Par Anne Chauvin, Hugues Lenoir, Didier Roy
Né le 16 septembre 1955 à Laon (Aisne), mort le 30 mai 1990 à Griselles (Loiret) ; paysan, militant du syndicat des travailleurs-paysans et de la Fédération anarchiste.
Fils d’André Duthilleul, instituteur, et de Nicole Gontier, institutrice, Alain Duthilleul, élève au lycée Grandmont de Tours, créa un journal contestataire, Crapaud, journal baveux, qui lui valut son surnom. Pendant ses études à la faculté d’aménagement du territoire de 1973 à 1977, il cofonda le groupe FA de Tours en 1974 tout en participant aux luttes étudiantes et écologistes (manifestation à vélo avec René Dumont) et à la lutte antinucléaire contre la centrale d’Avoine, près de Chinon, où il cultivait un jardin biologique avec ses parents.
Alain Duthilleul dit Crapaud fit partie de la délégation française au congrès de l’IFA à Carrare en 1978. Il fit forte impression sur les autres délégations en expliquant pourquoi le syndicalisme français n’était pas pareil que l’espagnol. Il faut savoir qu’à l’époque les espagnols faisaient le forcing pour que les organisations anarchistes développent des « centrales » anarcho-syndicalistes, et reprochaient aux français de ne pas être à la hauteur. Dans la délégation française, il y avait, outre Carmen Sanchez – secrétaire des Relations internationales – trois militants de Toulon dont Bruno Napi et un vieux copain espagnol, Bruno Préposiet de Besançon et. Jean Charles Canon, Alain Sauvage, Jean Louis Laredo, Hervé Trinquier, Maurice Colombo et Didier Roy.
Lors de plusieurs congrès de la FA, il s’engagea pour l’introduction de la notion de lutte des classes dans les principes de base de l’organisation. Lassé par un blocage persistant, il demanda également l’introduction du principe du vote organisationnel. C’est à la suite de cet épisode que le groupe de Tours prit le nom de Maurice Fayolle* auquel était empruntée cette proposition. La notion de lutte des classes fut adoptée par la FA au congrès de Ris-Orangis, en 1978.
Titulaire d’un diplôme d’ingénieur agronome, Alain Duthilleul fut insoumis au service militaire. Il devint, entre 1978 et 1981, cuisinier et animateur d’un café-théâtre alternatif tourangeau, Le Petit Faucheux. Il y reçut de nombreux artistes engagés comme Gérard Pierron ou Claire, qu’il fit connaître dans les pages du Monde libertaire.
Dans les congrès de la FA, il défendit en permanence l’idée d’un anarchisme fédérateur, social et organisationnel, dans la lignée de la pensée de Maurice Fayolle. Dans les années 1980-1983, il s’établit agriculteur. Après avoir obtenu un BPA viticulture-œnologie, il rejoignit une ferme biologique autogérée, La Comète, à Beaucaire (Gard). Ce n’était pas seulement un lieu de production, mais aussi un lieu d’accueil pour des réfugiés, immigrés, insoumis, écologistes et militants de divers horizons. Il s’engagea très vite à la Confédération nationale des syndicats de travailleurs-paysans, issue du Mouvement des travailleurs-paysans d’après 1968, qui devint plus tard la Confédération paysanne.
Entre 1982 et 1984, il fut très actif dans le soutien à un autre militant FA et paysan syndiqué du Larzac, Jean-Émile Sanchez*, menacé d’expulsion. Le 28 juin 1984 il fut, au côté de Manuel Garcia, le fondateur du groupe FA du Gard, dont il fut le secrétaire.
En 1985, Alain Duthilleul quitta la ferme autogérée de Beaucaire pour devenir associé d’un Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) pratiquant le maraîchage biologique, du côté de Montargis (Loiret). Il y fut rejoint par sa compagne, elle aussi militante de la FA à la Commission Femmes. Militant à la Confédération paysanne du Loiret, il rencontra des objecteurs de Montargis, participa à leur journal, Hémorroïdes, et fonda, avec deux de ces objecteurs et sa compagne, le groupe anarchiste de Montargis. En 1986, il rédigea l’article "Regards sur la campagne de l’Espagne" pour la revue La Rue n°37, consacrée à l’Espagne libertaire. En 1987, il apporta une contribution écrite au colloque libertaire de Lisbonne, Tecnologia e Liberdade, où il donnait une trame des enjeux liberticides d’une agriculture mondialisée et normative.
Entre 1988 et 1990, il créa sur Radio libertaire l’émission mensuelle Liber ‘terre, consacrée au monde agricole et rural. Il fut secrétaire aux relations internationales de la FA en 1989-1990 et organisateur et animateur, en mai 1990, du colloque international, à Paris lors du Congrès de l’IFA, où il anima un débat sur l’agriculture avec le secrétaire de la Confédération paysanne du Loiret.
Par Anne Chauvin, Hugues Lenoir, Didier Roy
SOURCES : Notes D. Dupuy — Notes D. Vidal — témoignages de proches, novembre 2008, novembre 2014. — État civil.