embrasse aussi tous mes amis et copains.
Du courage
Ton fils Julien.
tu peu venir voir Serge il ai a la prison Boulevard Chave a Marseille.
Les jours de visite son le jeudi, dimanche.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152185, notice VIVALDI Lucien [Pseudonymes dans la Résistance : Félix, Lucien ERALD] par Robert Mencherini, version mise en ligne le 9 janvier 2014, dernière modification le 10 novembre 2020.

Par Robert Mencherini

Manuscrit de la dernière lettre de Lucien Vivaldi.
Communiqué par la famille.

SOURCES : DAVCC, Caen, dossier 21 P 275171 (Notes Jean-Pierre Besse). – Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, 76 W 134, ministère de l’Intérieur, direction générale de la police nationale, Renseignements généraux, « Bulletin hebdomadaire de renseignements », 25 janvier 1944, 1er février 1944. – Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, 76 W 136, gendarmerie nationale, compte rendu, janvier 1944. – La Provence libre, no 3, 1er juin 1944. – Le Petit Marseillais, 19 janvier 1944, 22 janvier 1944, 27 janvier 1944. – Madeleine Baudoin, Histoire des Groupes francs (MUR) des Bouches-du-Rhône, Paris, PUF, 1962. – Marcel-Pierre Bernard, Les Communistes dans la Résistance, Marseille et sa région, thèse de doctorat de troisième cycle, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1982. – Casimir-Pierre Mathieu, La Résistance à l’oppression, la Première et Deuxième Guerre mondiale, la Résistance, Cavaillon, Imprimerie Mistral, 1978. – Robert Mencherini, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi rouge, ombres et lumières, t. 3, Syllepse, 2011.— Dernière lettre manuscrite fournie par sa nièce Gisèle Macchi le 2 décembre 2016.

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