HENINE Yahia [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 6 octobre 1925 à Akerou un petit village de Kabylie.(Algérie), mort le 17 janvier 2004 à Alger ; étudiant en droit à Alger, co-auteur en 1950 de L’Algérie libre vivra ; militant du MTLD puis du PCA ; après l’indépendance, directeur au ministère de l’information ; clandestin après le coup d’État du 19 juin 1965 ; arrêté en 1968 ; avocat à Béjaïa.

En 1944, au titre du PPA, Yahia Hénine est un des animateurs de l’Association des Étudiants Musulmans nord-africains à l’Université d’Alger où il est étudiant à la faculté de droit. Il est membre, en 1947, de la Commission de presse du journal El Maghreb El Arabi qui est un périodique de publication irrégulière, du MTLD. À la fin de 1947, la Commission charge un petit noyau d’étudiants de rassembler la documentation et de préparer un mémoire faisant l’historique de la nation algérienne et de l’État, à présenter devant l’ONU à la session de septembre 1948.

Notamment Mabrouk Belhocine et Yahia Hénine travaillent pendant des mois à la bibliothèque de l’Université d’Alger, à « rédiger un document de plus de 400 pages, reprenant l’histoire de l’Algérie de Massinissa à nos jours », selon la formule de M. Belhocine pour la réédition de l’ouvrage qui en sera tiré, dans la revue Soual, en 1987. Les auteurs font une lecture critique et très nourrie de L’Histoire de l’Afrique du Nord de Charles-André Julien, complétée par les études plus récentes. À la fin de l’année, coupé sous les ciseaux et retouches de Messali à Paris, patron du PPA-MTLD, il en sort diffusé par ce parti, un mémorandum de cinquante pages qui commence en affirmant : « La nation algérienne, arabe et musulmane, existe depuis le VIIe siècle ». Deux conceptions de la nation, s’opposent.

Ancien élève du lycée Ben Aknoun, alors président de l’Association des étudiants musulmans d’Afrique du Nord (AEMNA), Sadek Hadjéres se joint en 1949 à Mabrouk Belhocine et Yahia Hénine pour reprendre par étapes civilisationnelles depuis l’antiquité, et sans négliger la période ottomane importante pour l’institution étatique, la formation de la nation algérienne par la brochure L’Algérie libre vivra, signée du nom collectif El Wattani, le patriote. Les hommes de main du MTLD à Alger font main basse sur le tirage. Des exemplaires restent cependant dispersés.

L’idée est donc celle d’une Algérie algérienne fondée sur le pluralisme culturel. Le MTLD est secoué par la crise dite « berbériste » qui se traduit par de nombreuses exclusions de militants kabyles et une recomposition de la direction autour de Messali au nom de l’arabisme et de l’appartenance à la communauté musulmane qui rejette l’athéisme et la laïcité. L’argumentation historique de la brochure est proche de celle de quelques militants communistes qui se détachent de l’arrêt de la position de parti sur la formulation de Maurice Thorez en 1939, de « l’Algérie, nation en formation », pour avancer une conception arabo-berbère de la formation nationale algérienne marquée ensuite par l’influence intellectuelle française à travers même la colonisation. En 1950, comme Sadek Hadjéres, déjà en 1949, et d’autres intellectuels et militants critiques, Yahia Hénine quitte le MTLD pour passer au PCA.

Poursuivant ses études de droit, Yahia Hénine devient avocat. À l’indépendance, sous le gouvernement d’Ahmed Ben Bella, qui maintient l’interdiction du PCA tout en tolérant et quelquefois recherchant le service de communistes, Yahia Hénine reçoit une direction au ministère de l’information. Le coup d’État militaire le voue à la clandestinité de l’opposition qu’est l’ORP. Avec les anciens du PCA formant le PAGS, il est arrêté en 1968 ; libéré, il tient un cabinet d’avocat à Bejaïa. Après sa mort en 2004, son nom est progressivement mis en l’honneur. Ainsi la première promotion du bâtonnat de Bejaia porte son nom ; et chaque lauréat reçoit à la distribution des diplômes en novembre 2012, un tableau reproduisant son portrait de retouche officielle.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152552, notice HENINE Yahia [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 18 janvier 2014, dernière modification le 4 octobre 2017.

Par René Gallissot

SOURCES : B. Stora, Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens, op. cit. — Présentation et réédition de L’Algérie libre vivra par Mabrouk Belhocine, revue Soual, Paris, n° 6, avril 1987. — Ali Guenoun, Chronologie du mouvement berbère, un combat et les hommes, Casbah éditions, Alger 1999. — Guy Pervillé, « Du berbérisme colonial au berbérisme anti-colonial : la transmission du thème de l’identité berbère des auteurs coloniaux français aux intellectuels nationalistes algériens », Cahiers d’histoire immédiate, n° 34, automne 2008, Toulouse. — Renseignements communiqués par sa fille Rym Henine.

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