HANOUN Lucien [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 19 septembre 1914 à Ouled Rhiou en Oranie (à Inkerman selon le JO de la République Algérienne du 9 août 1963, obtention de la nationalité algérienne) ; mort le 7 avril 2018 à Villejuif ; enseignant communiste d’Algérie, chargé en 1955-1956 par le PCA et le PCF, de la rédaction du journal La Voix du soldat à l’adresse du contingent.

Lucien Hanoun
Lucien Hanoun

Le père de Lucien Hanoun est mort à la guerre en 1915 en Serbie où il combattait dans l’armée française. Pupille de la nation, le jeune garçon va pouvoir poursuivre des études, formé à l’école républicaine française. Les grands parents et parents, Juifs d’Oranie, parlaient arabe à la maison. Laïc anticlérical, le second mari de sa mère le libère de toute marque religieuse et confirme son attachement aux philosophes du XVIIIe siècle et au progressisme des Lumières. Mais L. Hanoun ne pratique plus l’arabe. Il va au lycée d’Alger puis en khâgne au lycée Lakanal à Sceaux près de Paris. Il devient professeur de français. Après avoir fait partie des étudiants socialistes qu’il quitte au moment de la guerre d’Espagne, il adhère au PCF en 1938.

Il est mobilisé en 1939 à Alger. Au sortir de l’armée en 1940, il est nommé à Sidi-Bel-Abbès, avant d’être exclu de l’Éducation nationale par application des lois raciales de Vichy ; son frère et ses sœurs sont chassés du lycée français. Clandestinement à Alger, il assure des cours au collège d’enseignement organisé par des familles juives. En 1944, il est rappelé dans l’armée française d’Afrique du Nord ; il fait la campagne de France dans l’intendance.

Démobilisé en août 1945, il enseigne successivement à Sidi-Bel-Abbès, Boufarik, puis Alger. Communiste et militant du Mouvement de la paix, il devient, en 1952, secrétaire de la cellule de la Casbah. Il est sanctionné par l’administration académique, pour son action à vouloir élargir la scolarisation des enfants algériens. Le PCA recrute peu cependant parmi les Algériens de la Casbah, aussi les réunions de cellule se tiennent en dehors. À son sens, les communistes qui se veulent Algériens, le sont un peu par procuration ; il espère néanmoins dans une Algérie algérienne progressiste.

Au printemps 1955, par l’intermédiaire d’André Moine, le PCA et le PCF s’accordent à lancer en Algérie un journal pour les soldats français du contingent. Ils font appel à Alfred Gerson (de son vrai nom Sepcelevitius) qui, à Paris, est chargé du journal édité par le PCF, Soldat de France. Parce que L. Hanoun s’est fait remarquer en tant que responsable de la diffusion de Liberté, l’hebdomadaire du PCA, il est adjoint à A. Gerson, pour être le rédacteur de la feuille périodique La Voix du soldat qui répond en petit à la propagande militaire du journal Le Bled (fabriqué dans les anciens locaux occupés d’Alger Républicain). Alors que le propos est de s’adresser aux soldats de France (« fils du Peuple de France ») pour les faire adhérer à la campagne communiste pour la paix en Algérie et donc la fin de leur service, L. Hanoun a fort à faire pour glisser des informations sur la société et la résistance algérienne, bien qu’il soit l’unique rédacteur. Dix-sept numéros paraissent de septembre 1955 à novembre 1956 ; la publication prend fin quand il est arrêté.

Il connaît les sévices dans les centres de tri et à la villa Sésini, les prisons de Barberousse (Serkadji) et de Maison-Carrée (El Harrach), puis la détention à Berrouaghia et d’autres camps moins sévères où il peut donner des cours. Condamné à quatre ans de prison, il est transféré à Marseille à la prison des Baumettes, alternant moments de grèves et cours sous surveillance du FLN. À sa sortie, le PCA lui demande en mars 1961, de revenir à Alger dans la clandestinité.

Après l’indépendance, refusant d’être tenu pour coopérant français, fait citoyen algérien en 1963, il reprend l’enseignement et plus encore l’action syndicale à la FTEC-UGTA. L’arabisation le met en porte-à-faux ; à l’usure, il part pour la France, terminant sa carrière au lycée de Thiais en région parisienne.

Toujours en pleine possession de ses moyens, il se préparait à fêter ses cent ans pendant l’été 2014.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152260, notice HANOUN Lucien [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 11 janvier 2014, dernière modification le 4 mars 2022.

Par René Gallissot

Lucien Hanoun
Lucien Hanoun

SOURCES : Fonds Lucien Hanoun, Arch. Dép. de Seine-Saint-Denis (369 J), inventaire en ligne. — Table ronde publiée dans Cahiers d’histoire de l’Institut de recherches marxistes, n° 8, Paris, 1982. — D. Iurelli-Bari, L’action du PCF en direction du contingent pendant la guerre d’Algérie, maîtrise d’histoire, Université de Paris 8, 1975. — Entretiens avec Lucien Hanoun, Paris, 2005. — « Lucien Hanoun, l’Algérie, le siècle et trois guerres », L’Humanité, 10 avril 2018. — Renseignements et photo communiqués par les amis de Lucien Hanoun, 2014.

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