RIVEREAU Marthe [née CHERTREAU Louise, Marthe, Amélie]

Par Alain Dalançon

Née le 5 février 1903 à Gizay (Vienne), morte le 29 septembre 1975 à Poitiers (Vienne) ; institutrice ; militante syndicaliste du SNI et de la FEN-FO ; militante socialiste SFIO.

Marthe Chertreau naquit chez sa grand’mère paternelle, Marie Chertreau, fermière à Gizay ; son père, Louis, Célestin, était employé « balaitier » à l’Hôtel Dieu de Poitiers, et sa mère, Louise Rouillon, couturière. Elle fut élève à l’École normale d’institutrices de la Vienne, promotion 1919-1922, et occupa divers postes d’institutrice dans le département avant d’être nommée à Poitiers.

Elle épousa, le 27 septembre 1924 à Poitiers, Elie, Alphonse Rivereau, menuisier à Sommières-du-Clain, qui travaillait chez son père, artisan menuisier. Un de leurs témoins fut Eugène Audinet, secrétaire de la Bourse du Travail et de l’union départementale de la CGT. Ils eurent au moins un fils.

Marthe Rivereau était adhérente de la section départementale du Syndicat national des instituteurs et institutrices depuis 1924, membre de son conseil syndical depuis 1929 et participait à la vie de la CGT avant-guerre.

À la Libération, elle contribua à la reconstitution d’un « Syndicat de l’enseignement public de la Vienne » créé sous l’impulsion de Jules Pouilloux. Après l’assemblée générale de novembre 1944, elle fut élue trésorière dans un bureau de trois membres, Pouilloux étant secrétaire général et Biais secrétaire du bulletin. Les statuts de ce syndicat unique furent adoptés au début de l’année 1945 ; il comprenait six sections (instituteurs, degré classique, degré moderne, degré technique, services administratifs et retraités).

Marthe Rivereau devint secrétaire ajointe de la section du SNI en 1945-1946. Au début de l’année 1948, elle signa un appel collectif à passer à la CGT-FO, en certifiant qu’aucun groupe FO n’avait existé dans la Vienne avant le 4 décembre 1947, contrairement aux affirmations de circulaires et affiches de la nouvelle direction de l’UD-CGT conquise au congrès de mai 1947 par des militants communistes (Jean-Louis Vigier*). Elle était en réalité depuis la Libération très hostile aux communistes et à la majorité nationale de la CGT et une des principales responsables de ce courant dans la direction départementale de la CGT, avec Alfred Robinet et Rémy Potet. Elle développa dans le bulletin du SNI de février 1948 une longue argumentation dans un article, « L’autonomie, c’est la scission ». Les résultats du vote interne, avant le congrès du SNI de mars 1948, montrèrent la relative faiblesse de l’influence de son appel puisqu’ils donnèrent les résultats suivants dans la section départementale : sur 560 votants, pour rester à la CGT : 334, contre 212 ; pour aller à FO : 139, non : 392 ; pour l’autonomie : 389, non : 130.

Après l’adoption de la possibilité de la double affiliation individuelle au congrès national du SNI, Marthe Rivereau fut donc double affiliée à la FEN-FO. Elle écrivit dans le bulletin départemental n° 16 d’avril-juin 1949 que, respectueux des décisions du congrès, ses amis et elle n’avaient pas voulu constituer un syndicat des instituteurs FO, mais elle appelait ses collègues à rejoindre une Fédération de l’Éducation nationale FO existant au plan national et départemental qui se « plaçait sur les positions de la vieille Fédération de l’enseignement d’avant-guerre » et permettant la « liaison avec les centaines de milliers d’ouvriers et d’agents des services publics groupés dans la CGT-FO », (qui étaient particulièrement bien représentés à Châtellerault) ; elle concluait : « Si demain, la Fédération FO doit disparaître, si à la majorité des universitaires cristallisée dans une autonomie corporative définitive ne s’oppose qu’une minorité menée par une bureaucratie politique, ce sera la fin du syndicalisme universitaire […] ». À la rentrée 1949, René Bibault, militant communiste « cégétiste », fut élu secrétaire général de la section départementale du SNI mais avec deux secrétaires adjointes : Mlle Frandeau (CGT) et Marthe Rivereau (FO), chargée du bulletin.

Les tensions ne tardèrent cependant pas à s’aggraver, notamment à propos de la paix. Ainsi, dans le bulletin syndical, n° 18 de janvier-mars 1950, Marthe Rivereau écrivit une tribune libre sur « l’Enseignement et la Paix » qui s’opposait au point de vue de Pouilloux développé dans une autre tribune libre sur « La paix ». À la rentrée 1950, eurent lieu dans la section de vifs débats sur la « politisation » du syndicat, après l’intervention de Bibault au congrès national du SNI de juillet sur la Yougoslavie. Au conseil syndical du 16 novembre, ce dernier proposa de ne pas établir de listes de tendances pour l’élection du nouveau conseil syndical ; cette proposition obtint la majorité contre la proposition inverse de Marthe Rivereau. Il s’ensuivit l’établissement d’une liste unique où se retrouvaient les « cégétistes » (Bibault et ses camarades) et les autonomes (Béchy et ses camarades) mais où elle ne figurait pas. L’Ecole Libératrice venait d’annoncer qu’un syndicat FO était né, un article de sa plume en apportait la preuve, dans lequel elle écrivait avec Claudine Bonnet, Amédée Souchaud et Jeanne Magnon : « Nous ne sommes pas démissionnaires. Nous sommes exclus. »

Au printemps 1952, elle figura sur la liste nationale de la FEN-FO pour les élections à la commission administrative paritaire centrale, ce qui entraîna son exclusion du SNI par la direction nationale. Cette liste obtint 87 voix dans le département contre 870 voix à celle du SNI et 55 à celle du Syndicat général de l’Éducation nationale. Mais Marthe Rivereau ne fut pas en mesure de constituer une liste aux élections à la CAPD de la Vienne, la liste unique du SNI, où figuraient pourtant des doubles affiliés à la FEN-FO, emportant donc tous les sièges.

Depuis l’avant-guerre, Marthe Rivereau militait également au Parti socialiste SFIO. En avril 1949, elle était secrétaire administrative de la fédération de la Vienne, responsable des femmes socialistes ; en 1954 et 1959, elle en était la trésorière. Au plan national, elle fut candidate – non élue – à la commission féminine nationale en 1948, fut élue suppléante en 1950 puis titulaire de 1951 à 1963. Selon le délégué national du parti en tournée en avril 1959, elle était la seule responsable fédérale active, avec Henri Huyard, instituteur, ancien résistant, déporté, qui avait pris parti pour le général de Gaulle. Henri Charrieau, qui combattait cette orientation, devint un peu plus tard secrétaire de la fédération.

Marthe Rivereau était aussi membre du conseil d’administration de la coopérative régionale des Charentes et du Poitou. Elle présidait le groupe touristique et culturel « La route enchantée ».

Elle et son mari habitaient à Poitiers, boulevard Chasseigne, dans la partie rebaptisée boulevard du maréchal de Lattre de Tassigny ; en 1954 leur fils, chef de bureau à la Sécurité sociale, et sa famille résidaient avec eux.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152437, notice RIVEREAU Marthe [née CHERTREAU Louise, Marthe, Amélie] par Alain Dalançon, version mise en ligne le 15 janvier 2014, dernière modification le 30 mars 2021.

Par Alain Dalançon

SOURCES : Arch. mun. Poitiers (Sabrine Ghys). — Archives OURS, fédération SFIO de la Vienne. — Force Ouvrière, hebdomadaire de la CGT-FO, 24 avril 1952. — Arch. IRHSES (Bulletin du Syndicat de l’enseignement public de la Vienne).— David Hamelin, « Syndicats et syndicalistes dans le châtelleraudais (1944-1968) » (ccha.fr/.../David-Hamelin-Syndicats-et-syndicalistes-à-Châtellerault-1944). — Notes de Louis Botella, Jacques Girault, Gilles Morin.

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