PIREZ Manuel, dit Manu

Par Gilles Pichavant

Né le 24 juin 1926 à Barlin (Pas-de-Calais), mort le 9 mars 2003 à Dieppe (Seine-Maritime) ; militant CGT de la Seine-Maritime ; communiste ; président général du Conseil des Prud’hommes de Dieppe en 1980.

Manuel Pirez naquit à Barlin (Pas-de-Calais), fils de Joao Pires de nationalité portugaise, mineur au puits n°5 de Barlin (Nord), et de Rosa Fernandes, elle aussi nationalité portugaise. Le « z » à la fin de son nom vint d’une erreur du préposé à l’État civil. Joao Pires était né le 17 mai 1891 au Portugal ; il fut naturalisé français le 24 juillet 1947, n° 75-97-47 ; il mourut en 1951. Sa mère était née le 29 août 1894 à Moura au Portugal.

Fin 1940, à l’âge de quatorze ans, Manuel Pirez commença à travailler comme galibot au puits n°5. Il travailla à la réparation des galeries de la mine. Son père fut agent de liaison dans la Résistance. Il hébergea pendant 6 mois un major russe prisonnier évadé, à qui l’on avait fabriqué une carte d’identité de muet, et qui se fit descendre à un carrefour par les allemands.

Manu participa à la Libération de Barlin en 1944, et s’engagea dans le 76e RI pour le reste de la guerre. Démobilisé en 1945, Il ne réintégra pas la mine, mais enchaîna des emplois divers. Il travailla d’abord dans une cimenterie, à Barlin, puis comme chaudronnier, à Lille (Nord), dans une petite entreprise. Il suivit des cours du soir et devint traceur. C’est à cette époque, en 1946, qu’il adhéra à la jeunesse communiste.

Son travail de chaudronnier le conduisit en déplacement à Incheville (Seine-Maritime). Il s’y maria le 5 août 1950 avec Françoise Mauricette Audrec, et entra comme soudeur chez Maillard, une entreprise fabriquant des cycles. Il y travailla 9 mois environ. Puis il entra dans l’entreprise Batte, au Tréport, où il travailla onze ans. Il chercha à y créer un syndicat, mais n’y arriva pas.

En 1962, il entra à la verrerie Desjonquères, à Mers-les-Bains (Somme), et se syndiqua immédiatement à la CGT, fédération du verre. A son arrivée le syndicat était divisé en clans opposés qui se combattaient. De très nombreux bulletins de votes aux élections de délégués du personnel ou au CE comportaient des ratures, conséquences de consignes faites passées « sous le manteau ». Malgré un très fort taux de syndicalisation et un grand nombre de voix pour la CGT, le syndicat n’avait pas le nombre d’élus qu’il aurait été en droit d’espérer. Manuel Pirez combattit les clans, milita pour l’unité, et, lors des élections suivantes, la CGT remporta tous les sièges de délégué. Il devint un des principaux responsables du syndicat, et se fit élire délégué du personnel. Il prit des responsabilités dans l’Union locale CGT du Tréport et de la vallée de la Bresle. C’est à cette époque qu’il commença à s’intéresser au droit social et à la défense prud’homale, activité qui le passionna jusqu’à sa mort.

Mais Manuel fut licencié pour activité syndicale en 1966. Pendant deux ans, mis à l’index, sur une liste noire qui lui fermait tout accès à un emploi dans les entreprises de la région, il ne put survivre qu’en vendant des assurances-vie, tout en continuant son activité à l’Union locale CGT.

Pendant le mouvement de grève de mai-juin 1968, il anima la grève dans la vallée de la Bresle avec Jacques Roux*, professeur de collège technique et militant CGT. Manuel Pirez fut l’un des militants de l’UL à être habilité à signer des bons d’essence pendant la durée de la grève. Conjointement avec Jacques Roux, il organisa le syndicat CGT chez Maillard à Incheville (Seine-Maritime), où ils furent appelés par le millier d’ouvriers inorganisés qui s’étaient mis en grève. Ils firent entrer les ouvriers dans l’usine, les firent décider l’occupation de leur entreprise pour sauvegarder l’outil de travail, et les aidèrent à monter leur cahier de revendications et à organiser leur syndicat.

En 1969, Manuel Pirez fut contraint de quitter la région, et trouva du travail en région parisienne pour une entreprise de Lens.

A la suite d’une intervention d’Irénée Bourgois – le nouveau conseiller général de Dieppe - auprès de la direction des Ateliers et Chantiers de la Manche (ACM) à Dieppe, Manuel Pirez fut embauché sur leur site de Boulogne-sur-Mer où il travailla un an et demi. Il intégra le chantier de Dieppe des ACM en 1971. Il fut élu délégué du personnel en 1972. Il y fut l’instigateur une forme inédite d’action : des arrêts de travail de quelques minutes par jour, en plein milieu d’une vacation, pendant lesquels les ouvriers se saisissaient de tout ce qui pouvait faire du bruit pour faire un maximum de vacarme. On entendait les grévistes jusqu’au centre de Dieppe. L’action dura trois semaines, et se révéla particulièrement efficace car elle désorganisait la production. Le personnel obtint l’intégration des bonis, l’attribution d’une journée de congés pour la Saint-Éloi pour tout le personnel, alors qu’il fallait être P3 et avoir 5 ans d’ancienneté pour pouvoir précédemment en bénéficier. L’action ne fut pas sans lendemain, et, dans l’année, le personnel obtint près de 25% d’augmentation.

A cette époque, la direction de la section syndicale des ACM était composée majoritairement de jeunes, au milieu desquels il y avait quelques anciens comme Manuel Pirez ou Roland Bréard. On peut citer Pierre Poupinais* (technicien, secrétaire du syndicat), Joseph Lincot*, Claude Violette*, René Podevin*, William Pilon* (OP3 futur secrétaire du CE puis du CCE), Gérard Demonchy*, Claude Rispoli*, Édouard Guibert*, Lionel Petit*, Jean-Pierre Ouvry* etc.

Manuel Pirez fut élu à la CE de l’Union locale CGT de Dieppe au congrès du 10 juin 1972, et entra au bureau de l’UL. Il quittera le bureau de l’Union locale en 1975 pour se consacrer principalement aux questions prud’homales et de défense juridique.

Manuel Pirez participa au congrès de la section syndicale des ACM, le 1er octobre 1976, qui décida de la transformation de leur section syndicale en syndicat d’entreprise. Car cette section dépendait initialement du syndicat CGT de la métallurgie de la région dieppoise. Le nouveau syndicat comptait 215 syndiqués dont 22 techniciens et cadres. Ce congrès sera l’occasion d’un nouveau rajeunissement de la direction syndicale avec l’arrivée des militants comme Alain Bréard* (fils), Claude Gens*, Gérard Mouchaux*.

La période qui suivit ce congrès fut marquée par une activité revendicative intense. Les grèves se succédèrent pour obtenir l’accord national sur les classifications et son application dans l’entreprise. Le personnel obtint une valeur de point unique du manœuvre à l’Agent de Maîtrise, et la fin les salaires anarchiques. A cette époque la construction navale se développait. On construisait aux ACM des navires océanographiques, des thoniers de 70 mètres, des chalutiers, des remorqueurs, le carnet de commandes est plein. Parallèlement aux efforts consacrés au développement du chantier naval, les ACM poursuivaient les activités prospectées pendant les périodes de vaches maigres, en créant un département « matériel de mines ». Dans le même temps, la maintenance du matériel minier était assurée par une filiale, les Ateliers et Chantiers de la Moselle situés à Metz.

Manuel Pirez quitta les ACM après la signature le 4 juin 1982 d’un « Contrat de solidarité » entre la direction de l’entreprise et le ministre du travail, après un accord signé par la CGT le 20 avril 1982 à la suite d’un long processus de négociation. Le contrat de solidarité permit à la fois aux salariés âgés de bénéficier d’une préretraite à 55 ans, avec un complément de salaire versé par l’entreprise pendant 5 ans et 3 mois, et à des jeunes d’être embauchés pour les remplacer.

En 1973, Manuel Pirez fut élu aux prud’hommes à la création du conseil des prud’hommes de Dieppe. Il en fut élu Président Général en 1980, et président de la section industrie jusqu’à son départ en retraite.

En 1971, il fut candidat, en 10e position, sur la liste présentée par le parti communiste pour les élections municipales à Neuville-les-Dieppe, dont la tête de liste était Christian Cuvilliez. Il obtint 1579 voix mais ne fut pas élu mais ne fut pas élu.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152546, notice PIREZ Manuel, dit Manu par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 18 janvier 2014, dernière modification le 23 février 2021.

Par Gilles Pichavant

SOURCES : Archives de l’Union locale CGT de Dieppe — Archives de la section de Dieppe du parti communiste français — Fonds ancien de Dieppe, médiathèque Jean-Renoir, quai Bérigny, les informations dieppoises — Témoignages de Manuel Pirez recueilli par l’auteur en 1998.

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